Une réforme d’une telle ampleur ne va évidemment pas sans poser de problèmes, alors même que ses aspects les plus impopulaires ne sont pas encore appliqués (à terme, une nouvelle réduction du nombre de communes est envisagée, ainsi que la suppression pure et simple des régions), notamment la réduction du nombre d’écoles et d’hôpitaux.
De nombreuses communes ont ainsi les plus grandes difficultés à boucler leurs budgets, ce qui explique que la consommation publique continue à ne pouvoir être maîtrisée (les communes et les régions représentaient 70% de la consommation publique en 2007).
La réforme a de plus été accompagnée par une élévation des arrêts maladie, surtout au sein des communes, d’autres facteurs que le stress lié aux changements intervenus (manque de main-d’œuvre, qui risque de perdurer dans la mesure où 25% des employés du secteur public vont partir à la retraite d’ici une dizaine d’année, réforme malvenue de la qualité dans le secteur public d’août 2007, notamment basée sur l’accroissement des contrôles et des enquêtes de satisfaction) pouvant toutefois expliquer cette évolution.
Enfin, les grèves vécues dans le secteur de la santé lors des négociations entourant le renouvellement des négociations collectives pour la période 2008-2011 ont laissé des traces, rendant l’un des objectifs de la réforme des collectivités territoriales, à savoir un secteur de la santé de classe mondiale, toujours hors d’atteinte (le Danemark souffrant déjà de certaines carences dans ce domaine). En raison de la durée inhabituelle de la grève (huit semaines), qui a provoqué un allongement des listes d’attente relatives aux opérations et aux examens, la garantie de traitement, entrée en vigueur en octobre 2007, et qui stipule que chacun a le droit d’être pris en charge par le secteur privé (aux frais du public) dans le cas où la durée d’attente dépasse un mois dans le public, a été suspendue pour un an.
Bien que le contexte local soit à de nombreux égards (culture, organisation administrative, taille du pays) différent du nôtre, quelques enseignements peuvent néanmoins être tirés de l’expérience danoise :
1) La réforme a demandé du temps. Initialement mise en route en 2002 par l’instauration de la « strukturkommission », elle n’est entrée en vigueur que 5 ans plus tard afin de faire de la concertation le maître mot et de s’assurer du soutien de la population et plus particulièrement des employés concernés (455 000 personnes sur les 820 000 que compte le secteur public ont ainsi changé d’employeur!).
2) Elle ne constitue pas une tentative de recentralisation déguisée, un des buts affichés étant de développer la démocratie locale en faisant de la commune l’acteur incontournable pour les citoyens.
3) Le système fiscal est simplifié dans la mesure où seuls deux des trois acteurs administratifs peuvent lever l’impôt. La transparence qui en découle fait que chaque citoyen sait avec précision combien il verse à l’Etat et combien il verse à sa commune de résidence, en sachant que l’imposition sur le revenu peut varier d’une commune à l’autre (24-25% en moyenne).
4) La réforme a permis d’initier des changements importants dans le domaine de l’emploi, les employés communaux et d’Etat étant désormais tous regroupés en un même lieu, à savoir le jobcenter (il y en a 91 en tout), avec un but clair : accompagner, en coopération avec les caisses d’assurance chômage, le demandeur d’emploi dans ses recherches. Une dizaine de ces centres sont aujourd’hui exclusivement gérés par des employés des communes dans le but d’évaluer la faisabilité d’une décentralisation plus poussée des services de l’emploi.
5) La claire séparation des tâches entre les différents acteurs a mis fin aux « zones grises », ce qui a des conséquences non négligeables en termes d’efficacité mais aussi en termes de démocratie locale. Cette séparation accroît mécaniquement la transparence et augmente les possibilités qu’ont les citoyens de mettre les hommes politiques en face de leurs responsabilités.
L’expérience danoise souligne quoi qu’il en soit l’urgence de mettre en œuvre une réforme d’une ampleur au moins similaire dans notre pays, cette urgence étant renforcée par l’état de nos finances publiques. Parmi les pistes qui s’imposent d’elles-mêmes :
1) La suppression d’au moins un échelon administratif, la région ou le département. La suppression des régions pourrait tenir la corde dans la mesure où les français semblent davantage attachés aux départements mais la suppression de ces derniers permettrait de donner aux communes toute leur place, dans la même logique que la réforme initiée par nos amis danois.
2) La réduction du nombre de communes, aujourd’hui bien trop élevé (environ 37 000, soir presque la moitié du nombre total de communes dans ce qui était l’UE à 15…).
3) En termes d’emploi, si l’on veut pousser la logique du guichet unique jusqu’au bout (malgré les doutes exprimés dans mon article à ce sujet: “Fusion ANPE/Unedic: de la poudre aux yeux?”), il semble nécessaire de regrouper les services de l’AFPA (Association Nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes), organisme public dont la tutelle est en partie confiée aux régions, avec l’organisme né de la fusion ANPE/Unedic (France Emploi).
Reste à espérer que la nécessité d’une réforme des collectivités territoriales dans notre pays finisse par être admise…Dans ce cas, quel échelon administratif devrait donc disparaître, la région ou le département?