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Les Danois et l’adversité

imageAlors que le Danemark se prépare aux élections générales, programmées le 15 septembre, il peut sembler opportun de faire le point sur ce qui fait l’originalité de son modèle de société.

Courrier Danemark s’est efforcé au cours des trois dernières années de mettre en lumière une série de spécificités dans le domaine économique et social, spécificités ne faisant pas toujours consensus, même auprès d’observateurs déjà bien imprégnés de l’atmosphère ambiante.

Pour ne citer que certaines d’entre elles, la flexicurité, souvent à moitié comprise, la capacité à se spécialiser sur des niches exportatrices (éolien et technologies vertes par exemple), l’introduction de la TVA sociale, les solutions numériques (dernier article en date sur NemID), la gestion des ressources humaines, le lancement régulier de plans de prospective (« plan économie 2020 »)…Tous ces thèmes ont fait l’objet d’une attention particulière dans le cadre de ce blog.

Il serait possible de les compléter par une série d’autres, moins évidents, mais qui constituent néanmoins autant de raisons pouvant expliquer les succès rencontrés par nos amis danois. Une récente étude universitaire faisait ainsi le lien entre prospérité (et vitalité de l’Etat-providence) et la fréquence des voyages effectués à l’étranger…D’autres thèmes, tout aussi méconnus, mériteraient certainement d’être approfondis.

Il y a enfin des découvertes qu’il n’est pas possible de faire en se contentant de lire la presse et les rapports spécialisés. Des découvertes qui n’ont à priori aucun lien avec l’économie. Des découvertes que l’on ne peut faire qu’au contact des autochtones. Des découvertes qui suffisent à elles seules, dans la fulgurance d’un bref instant de vie, à extraire l’ADN d’un peuple.

Le 14 août dernier était un jour d’été qui ne se distinguait pas des précédents. Il était pluvieux (l’été n’a jamais été aussi arrosé que cette année), entrecoupé de quelques rayons de soleil. Au milieu des nuages, imposants et majestueux, qui faisaient penser à d’anciens dieux figés dans l’éternité, un arc-en-ciel est apparu, comme le signe annonciateur d’une révélation. Autour du lac Sankt-Jørgen, la pluie, soudainement battante, a contraint Courrier Danemark à trouver refuge sous un arbre. C’est également sous ce dernier que deux Danoises, équipées, elles, de vêtements de pluie appropriés, se sont installées. C’est qu’en dépit du mauvais temps elles avaient décidé de pique-niquer. Panier en osier, serviettes, pain, rosé…Rien ne manquait. Et c’est finalement là le véritable secret des Danois : la capacité à faire fi de l’adversité. Mieux, de s’en moquer.

La comparaison avec la Serbie, que Courrier Danemark a également eu l’occasion d’observer, est criante : voilà deux Etats dont les territoires ont été réduits par l’Histoire à une peau de chagrin, mais qui ont eu une manière diamétralement opposée de confronter leurs blessures.

Assez sur le Danemark. Ex oriente lux.

SLUT

Gestion de la crise: leçons danoises à tous les étages

PC275459Rien de tel qu’un début d’année pour se livrer au jeu des pronostics. De la même manière qu’il ne fallait pas être devin pour prévoir que 2009 serait une « année grise », il n’est pas difficile de prédire que 2011 sera une année de vérité : celle où les masques finiront par tomber. Pour l’UE, les difficultés actuelles pourraient bien se traduire par une implosion de fait en deux groupes bien distincts. Ceux (pays nordiques et Allemagne) qui auront pris la mesure des défis nés de la crise et les autres, condamnés à une interminable gueule de bois.

En annonçant, lors de son discours du Nouvel An, la  suppression progressive de la préretraite, le Premier Ministre danois a peut-être renversé une situation qui, dans les sondages, semblait désespérée dans la perspective des élections, attendues pour le printemps. Pas seulement parce qu’une claire majorité de la population, consciente des enjeux actuels, soutient précisément cette réforme, mais parce que cette dernière a subitement donné à une frange encore indécise de l’électorat un sens et une cohérence à l’ensemble de l’action gouvernementale depuis le déclenchement de la crise. Parmi les principes élémentaires suivis:

1) La mise à profit de la période 2004-2007, particulièrement favorable, pour diviser la dette publique par deux, permettant l’adoption d’un plan de relance ayant compté, en proportion du PIB, parmi les plus importants du monde développé.

2) La mise à profit des exercices de prospective lancés à intervalles réguliers (dans ce cas précis le “plan économie 2015”) pour relancer l’économie. Programmée dès 2007, la réforme de la fiscalité, entrée en vigueur au 1er janvier 2010, est sous-financée dans un premier temps tout en consolidant les finances publiques à plus long terme.

3) L’implication de l’ensemble de la population dans le plan de redressement des finances publiques (réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, plafonnement des allocations familiales, repoussement des allègements d’impôt accordés aux plus hauts revenus, réduction du salaire des ministres…).

4) L’annonce, depuis l’automne 2010, de réformes structurelles de long terme visant l’expansion du marché du travail, face au retour annoncé du manque de main-d’oeuvre: pension d’invalidité et aujourd’hui préretraite.

5) Le lancement complémentaire d’un nouvel exercice de prospective, le “plan économie 2020” incorporant ces réformes structurelles et appelé à inclure d’autres initiatives destinées à s’assurer de l’atteinte d’objectifs par avance définis. Une manière efficace de renforcer la cohésion nationale en mettant au point une cartographie des obstacles à surmonter sur le chemin menant à la préservation du niveau actuel d’Etat-providence…

En résumé, face à l’incontournabilité du “travailler plus nombreux, plus et plus longtemps”, les autorités danoises ont, en l’espace d’un an et demi, remis à plat le fonctionnement du service de l’emploi (communalisation des jobcenter, réforme du mode de placement des demandeurs d’emploi), incité au travailler plus en abaissant la fiscalité sur le travail, réduit de moitié la durée de perception des allocations chômage et annoncé leur intention d’interdire l’octroi d’une pension d’invalidité pour les personnes de moins de 40 ans et de supprimer la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans (avec comme objectif final d’augmenter l’âge de départ effectif moyen à la retraite, aujourd’hui de 61,3 ans).

Ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer la soutenabilité des finances publiques danoises à plus long terme. Le Conseil des Sages pointait cette semaine du doigt le risque d’un déficit public augmentant de manière constante entre 2020 et 2050, date à laquelle il serait proche de 3%. “Nous ne croyons pas qu’un déficit continuel évoluant autour de 3% du PIB pendant 30 ans soit tenable” estimait son directeur dans la presse (1). D’où l’utilité du “plan économie 2020”…

Les réflexions sont donc désormais clairement orientées sur le long terme et la correction des déséquilibres qui risquent de survenir. Par contraste, a t-on une idée des défis budgétaires que la France rencontrera après 2013, année marquée par le très hypothétique retour du déficit budgétaire sous la barre des 3%? A t-on une idée sur la manière de réduire l’écart de près de 200 milliards d’euros constaté avec l’Allemagne en termes de solde de la balance commerciale (2)?

(1) http://www.business.dk/oekonomi/underskud-forsvinder-ikke-med-efterloennen

(2) http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/01/07/commerce-exterieur-france-457-milliards-allemagne-141-milliards/

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Le Danemark et la rigueur

P1010001Dans le cadre de l’effort de redressement des finances publiques mené actuellement dans de nombreux pays européens, le Danemark vient de franchir une première étape. La perspective d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 n’est en effet qu’un objectif secondaire. Si la dette publique a pu être divisée par deux entre 2001 et 2007, c’est parce que les Danois ne se sont jamais contentés de respecter les critères en vigueur au sein de l’UE. Le véritable objectif est ainsi de ramener le solde structurel à l’équilibre en 2015 et de sauvegarder le niveau actuel d’Etat-providence. Parmi les mesures aujourd’hui annoncées, qui viennent s’ajouter au principe de croissance réelle nulle de la consommation publique au cours de la période 2011-2013 (1):

– La réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage à compter du 1er juillet 2010.

– Le report au 1er janvier 2014 d’une partie des baisses d’impôt accordées aux plus hauts revenus dans le cadre de la réforme de la fiscalité (“paquet de printemps 2.0”) entrée en vigueur au 1er janvier 2010.

– Le plafonnement des allocations familiales à 4700 euros par an à compter du 1er janvier 2011 et la baisse de leur montant de 5% d’ici 2013.

– Le gel du montant consacré à l’aide au développement sur la période 2011-2013.

– Le plafonnement à 400 euros de la déductibilité du revenu imposable de la cotisation d’adhésion à une organisation syndicale.

En débat depuis déjà quelques mois, la réduction de la durée de perception des allocations chômage est permise par l’amélioration des perspectives entourant le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 4,1% en avril). Elle répond de plus à la priorité numéro un de l’économie danoise: l’expansion du marché du travail. La mesure est toutefois critiquée car adoptée sans concertation avec les partenaires sociaux. Elle pourrait de plus décourager certains de s’assurer contre le chômage, la cotisation versée à une caisse d’assurance-chômage (600 euros par an en moyenne) voyant en effet son montant inchangé pour une durée d’indemnisation qui devient donc deux fois moins longue.

Une bonne partie de la population danoise contribue à l’effort de redressement des finances publiques: demandeurs d’emploi, familles, revenus les plus élevés…A l’exception notable des retraités.

Ce plan ne semble pas être de nature à remettre en cause le redémarrage de l’économie (croissance du PIB de 0,6% au 1er trimestre). La plupart des indicateurs sont en effet revenus au vert: taux de chômage, exportations (+10% entre février et mars) consommation et confiance des ménages (à son niveau le plus élevé depuis la fin 2007)…Le gouvernement danois peut désormais se consacrer entièrement à la traduction concrète des réflexions menées dans le cadre du Forum de la Croissance, structure informelle de prospective ayant pour but de mettre un terme au glissement relatif du pays dans les classements internationaux, et d’adapter le modèle danois aux défis à venir.

Et la rigueur en France? Plutôt que de s’engager sur l’élaboration de plans de prospective permettant une certaine continuité dans l’engagement de réduire les déficits publics (plans non juridiquement non-contraignants mais repris par l’opposition en cas d’alternance), notre pays privilégie aujourd’hui la voie de l’inscription dans la constitution d’une règle budgétaire certes contraignante, mais qui n’empêcherait en rien un gouvernement de viser un déficit budgétaire en fin de législature (2). Le choix entre les deux formules est pourtant évident…

(1) http://fm.dk/Publikationer/2010/Aftale%20om%20genopretning%20af%20dansk%20oekonomi.aspx

(2) http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=4010

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Le Danemark en 2020

IMG_0207Face aux défis posés par la crise actuelle, on peut choisir de lancer un emprunt national afin de financer les soi-disantes “dépenses de l’avenir” (1). Par exemple le “nucléaire de demain”. On peut aussi, comme vient de le faire le gouvernement danois, faire un état des lieux et relancer les exercices dits de “planning stratégique” ou de prospective. Mis en place en septembre 2009, le Forum de la Croissance, structure informelle rassemblant des représentants du monde académique, les partenaires sociaux et une majorité de membres du secteur privé, dispose depuis quelques jours du cadre dans lequel inscrire ses travaux: dix objectifs ont en effet été édictés par Lars Løkke Rasmussen à l’horizon 2020 (2).

Ces dix objectifs succèdent officieusement à ceux contenus dans le  “plan économie 2015”, que la crise actuelle est venue renverser. Ils font également suite à un “plan économie 2010” abandonné en cours de route car à l’inverse victime de son succès: la période 2004-2008 a été si faste pour l’économie danoise que les objectifs qu’il contenait avaient été atteints dans leur quasi-totalité avec deux ans d’avance. On pourra toujours objecter qu’échafauder aujourd’hui des objectifs pour 2020 part d’un évident calcul, de la part du gouvernement danois, de porter l’attention sur un avenir supposé brillant en comparaison avec la morosité actuelle. On pourra également relever que ces objectifs étant si éloignés, il n’engagent à rien et que dans le cas où ils ne seraient pas atteints, il ne viendrait à personne d’en tenir pour responsable un gouvernement au pouvoir sans discontinuer depuis 2001 et qui le perdra sans doute d’ici 2020.

Heureuse ou malheureuse, l’issue de ces exercices de prospective donne néanmoins lieu au lancement de réflexions, à l’organisation de débats et à l’adoption d’une logique d’introspection qui manque parfois tant ailleurs. D’autre part, comment ne pas interpréter l’absence de tout exercice sérieux de prospective à moyen terme et donc le refus de se fixer des objectifs précis comme un signe qu’un pays a peur de son avenir?

Les dix objectifs du Danemark à l’horizon 2020 (3)

– Le Danemark doit être parmi les dix premiers pays les plus riches du monde tel que mesuré en termes de PIB par habitant. Un objectif qui appelle deux remarques. Tout d’abord, il est à espérer que le PIB aura été remplacé d’ici là par un indicateur plus complet. D’autre part, le Danemark occupait, avant la crise, la 12ème place du classement. Les déroutes irlandaises et islandaises l’ont sans doute d’ores et déjà replacé dans le top 10.

– Le Danemark doit être parmi les trois premiers pays du monde en termes de nombre d’entrepreneurs (en 2006, le pays occupait la 6ème place au sein de l’OCDE).

– Le Danemark doit avoir une offre totale de main-d’oeuvre parmi les dix plus élevés du monde. Lors du déclenchement de la crise, le pays occupait la 14ème place, avec un taux d’emploi très élevé (78%), mais un nombre d’heures travaillées en-dessous de la moyenne OCDE. Les femmes étant d’ores et déjà nombreuses sur le marché du travail, une réforme du dispositif de préretraite semble inévitable pour accroître davantage le taux d’emploi. Quant au nombre d’heures travaillées, il faudrait, en plus des effets positifs attendus par la réforme fiscale du mois de janvier, une remise en cause de la norme des 37 heures communément admise dans le cadre des conventions collectives…

– Les collégiens et lycéens danois doivent rejoindre top 5 mondial en lecture, mathématiques et dans les matières dites naturelles (géographie, sciences physiques, biologie…). Un des objectifs les plus ambitieux si l’on considère que les dernières enquêtes PISA placent le pays dans la moyenne OCDE.

– Le Danemark doit avoir au moins une université dans le top 10 européen. L’université de Copenhague occupe la 15ème place du classement du Times Higher Education (mais la 51ème place au niveau mondial).

– L’espérance de vie au Danemark doit être une des dix plus élevées au monde. L’objectif le plus ambitieux, puisque le pays occupait en 2007 la 20ème place sur 26 pays appartenant à l’OCDE.

– Le Danemark doit avoir une efficacité énergétique le plaçant dans le top 3 mondial (numéro 4 en 2006) et doit également être un des trois pays ayant le plus fait augmenter la part représentée par l’énergie renouvelable.

– Le Danemark doit être un des pays européens les plus performants en termes d’intégration des étrangers non-occidentaux sur le marché du travail. Pour mémoire, le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux est passé de 34,7% en 1997 à 56% en 2008.

– La probabilité d’être la victime d’un crime ou d’un délit doit être une des plus faibles au sein de l’UE (en 2005, le Danemark occupait la 5ème place sur 18).

– L’économie danoise doit continuer à être une des cinq économies mondiales les plus performantes sur la base de la compilation d’une série d’indicateurs (chômage, finances publiques, inflation, balance des paiements). Le pays occupe aujourd’hui la 4ème place du classement 2009 de la compétitivité réalisé par l’OCDE.

Le Forum de la Croissance tiendra plusieurs réunions au cours de l’année 2010 afin de dresser un état des lieux et de proposer des pistes à suivre pour atteindre ces objectifs, en sachant que la remise en cause du glissement relatif du pays, au cours des dernières années, en termes de PIB par habitant, doit à une croissance de la productivité significativement moins élevée qu’ailleurs.

D’où l’intérêt de ces exercices de prospective, qui permettent en toute franchise d’aborder certaines problématiques autrement passées sous silence. Une de ces problématiques concerne l’attractivité du pays pour la main-d’oeuvre étrangère qualifiée (rappelons que la soutenabilité des finances publiques danoises passe par des initiatives visant l’expansion du marché du travail), qui fait l’objet ces derniers mois d’une attention croissante.

De nombreuses analyses montrent en effet que non seulement les étrangers qualifiés qui viennent s’installer au Danemark sont trop peu nombreux, mais qu’ils repartent du pays trop vite…La faute aux Danois, qui se présentent eux-mêmes comme très ouverts mais avec lesquels il est difficile d’entretenir des relations sociales, au niveau d’imposition décourageant et au manque d’écoles internationales.

Vous souvenez-vous du diagnostic stratégique France 2025 et du site internet www.france2025.fr mis en place à grands renforts de publicité, le 1er octobre 2008, afin d’inclure brièvement (le site n’est plus accessible…) les contributions de nos concitoyens? Avez-vous entendu notre gouvernement parler des changements que la crise actuelle ne manquera pas d’apporter à cet “exercice” de prospective? Si la réponse est non, alors vous avez compris le court-termisme qui n’a eu de cesse de guider notre classe politique ces dernières années et les “résultats” qui en découlent, éclipsés encore aujourd’hui par une nouvelle dose d’autosatisfaction…(4).

(1) “Grand emprunt, grosse bavure”, Le Monde, 25 novembre 2009 http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/11/25/grand-emprunt-grosse-bavure_1271838_823448.html

(2) http://www.venstre.dk/fileadmin/venstre.dk/main/files/taler/llr_lmloerdag09.pdf

(3) “Comeback i velstand kræver 50 000 ekstra job”, Børsen, 23 novembre 2009

(4) “Quand Sarkozy le modeste vante son plan de relance”, Libération, 1er décembre 2009 http://www.liberation.fr/economie/0101606065-quand-sarkozy-le-modeste-vante-son-plan-de-relance

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Le système de retraite danois à la rescousse des finances publiques?

SPM_A1550Flexicurité. Négociation collective. Economie numérique. Etat-providence. Organisation administrative. Egalité. Compétitivité. Niveau des salaires. Rigueur budgétaire. Technologies vertes. Prospective. Solidarité. Bonheur. Telles sont les notions, valeurs  ou caractéristiques régulièrement associées au Danemark dans la presse internationale. Le système de retraite est beaucoup moins cité. Pourtant, en combinant plusieurs critères, la Commission Européenne classait le pays à la toute première place au sein de l’UE en 2007 (1). En comparaison, la France arrivait à la 21ème place sur 25. 73% des Danois éprouvent par ailleurs un sentiment de sécurité quant au niveau futur de leur retraite, contre 39% en moyenne au sein de l’UE et 27% en France (2).

Il faut dire que depuis l’introduction, au début des années 90, des retraites complémentaires professionnelles (dans le cadre de conventions collectives couvrant aujourd’hui plus de 80% des salaríés), le système a pris une nouvelle dimension, reposant depuis lors sur pas moins de quatre “étages”.

– La retraite d’Etat universelle. Pour la percevoir dans sa totalité, il suffit d’avoir vécu dans le pays pendant 40 ans entre 15 et 65 ans. Elle est constituée par un montant de base de 8450 euros par an et d’un montant complémentaire dépendant de la situation de chacun, plafonné à 8450 euros pour les personnes vivant seules. La retraite d’Etat constitue encore aujourd’hui la source principale de revenu d’un nombre non négligeable de retraités. Les retraités ayant une fortune personnelle inférieure à 9930 euros (plafond valable à partir de 2010) peuvent percevoir une allocation vieillesse plafonnée à 1390 euros par an.

– La retraite complémentaire, que perçoivent aujoiurd’hui 90% des Danois. Elle est financée aux 2/3 par des cotisations employeurs (290 euros par an par employé à temps plein) et au 1/3 par des cotisations employés. La prestation annuelle peut atteindre 3000 euros.

– Les retraites complémentaires professionnelles. Versées sur la base de contributions employeurs (2/3) et employés (1/3), elles représentent entre 12 et 18% du salaire selon que l’on travaille dans le secteur privé ou le secteur public. Les contributions versées par l’employeur ne sont pas considérées comme des charges sociales, mais plutôt comme un élément de salaire différé.

– Les retraites privées souscrites auprès de l’ensemble des établissements financiers.

L’intérêt du système de retraites danois ne s’arrête toutefois pas là. Il a en effet été sollicité une première fois cette année afin de faire face à la crise économique, le gouvernement ayant en effet exceptionnellement autorisé les Danois à percevoir le 1% de leur salaire brut déposé de manière obligatoire sur un compte d’épargne-retraite mis en place en 1998 et suspendu en 2003. Résultat: les Danois en activité au cours de cette période ont touché 3,35 milliards d’euros (en moyenne 2000 euros par bénéficiaire), qui auront servi, à défaut de relancer la consommation, à les aider à faire face aux échéances particulièrement importantes résultant de leur niveau d’endettement. Le deuxième acte est constitué par la Loi de Finances 2010 dans le cadre de laquelle le gouvernement vient d’autoriser le recours à un second compte de taille toutefois plus modeste (600 millions d’euros).

Mais le plus beau reste peut-être à venir: en supprimant la déductibilité fiscale des contributions versées au titre des retraites privées en échange de la levée de l’imposition du versement final, avec un effet rétroactif (en appliquant le taux aujourd’hui en vigueur lors du versement final aux contributions versées), les 2500 milliards de couronnes aujourd’hui épargnées par les Danois pourraient rapporter pas moins de 1000 milliards de couronnes (135 milliards d’euros) aux caisses de l’Etat (3). Un chiffre à rapporter au déficit budgétaire attendu d’un peu plus de 12 milliards d’euros en 2010. Même si les autorités danoises semblent aujourd’hui refuser cette option, arguant du fait que bien que l’opération ne change rien pour le citoyen danois, elle pourrait réduire fortement son inclinaison à épargner, il n’empêche qu’un nouveau modèle intermédiaire pourrait voir le jour.

Dans le domaine des retraites plus qu’ailleurs, les exercices de prospective sont incontournables. L’accord sur l’Etat-providence de 2006, qui prévoit notamment le relèvement progressif de l’âge minimum de la préretraite de 60 à 62 ans (entre 2019 et 2022) et de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans (de 2024 à 2027), en offre un éclatant exemple. On pourra toujours objecter, au vu des défis aujourd’hui posés par les questions de soutenabilité des finances publiques, que les dates choisies sont quelque peu éloignées, il n’empêche que cet accord, approuvé  les principales formations politiques et les partenaires sociaux, traduit la prise de responsabilité de chacun des acteurs impliqués face aux grandes problématiques sociétales. En comparaison, le locataire actuel de l’Elysée s’est fait élir en affirmant, lors de la campagne des présidentielles de 2007, que “le financement des retraites est assuré jusqu’en 2020” (). Avant de finalement promettre un grand débat sur le sujet pour 2010…

Quoi qu’il en soit, la solidité du système de retraites danois n’est plus à démontrer et pourrait donc s’avérer utile dans l’optique de répondre aux défis de la consolidation budgétaire. Une consolidation budgétaire qui débute en France par l’adoption d’un amendement soumettant à l’impôt les indemnités relatives aux accidents du travail. Intrinsèquement, pas de quoi choquer un Danois, puisque l’ensemble des revenus de transferts de l’Etat sont soumis à l’imposition. Mais une mesure assurément abjecte lorsque que l’on considère que plus de 400 niches fiscales perdurent par ailleurs…Et si la consolidation budgétaire débutait par le haut, en remettant par exemple à plat les avantages dont bénéficient nos députés, qui continuent de percevoir une partie de leurs indemnités jusqu’à 5 ans après avoir perdu leur siège?

(1) “Europas bedste pensionssystem”, Forsikring & Pension, 12 mars 2007 http://www.forsikringogpension.dk/Presse/nyheder/2007/Sider/Europas_bedste_pensionssystem.aspx

(2) Eurobarometer 71, printemps 2009, page 47 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb71/eb71_dk_dk_nat.pdf Pour la France consulter la même enquête à l’adresse suivante (page 5): http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb71/eb71_fr_en_exec.pdf

(3) “Danmark har adgang til “ukendte milliarder”, Berlingske Tidende, 2 novembre 2009 http://www.business.dk/article/20091102/borsnyt/91101006/

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Le Danemark et la réforme des jobcenter: acte II

A007711_54_27Tirer parti de la reprise, aussi limitée soit-elle. C’est l’objectif affiché par l’ensemble des gouvernements de la planète. A ce jeu-là, le Danemark est conscient qu’il souffre de certains handicaps de taille: évolutions démographiques défavorables, niveau excessivement élevé des salaires, productivité du travail en berne, poursuite de la baisse des prix sur le marché de l’immobilier…Mais le pays dispose aussi d’atouts singuliers. Il sera en premier lieu épargné par la nécessité de faire face à un endettement dont le niveau constitue désormais un véritable boulet pour la quasi-totalité des économies développées (1). La tenue de la COP15 à Copenhague représente ensuite une formidable opportunité pour les entreprises danoises de renforcer leurs positions en termes d’exportations de technologies vertes. Le nouvel exercice de prospective est bel et bien lancé avec la tenue, la semaine dernière, de la première réunion de la structure informelle de prospective chargée de libérer la croissance (2). La simplification du fonctionnement des jobcenter danois prendra enfin prochainement une nouvelle dimension, contribuant ainsi à renforcer l’efficacité du modèle de flexicurité.

La première étape du renforcement de l’efficacité du service à l’emploi a été constituée par la récente (et discrète) entrée en vigueur de la communalisation des jobcenter, qui confie leur gestion aux seules communes et qui introduit un système de refinancement des allocations chômage supposé les inciter au résultat (3). La deuxième étape interviendra à la fin du 1er trimestre 2010, à travers l’introduction d’un système simplifié de placement des demandeurs d’emploi (4).

Les 91 jobcenter vont en effet remplacer le modèle de placement actuel, basé sur le classement des demandeurs d’emploi en pas moins de 5 catégories, par un modèle n’en comprenant plus que 3. Précisions importantes, les droits et devoirs des demandeurs d’emploi resteront inchangés, de même que les attributions des caisses d’assurance-chômage en ce qui concerne leur accompagnement (entretien initial de préparation au CV, conseils à la recherche d’emploi et entretiens bilan tous les 3 mois).

Le placement des demandeurs d’emploi en trois catégories s’appliquera de plus à l’ensemble des bénéficiaires d’une allocation (y compris l’allocation maladie), alors que le modèle en cinq catégories qui prévalait jusqu’à présent n’était valable que pour les bénéficiaires de l’allocation chômage standard (“dagpenge”), de l’aide sociale de remplacement versée par les communes (“kontanthjælp”) et d’une autre allocation spécifique de montant très réduit (“starthjælp”).

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Les critères à la base du placement actuel des demandeurs d’emploi en cinq catégories étant interprétés de manière différente d’un jobcenter à l’autre, la réforme prévoit de rendre beaucoup plus objectifs ceux justifiant ce même placement en seulement trois catégories. Appartiendront ainsi à la catégorie 1 les demandeurs d’emploi jugés prêts à accepter une offre d’emploi  susceptible de les faire réintégrer le marché du travail dans un délai maximum de trois mois. Appartiendront à la catégorie 2 ceux qui ne répondent pas au critère pour entrer dans la catégorie 1 mais qui sont en mesure de suivre un processus d’activation. Appartiendront à la catégorie 3 tous les autres demandeurs d’emploi, à savoir ceux encore trop éloignés du marché du travail.

Le nouveau mode de placement des demandeurs d’emploi a donc l’avantage de rendre plus transparent le nombre de personnes en mesure de revenir sur le marché du travail, y compris celles en arrêt maladie. Il permet également de renforcer sensiblement les chances de parvenir à une égalité de traitement des demandeurs d’emploi au sein des 91 jobcenter.

Le véritable but de la réforme est d’adapter l’effort accompli en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi au défi du manque de main-d’oeuvre à moyen terme, en sachant que le Danemark est contraint de tendre vers une expansion du marché du travail pour pérenniser le financement de son Etat-providence.

image Prochaine étape de la réorganisation du modèle de flexicurité, le lancement, qui semble aujourd’hui difficilement évitable, d’une réflexion sur la manière d’inverser la désaffection des Danois pour les caisses d’assurance-chômage. Une désaffection qui se traduit aujourd’hui par le fait que près de 70 000 personnes, faute d’assurance chômage, se retrouvent sans aucune couverture (car elles ne sont pas éligibles à l’aide de remplacement versée par les communes). Une réflexion qui pourrait par exemple déboucher sur une baisse du montant de la cotisation annuelle à une caisse d’assurance-chômage (650 euros en moyenne).

La remise à plat du fonctionnement des jobcenter est critiquable (et critiquée), mais elle a le mérite d’être applicable et de concourir à une incontestable rationalisation de l’effort en termes d’emploi, ce qui est déjà beaucoup en comparaison avec la désormais  bien (trop) célèbre fusion ANPE-Unedic…

(1) Les dernières prévisions gouvernementales indiquent que la dette publique atteindrait 38,3% du PIB en 2009 et 42,3% en 2010 http://fm.dk/Publikationer/2009/1839-OER%20Aug%2009.aspx

(2) http://oem.dk/graphics/oem/nyheder/AndreNyheder/Danmark%20styrket%20ud%20af%20krisen.pdf

(3) L’Etat va ainsi continuer à financer à 100% le système d’allocation-chômage tout au long de l’année 2009, mais ce financement intégral ne sera assuré qu’au cours des 18 premières semaines à partir de 2010 et seulement 4 semaines à partir de 2013. Une fois passées ces 4 semaines, l’Etat refinancera les allocations chômage versées par les communes à hauteur de 75% lorsque ces dernières proposeront un programme d’activation aux demandeurs d’emploi, à hauteur de 50% si ce n’est pas le cas.

(4)http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

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Le rapport final de la commission emploi et le « forum de la croissance » ou les deux boussoles de l’économie danoise

SPM_A0562La stabilisation de la situation économique aidant, l’heure est à la relance des exercices de prospective. La plupart des économistes étant visiblement incapables de prévoir le déclenchement de crises comme celle que nous traversons, il serait facile de remettre en cause la pertinence de la mise au point d’un “plan économie 2015” et encore plus d’une “France 2025” d’autant plus énigmatique que l’échéance est éloignée (1). La vérité est pourtant que de tels exercices, à condition de rester basés sur des projections de moyen terme (une décennie au plus), sont indispensables. En supprimant en 1992 les plans quinquennaux (dans le cadre du Commissariat au Plan), la France s’est privée d’un instrument précieux. Avec les conséquences fâcheuses que nous connaissons tous: une gestion des affaires au jour le jour, qui nous empêche notamment de saisir que la série de déficits budgétaires constatée depuis trente ans ne peut se poursuivre indéfiniment.

En rendant ses conclusions le 20 août dernier, la commission emploi ne rentre pas à proprement parler dans la catégorie des exercices de planning stratégique. Elle offre néanmoins au Danemark les clés de l’expansion de son marché du travail, seule voie possible pour assurer la soutenabilité des finances publiques et donc du niveau d’Etat-providence à moyen terme, dès lors que la piste de l’augmentation des prélèvements obligatoires est écartée (2). Autrement dit, la mise en oeuvre des recommandations de la commission emploi constituent la condition sans laquelle tout exercice de prospective un tant soit peu ambitieux est voué à l’échec. Parmi ces recommandations:

La suppression progressive du dispositif de préretraite. Créé en 1979 pour faire face à la montée du chômage, ce dispositif, ouvert aux personnes ayant entre 60 et 65 ans, est un luxe que le Danemark ne peut plus se payer. En dépit des nombreux durcissement dont il a fait l’objet, un individu en bonne santée (deux tiers des bénéficiaires seraient ainsi capables de poursuivre une activité professionnelle) peut ainsi percevoir 832 000 couronnes danoises (environ 110 000 euros) entre 60 et 65 ans de la part de l’Etat danois sans aucune autre obligation que d’en reverser une partie au titre de l’impôt sur le revenu.

Le raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage. Aujourd’hui fixée à 4 ans, elle est une des plus élevées au sein de l’OCDE. La commission emploi préconise ainsi un système flexible ou la durée de perception oscillerait entre 2 et 3 ans en fonction de la conjoncture sur le marché de l’emploi. Afin d’inciter davantage de gens à s’assurer contre le chômage, le montant de la cotisation à une caisse d’assurance-chômage serait de plus divisé par deux.

L’octroi d’un “bonus” de 10 000 couronnes (1350 euros) aux étudiants obtenant leur licence trois ans après le baccalauréat. Une manière d’abaisser l’âge moyen de fin d’études, qui atteint 28 ans au Danemark. Un bonus qui vient donc s’ajouter à l’allocation étudiante (SU), versée en principe pendant jusqu’à 70 mois et  fixée à 2574 couronnes (345 euros) dans le cas où l’étudiant vit chez ses parents, à 5177 couronnes (695 euros) lorsqu’il dispose de son propre logement (revenu imposable) (3).

La mise en place d’une alternative à l’octroi d’une pension d’invalidité permanente. Il est en effet contre-productif de constater qu’une partie des quelques 240 000 bénéficiaires de la pension d’invalidité voient leurs capacités s’améliorer sensiblement, au point parfois de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

Le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, à travers l’assouplissement des règles entourant la délivrance de permis de travail, est également citée par la commission emploi. Son impact serait toutefois marginal en termes de contribution au financement de l’Etat-providence.

Mises en oeuvre dans leur totalité, les 44 propositions de la commission emploi permettrait d’apporter 27 milliards de couronnes (3,6 milliards d’euros) supplémentaires par an à l’Etat danois. Un montant presque deux fois plus élevé que le manque de financement actuel, estimé à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Seul problème, la situation tendue sur le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 3,7% en juillet, 5,9% selon Eurostat), qui ne se prête donc pas à l’adoption de telles réformes. Le gouvernement entend donc se donner du répit jusqu’à 2011, année des prochaines élections parlementaires.

Un répit mis à profit pour donner naissance à une nouvelle forme d’exercice de prospective: le “Forum de la croissance”, dont les membres viennent d’être nommés (4). Ce dernier remplace ainsi le Conseil de la mondialisation, à l’origine de la fameuse “stratégie mondialisation” de 2006 (5). L’objectif est de préparer l’économie danoise à une série de défis: renforcement de la compétitivité du pays, soutenabilité des finances publiques, expansion du marché du travail, adaptation du système éducatif à la mondialisation, croissance verte…

L’idée d’un “Forum de la croissance” est intéressante à plus d’un titre. Elle se distingue à de nombreux égards de la mise en place dans notre pays d’une énième commission chargée de définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt national (6).

Dans sa composition tout d’abord, puisque tous les secteurs qui comptent sont représentés (par contraste, il est difficile de ne pas remarquer en France l’absence de tout représentant du monde syndical ou de tout entrepreneur…) avec un clair penchant vers le monde de l’entreprise dans un cas (Danemark) contre une claire surreprésentation de fonctionnaires d’Etat dans l’autre (France). L’occasion de souligner qu’aussi brillants que soient nos énarques, ils n’ont pas toujours le sens des réalités. Sans compter que les deux personnalités chargées de présider la commission sur l’emprunt sont deux “vieux grognards” qui ne sont certainement pas les mieux placés pour offrir une vision d’avenir…

Dans son fonctionnement ensuite: le “Forum de la croissance” ne rendra pas de rapport. Composé de personnalités aux orientations politiques très variées, son but est de tester les idées et propositions de chacun des intervenants.

La France est donc plus que jamais prisonnière de ses vieux shémas de pensée. L’élection, en 2007, du locataire actuel de l’Elysée, est d’autant plus regrettable qu’elle n’a fait qu’accentuer les traits culturels et les habitudes néfastes à la base des difficultés rencontrées par notre pays. Le plus longtemps nous éviterons de nous regarder dans le miroir, plus dure sera la chute…

(1) https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/10/05/france-2025-versus-danemark-2015/

(2) http://www.amkom.dk/media/22520/2k_pixi_velfaerd_kraever_arbejde.pdf

(3) http://www.su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx

(4) http://stm.dk/_p_12918.html

(5) http://www.globalisering.dk/page.dsp?page=259

(6) http://www.liberation.fr/politiques/0101587131-la-composition-de-la-commission-sur-l-emprunt

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Le bilan économique d’Anders Fogh Rasmussen (1)

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Après plus de 7 ans passés à diriger le Danemark, Anders Fogh Rasmussen a démissioné, dimanche 5 avril, de ses fonctions de Premier Ministre, afin d’occuper, à partir du 1er août, celles de Secrétaire Général de l’OTAN. Il laisse à son successeur, Lars Løkke Rasmussen, jusqu’ici Ministre des Finances, le soin de sortir le pays de la crise avant les prochaines élections parlementaires, prévues en 2011. Un bilan de son action dans le domaine économique, s’impose donc.

1) La principale réalisation du gouvernement Rasmussen: le plein emploi

Objectif affiché par tous les gouvernements, le plein emploi reste souvent hors d’atteinte…Sauf au Danemark. L’ère Fogh (on utilise ce nom pour le distinguer de ses nombreux homonymes) aura donc été marquée par une baisse continue du nombre de demandeurs d’emploi sur la période décembre 2003-septembre 2008, le taux de chômage étant passé de 6,2 à 1,6%.

Une évolution qui a logiquement davantage bénéficié aux catégories de population traditionnellement les plus éloignées du marché du travail. Une étude opportunément publiée la semaine dernière par le Ministère de l’Intégration montre en effet que la campagne intitulée “une chance pour tous”, lancée en 2004, a porté ses fruits: l’objectif d’intégrer sur le marché du travail 25 000 “nydanskere” (personnes ayant récemment acquis la nationalité danoise) d’origine non-occidentale d’ici 2010 a été atteint avec presque deux ans d’avance (1).

Le chômage est bien sûr reparti à la hausse depuis l’automne 2008 (2,5% en février 2009). Mais le modèle de flexicurité joue encore à plein: un tiers des personnes licenciées depuis novembre 2008 ont retrouvé un emploi, le secteur public ayant encore besoin de bras…On atteint pas le plein emploi sans raison: peut-être est-il temps de se pencher sur une flexicurité dont nous n’avons visiblement toujours pas saisi la véritable logique?

Evolution du taux d’emploi sur la période 2001-2008 (données Danmarks Statistik)

 

2001

2008

Progression

Niveau national

76,1

77,4

+1,3 pt

Séniors  55-59 ans

71,4

79,4

+8 pts

Séniors 60-64 ans

32,2

41,9

+9,7 pts

Etrangers  occidentaux

63,0

64,9

+1,9 pt

Etrangers non-occidentaux

44,2

56

+11,8 pts

2) La réduction de la dette publique et la disparition de la dette extérieure

En arrivant au pouvoir en novembre 2001, Anders Fogh Rasmussen hérite de finances publiques déjà relativement saines: la dette publique atteint alors 48,7% du PIB. Profitant alors d’une période de trois années de forte expansion économique, le gouvernement parvient à la réduire à 26,3% fin 2007 (2). De quoi donner des marges de manoeuvre utiles dans le contexte actuel…

Le secret? Une combinaison de facteurs favorables (accélération de la croissance, qui atteint un pic de 3,5% en 2006, réduction des dépenses de marché du travail, recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz en Mer du Nord), de principes de gouvernement (allocation intégrale des excédents budgétaires à la réduction de la dette publique, cadrage à long terme des finances publiques, comme dans le cadre du plan économie 2015, adoption d’hypothèses de croissance réalistes dans le cadre des différentes lois de finances) et…adoption de réformes structurelles sans commune mesure avec les réformettes initiées dans notre pays.

Autre résultat, plus symbolique celui-là, la disparition, depuis 2006, de la dette extérieure (soit l’ensemble des dettes qui sont dûes par un pays, État, entreprises et particuliers compris, à des prêteurs étrangers).

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Je ne suis pas candidat au poste de Secrétaire Général de l’OTAN”. Le Premier Ministre promet de rester à son poste, 17 février 2009. Photo: Roald Als

3) Le “gel des impôts”: un principe controversé

Entré en vigueur en 2002 et en principe reconduit, suite à l’adoption récente du “paquet de printemps 2.0”, jusqu’en 2019 (à condition toutefois de la reconduction de la majorité actuelle lors des élections de 2011), le gel des impôts signifie concrètement que les taxes, qu’elles soient exprimées en pourcentage ou en montant, sont gelées à leur niveau de 2001. Anders Fogh Rasmussen est donc devenu le premier dirigeant danois à garantir que les impôts n’augmenteraient pas. Une sacrée prouesse dans un pays attaché à son modèle d’Etat-Providence…

Dans les faits, le gel des impôts est allé de pair avec une diminution continue du taux de prélèvements obligatoires entre 2005 (51%) et 2008 (47,6%), ce qui n’empêche cependant pas le Danemark de dépasser la Suède dans ce domaine depuis 2007 (3). Une diminution résultant de la réduction des recettes issues de l’exploitation du gaz et du pétrole en Mer du Nord et des baisses successives de l’imposition sur les revenus issus du travail (2003, 2007 et 2009). A ce propos, Anders Fogh Rasmussen a davantage abaissé le taux marginal d’imposition que ses prédécesseurs (de 63 à 55,5% depuis la réforme adoptée récemment).

Baisse du chômage, baisse de la dette publique, baisse des impôts, où est donc le mal me direz-vous? Le fait que l’idée derrière le “gel des impôts” était d’inciter à la modération en termes de consommation publique. Un objectif manqué et visiblement hors d’atteinte dans un avenir proche, puisque la consommation publique atteint dès 2009 le plafond fixé dans le cadre du plan économie 2015 (26,5% du PIB). D’où les réflexions actuelles quant au caractère incontournable de l’expansion du marché du travail afin d’assurer la pérennité des finances publiques à moyen/long terme. Difficile en effet de continuer à baisser les impôts tout en dépensant plus…

4) L’âge de départ en préretraite est abaissé…à partir de 2019.

Conclu en 2006 avec l’assentiment de toutes les formations politiques, l’accord sur l’Etat-providence est un véritable ovni. Il prévoit en effet l’élévation de l’âge minimum de départ en préretraite de 60 à 62 ans, ainsi que l’élévation de l’âge légal de départ en retraite de 65 à 67 ans, le tout de manière progressive entre…2019 et 2027. Après cette date, un écart de 19 ans et demi sera conservé entre l’âge minimum de départ en préretraite et l’espérance de vie moyenne. A première vue donc, un accord censé qui permettait de plus à Anders Fogh Rasmussen de réformer un dispositif de préretraite populaire et considéré depuis sa création comme un acquis social, tout en passant pour un libéral finalement “modéré”, les “vrais” libéraux appelant eux à sa suppression pure et simple.

Dans un de mes précédents articles, intitulé “France 2025 versus Danemark 2015”, j’indiquais qu’un exercice de prospective n’avait de véritable sens que s’il se limitait à 7/8 ans au vu d’un monde en constante évolution et donc difficilement prévisible. Et c’est bien là le problème de cet accord: le Danemark est aujourd’hui contraint, comme avancé précédemment, de mettre davantage de monde au travail afin d’assurer la perennité de ses finances publiques à moyen/long terme et afin de répondre à un manque de main-d’oeuvre que la crise ne met que temporairement entre parenthèses. Le réservoir de main-d’oeuvre potentielle étant justement constitué par le dispositif de préretraite…Pas sûr pourtant que l’accord sera dénoncé suite à la réforme du marché du travail attendue pour l’automne 2009, aucune formation politique n’y semblant prête. L’accord sur l’Etat-Providence aura-t-il donc mené à une impasse?

A suivre…

(1) “Regeringens mål er opfyldt: 25 000 flere nydanskere fra ikke-vestlige lande er kommet i beskæftigelse siden 2004”, Ministère de l’Intégration, 6 avril 2009 http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Nyheder/Pressemeddelelser/Integrationsministeriet/2009/April/25000_nydanskere_kommet+i_arbejde.htm

(2) http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(3) http://www.skm.dk/tal_statistik/skatter_og_afgifter/510.html

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Un “paquet de printemps 2.0” pour le Danemark

(R)SP_A0392

En ces temps difficiles, quoi de mieux qu’un “paquet de printemps” pour tenter de redonner des couleurs à l’économie? C’est en tous les cas la voie choisie par le Danemark après des négociations éclairs ayant abouti le 1er mars à un accord singulier (1). Un accord singulier ou comment profiter d’une réforme de la fiscalité, inscrite depuis deux ans à l’ordre du jour dans le cadre d’un plan de prospective de moyen terme (plan économie 2015), pour tenter de relancer l’économie. Un accord singulier ou comment tirer partie des périodes favorables pour faire face à celles de vaches maigres à travers le recours inattendu à un dispositif d’épargne-retraite forcée.

La réforme de la fiscalité était donc au programme depuis 2007. Ses objectifs étaient multiples: face faire aux conséquences du vieillissement de la population sur les finances publiques, limiter, du fait d’une fiscalité particulièrement élevée, la fuite des cerveaux, attirer de la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, atteindre les ambitieux objectifs en termes de climat et d’environnement…Elle se traduit aujourd’hui par un allègement de plus de 3 milliards d’euros de l’imposition sur les revenus issus du travail en 2010 à travers une suppression de la tranche d’imposition intermédiaire, une baisse du taux applicable à la tranche inférieure et une élévation significative du seuil à partir duquel un contribuable se situe dans la tranche supérieure. Ses conséquences sont les suivantes: abaissement du taux marginal d’imposition de 63 à 55,5% et du bouclier fiscal de 59 à 51,5%.

La réforme est sous-financée à court terme (près de 2 milliards d’euros en 2010, un peu plus d’un milliard en 2011) dans le but de relancer la consommation. A moyen terme, elle est toutefois entièrement financée par une hausse des taxes vertes (sur l’électricité et le chauffage, nouvelle taxe sur le kilométrage des poids lourds, sur les autres gaz à effet de serre que le CO2, augmentation des taxes sur les eaux usées, révision des taxes d’immatriculation sur les taxis afin d’encourager l’achat de voitures “propres”…), la réduction progressive de certains dispositifs de soutien aux entreprises, l’abrogation d’une série d’exemptions les entourant (notamment en termes de TVA), et l’élévation des taxes sur les produits dits nocifs pour la santé (cigarettes, tabac, alcool, chocolat, glaces, boissons gazeuses).

Un « chèque vert » d’un montant annuel de près de 100 euros est attribué à chaque danois de plus de 18 ans et se voit complété par un autre chèque de 40 euros par enfant (maximum de deux enfants) afin d’aider les ménages à faire face à la hausse des taxes sur l’énergie. Les retraités ne sont pas en reste puisque la retraite de base (Folkepension) voit sa part complémentaire relevée de près de 300 euros.

Tous les éléments cités précédemment entreront en vigueur au 1er janvier 2010.

Enfin, entre le 1er juin et la fin de l’année 2009, les Danois qui le désirent pourront percevoir les sommes versées entre 1998  et 2003 sur un compte épargne-retraite forcée appelé SP. Les contributions versées durant cette période (1% du salaire brut) équivalent en moyenne à 2000 euros par individu.

Quels sont donc les enseignements à tirer de ce “paquet de printemps 2.0”?

1) Après les plus fortes hausses salariales depuis la fin des années 80 conclues dans le cadre des conventions collectives sur la période 2008-2011 (+12,8% sur 3 ans), les réductions d’impôts sur le revenu décidées en 2007 et  mises en oeuvre en 2008 et 2009, la baisse de l’inflation et les mesures contenues dans ce paquet, les Danois n’ont jamais eu autant d’argent entre les mains. De quoi accentuer le redémarrage de l’économie une fois la crise surmontée. Notons également que la forte ouverture de l’économie danoise sur l’extérieur n’empêche pas de mener une politique visant, entre autres choses, à relancer la consommation…Une leçon que nous devrions méditer, surtout lorsque notre président basait sa campagne sur les difficultés rencontrées par nos concitoyens en termes de pouvoir d’achat.

2) Le paquet de printemps met une nouvelle fois en lumière l’utilité du dispositif d’épargne-retraite forcée (SP). Introduit en 1998 afin d’éviter une surchauffe de l’économie, il sert aujourd’hui à la relancer. Suspendu depuis 2004, il sera probablement réintroduit par la suite. Le dispositif d’épargne-retraite forcée est l’arbre qui cache la verdoyante forêt danoise en termes de retraite. Les sommes mobilisées dans le cadre de son dispositif ne représentent qu’une goutte d’eau: le système danois repose en effet avant tout sur une retraite universelle de base (Folkepension), une retraite complémentaire (ATP), une retraite complémentaire professionnelle représentant entre 12 et 17,5% du salaire pour les personnes couvertes par une convention collective (plus de 80% de la main-d’oeuvre) et une retraite facultative souscrite auprès d’un organisme privé.

3) La réforme de la fiscalité avantage sans conteste les plus hauts revenus. Elle contribuera donc à accroître quelque peu les inégalités au sein de la société danoise. Cela dit, il était nécessaire, afin d’attirer de la main-d’oeuvre étrangère qualifiée et de limiter la fuite des cerveaux, d’abaisser un taux marginal parmi les plus élévés au monde. Il était également nécessaire d’élever significativement le seuil à partir duquel un contribuable se situe dans la tranche supérieure d’imposition: près de 45% des Danois travaillant à temps plein se trouvaient dans cette situation avant cette réforme…(2). La tranche supérieure d’imposition compte désormais 650 000 contribuables au lieu d’un million, les heureux gagnants voyant leur taux d’imposition marginal passer de 63 à 42%.

4) Jusqu’ici relativement unie dans la crise, la classe politique danoise est désormais clairement scindée en deux. Le gouvernement ne devrait donc pouvoir faire adopter le “paquet de printemps” au Folketing qu’à une très courte majorité. Deux stratégies s’opposent aujourd’hui, à un moment où le départ du Premier Ministre, Anders Fogh Rasmussen, semble acquis (il deviendrait incessement sous peu Secrétaire Général de l’OTAN): celle de la coalition parlementaire, qui entend adopter, comme elle le fait depuis le début de la crise, des mesures de soutien ciblées et relativement modestes, et celle de l’opposition, qui réclame un vaste plan de relance basé sur une politique d’ investissements publics.

L’avenir dira qui a la vision la plus juste. Au bénéfice de la coalition gouvernementale, il faut bien relever que le taux de chômage n’est finalement que de 2,3% et qu’une attention particulière doit être portée à la maîtrise des salaires afin de ne pas dégrader davantage la compétitivité à l’export (surtout que les taux de chômage beaucoup plus élevés dans les autres Etats membres de l’UE vont pousser ces mêmes salaires vers le bas). De même, afin de réduire davantage le spread entre le taux directeur de la Banque Centrale Danoise (2,25%) et celui de la BCE (1,5%), le gouvernement n’a pas d’autre choix que de faire preuve de prudence. Au bénéfice de l’opposition, la recul constaté du PIB de 2% au 4ème trimestre 2008 (-1,3% sur l’année 2008),  ainsi que les sombres perspectives à l’export, qui justifieraient l’adoption de mesures de plus grande ampleur…

5) L’efficacité de la réforme de la fiscalité ne peut être jugée sans avoir à l’esprit qu’elle est censée, en duo avec la réforme du marché du travail qui sera proposée au cours du second semestre 2009, permettre l’atteinte des objectifs contenus dans le cadre du “plan économie 2015” (accroissement minimum de la force de travail de 50 000 personnes et consolidation des finances publiques à hauteur de 14 milliards de couronnes selon les estimations de la commission sur l’emploi). C’est sans doute là son point faible: en débouchant sur un accroissement, à terme, de la force de travail de 19 300 personnes et sur une consolidation des finances publiques de 5,5 milliards de couronnes, elle ne fait que 40% du travail, ce qui renforce aujourd’hui les attentes entourant la commission emploi. Après le recours surprise au dispositif d’épargne-retraite forcée, le gouvernement aura donc bientôt besoin d’un autre joker…

6) Les entreprises danoises sont mises à contribution dans le cadre de la réforme de la fiscalité (la facture s’élèverait ainsi à 1,5 milliard d’euros), à un moment pourtant particulièrement délicat. Le gouvernement danois va donc sans aucun doute adopter dans les semaines qui viennent des mesures de soutien supplémentaires à leur encontre, surtout envers celles orientées à l’export au vu du fort recul attendu des exportations en 2009. Depuis l’accord du 1er mars, un plan d’une trentaine de mesures visant à atteindre d’ici 2010 l’objectif de réduction de 25% des charges administratives qu’elles supportent a ainsi été annoncé (réduction estimée à 550 millions d’euros).

(1) http://fm.dk/Publikationer/2009/Aftale%20forarspakke%202,-d-,0.aspx

(2)http://www.letskatten.dk/Topskat%20koster%20velf%C3%A6rd%20og%20varme%20h%C3%A6nder-359/

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Le Mouvement Démocrate Danemark en ordre de marche

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Le Mouvement Démocrate Danemark a tenu dimanche 1er mars son assemblée générale fondatrice. L’occasion d’un premier bilan d’étape après son lancement officiel à l’été 2008. L’occasion également de préparer les échéances cruciales de cette année (élections européennes, conférence internationale sur le climat), sans oublier le suivi, toujours instructif, de l’actualité économique danoise et  des réformes structurelles prévues dans le domaine de la fiscalité et de l’emploi.

A ce propos, les articles de ce blog qui ont été publiés sur différents sites d’information en France (Bétapolitique, Agoravox, La fusion ANPE-Unedic pour les nuls…) ont donné lieu à des commentaires instructifs. Dans le domaine de l’emploi par exemple, ils ont permis à certains de prendre conscience du gouffre existant entre les décisions prises par nos dirigeants actuels (peut-être devrais-je plutôt dire par notre hyper-président actuel…) et les engagements passés au niveau européen en termes de flexicurité. Ils ont également parfois suscité quelques doutes, surtout lorsqu’ils appelaient avec insistance à tendre, sous certains aspects, vers le modèle danois.

Des interrogations légitimes, très souvent liées à la taille du pays. Il est vrai que comparer la France (63 millions d’habitants) avec le Danemark (5,5 millions) peut paraître incongru. Mais soyons clairs: sur quasiment aucun des thèmes jusqu’ici abordés, une transposition telle quelle des dispositifs en vigueur au Danemark n’est possible vers notre pays. En revanche, une comparaison France/Danemark sur des sujets économiques permet, sur certains points pouvant s’avérér décisifs, de se rendre compte de différences d’approche face aux problèmes communs rencontrés par nos sociétés, de différences de mentalité, de comportements, de culture, qui lorsqu’elles sont correctement exposées, appellent à un sursaut de notre part.

Depuis le lancement de Courrier Danemark en juin 2008, 33 articles ont été publiés. Une contribution parmi tant d’autres (la blogosphère MoDem prend de l’ampleur, n’en déplaise à certains qui nous reprochent d’être aussi pauvres en idées que ne le sont aujourd’hui un PS divisé et inaudible et une UMP verrouillée par son grand chef), qui débouche sur les propositions suivantes: (1)

1) L’incontournable priorité donnée, lors des prochaines présidentielles, à la mise au point d’un “plan économie 2020” comportant, à l’heure où le déficit public devrait atteindre 100 milliards d’euros, une stratégie réaliste mais indéfectible de désendettement, des objectifs précis en termes d’expansion du marché du travail ainsi qu’une une forte dimension sociale (2). Le refus de redonner toute sa place à la prospective symbolise à lui seul l’échec programmé du gouvernement actuel: il ne viendrait à l’idée de personne de lui reprocher un quelconque manque d’activisme, mais comment naviguer sans boussole?

2) Après la boussole, la méthode de gouvernement. Comment peut-on encore croire à des résultats tangibles de la part de l’”équipe” actuellement au pouvoir lorsqu’elle s’efface chaque jour davantage derrière un seul personnage, fut-il président, qui prétend disposer de la science infuse? Tout simplement inenvisageable au Danemark, car rétrograde, inefficace et, doit-on le rappeler, anti-démocratique. Rappelons que les ministres eux-mêmes font désormais étalage de leurs états d’âme. Morceaux choisis: « Nicolas Sarkozy doit faire ce qu’il ne sait pas faire : travailler en équipe et valoriser ses ministres”. « Le seul type non humilié, c’est l' »ami » du président, Brice Hortefeux. Sinon, vous n’êtes rien. Ce système détruit l’idée de gouvernement ». Ou la phrase qui résume tout: “Ce ne sont pas les gens qui sont faibles, c’est l’organisation” (3).

3) L’adoption de réformes structurelles face à la crise actuelle. La version finale du “paquet de printemps” danois est singulière. Elle prépare le pays, à travers une réforme fiscale, à une série de défis de moyen terme (évolutions démographiques négatives sur le marché de l’emploi, amélioration de la place du Danemark en termes de concurrence fiscale, atteinte des objectifs ambitieux en termes d’environnement et de climat…). Elle ouvre également la voie, à travers les mesures proposées en termes de relance de la consommation privée, à une forte reprise dès lors que la crise sera surmontée. Pour résumer, bien que le Danemark soit une petite économie très ouverte sur l’extérieur, son gouvernement n’hésite pas à miser également sur une relance par la consommation. Loin des mesures prises par notre gouvernement, qui se sert de l’échec de la relance mitterrandienne du début des années 80, uniquement basée sur la relance par la consommation, pour masquer le fait qu’au vu de la situation des finances publiques, il n’a en vérité pas les moyens d’une telle politique, pourtant souhaitable…

4) La gestion responsable des finances publiques. La dette publique danoise est passée de plus de 80% en 1993, soit exactement le niveau attendu de la dette française d’ici la fin de l’année 2009, à moins de 30% aujourd’hui. Petite précision: sans jamais que les recettes pétrolières ne dépassent plus de la moitié des excédents budgétaires. Chez nous, l’irresponsabilité débouche sur le graphique suivant:

Cliquez ici

5) La nécessité d’une réforme des collectivités territoriales de grande envergure, basée sur la réduction du nombre de communes et la suppression d’au moins un échelon administratif (département ou région). Une réforme allant donc bien au-delà des recommandations de la Commission Balladur…Enseignement important de l’expérience danoise en la matière, l’exigence d’un large tour de table avant toute décision. En dépit de la taille réduite du pays, il a fallu pas moins de 5 ans entre l’instauration de la “Skrukturkommissionen” et l’entrée en vigueur effective de la réforme au 1er janvier 2007…

6) La remise à plat de la fiscalité. Les Danois montrent aussi la voie dans ce domaine, la réforme tant attendue en ces temps difficiles ayant fait l’objet d’un accord politique dimanche 1er mars. A peine 50% des contribuables francais s’acquittent de l’impôt sur le revenu contre 90% au Danemark…Dans ces conditions, comment oser se vanter d’un modèle social basé sur la solidarité?

7) Le réel rapprochement avec le modèle de flexicurité. Un rapprochement passant notamment par la priorité donnée à une vaste politique de formation continue qui soit autant centrée sur les personnes les moins qualifiées que sur les plus qualifiées comme c’est malheureusement le cas aujourd’hui. Rappelons que chaque salarié danois dispose de deux semaines de formation par an dans le cadre des conventions collectives. La formation continue est donc un droit que les organisations syndicales de notre pays seraient bien inspirées d’inscrire tout en haut de leur liste de revendications. Le droit de devenir meilleur au bénéfice de tous.

8) La stratégie tous azimuts en termes d’emploi des séniors. A l’heure où le taux de chômage repart vers les sommets, il serait plutôt malvenu d’initier une telle stratégie. Mais la crise finira bien un jour par être surmontée. Ce jour-là, il sera alors temps de mettre au point une stratégie d’envergure (campagnes de sensibilisation, mise en place de groupes de réflexion, incitations fiscales, cumul emploi/retraite…) visant à faire décoller le ridicule taux d’emploi des 55-64 ans dans notre pays. Avec le mot d’ordre suivant: l’emploi des séniors, c’est l’avenir de notre Etat-Providence…ou de ce qu’il en reste au vu du fourvoiement de nos dirigeants au cours des trente dernières années.

9) La stratégie numérique. Le site www.borger.dk est un modèle du genre. Il résulte de la collaboration étroite entre l’Etat danois, l’Association des Communes (KL) et l’organe représentant les régions (Danske Regioner). Cette collaboration vaut pour tous les aspects du numérique aujourd’hui, notamment la stratégie numérique 2007-2010. Elle se retrouve également dans l’existence d’une structure de coordination rassemblant des employés de différents ministères et des collectivités territoriales. Une collaboration et un regroupement des efforts enfin compris aujourd’hui par les autorités françaises. Mais point de site internet de qualité similaire pour nos concitoyens…

10) Last but not least, la révolution culturelle ou l’analyse des causes culturelles du retard de croissance de notre pays. Un condensé des difficultés rencontrées par la France face à la mondialisation (rejet idéologique de tout processus de délocalisation, absence de véritable dialogue social, irresponsabilité de nos dirigeants dans la conduite du pays, mode de management “préhistorique”, refuge hypocrite derrière la grandeur de la langue française et la nécessité de la défendre face à l’anglais pour éviter de lancer un véritable débat sur le retard en termes de connaissance des langues étrangères…). A quand un réel calcul de l’impact de ces blocages sur la santé du pays?

Regardez bien ces dix points, inspirés des bonnes pratiques danoises. Il est probable qu’aucun ne suscite de levée générale de bouclier. Parce que dans la situation dans laquelle se trouve notre pays, il est indispensable de les mettre en application. Demandez-vous maintenant combien d’entre eux ont réellement été pris en compte par le gouvernement actuel. Quasiment aucun. De plus en plus de gens comprennent pourtant leur importance. La force du Mouvement Démocrate est d’être aujourd’hui capable de les rassembler.

(1) Pour de plus amples informations sur la stratégie internet du Mouvement Démocrate, voir l’article suivant: “Bayrou veut rassembler les intelligences sur internet”, Le Figaro, 26 février 2009 http://www.lefigaro.fr/politique/2009/02/25/01002-20090225ARTFIG00508-bayrou-veut-rassembler-les-intelligences-sur-internet-.php

(2) Outre le “plan économie 2015” auquel s’accroche désespérément le gouvernement danois, un bon exemple de plan de prospective dans le domaine social est donné par Det Radikale Venstre: http://www.radikale.dk/CMS/forside04.aspx?SiteID=78566

(3) “Les ministres doutent de la méthode Sarkozy”, Le Monde, 27 février 2009 http://www.lemonde.fr/politique/article/2009/02/27/l-hyperpresidence-de-nicolas-sarkozy-suscite-des-critiques-grandissantes-dans-son-camp_1161149_823448.html

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La France et le Danemark dans la crise: des divergences révélatrices

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Rien de tel que les périodes de crise pour prendre véritablement conscience des spécificités nationales des Etats membres de l’UE. Lorsque ces dernières sont synonymes de succès, elles doivent bien sûr être favorisées. A l’inverse, lorsqu’elles sont totalement contre-productives, il est nécessaire de les dénoncer. Une comparaison entre la France et le Danemark dans la période de crise actuelle est à ce titre très instructive.

1) De l’intérêt de la prospective

Savez-vous ce qui a dominé l’actualité économique danoise la semaine passée ? La présentation des conclusions de la commission fiscalité, dont la tâche est, de concert avec la commission emploi, de trouver les moyens d’atteindre les objectifs contenus dans le cadre du « plan économie 2015 », à savoir l’augmentation de la main-d’œuvre totale de l’ordre de 20 000 personnes et le maintien du temps de travail moyen (1).

Autrement dit, malgré l’ampleur de la dégradation de la situation économique, le Danemark poursuit contre vents et marées (c’est le cas de le dire) ses efforts en termes de réformes structurelles et montre une nouvelle fois sa capacité à affronter sans se voiler la face les défis du futur. Quand bien même cette réforme est déconnectée dans ses grandes lignes de tout plan de relance immédiat, son intérêt à court terme est néanmoins évident : contribuer à accentuer le redémarrage de l’économie à partir de 2010. Peut-on en dire autant dans notre pays?

2) Les recommandations de la commission fiscalité

Ces dernières devraient déboucher sur l’adoption d’ici l’été d’une vaste réforme censée entrer en vigueur au 1er janvier 2010. Parmi elles :

– Une baisse de 4,7 milliards d’€ de la fiscalité sur le travail à travers notamment la suppression de la tranche intermédiaire d’imposition, la baisse du taux applicable aux tranches inférieures et supérieures, l’élévation du seuil à partir duquel un contribuable se situe dans la tranche supérieure…Avec pour conséquence un abaissement du taux d’imposition marginal de 63 à 55% et du bouclier fiscal de 59 à 50%.

– Un financement assuré par une hausse de la fiscalité sur l’énergie, par l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu et la suppression de certaines niches fiscales.

La suppression de la tranche intermédiaire d’imposition ne fait sens que parce que 90% des danois s’acquittent déjà de l’impôt sur le revenu. Proposer, comme le fait aujourd’hui notre gouvernement, de supprimer la tranche d’imposition inférieure revient donc à mettre la charrue avant les bœufs lorsque l’on sait qu’à peine 50% des contribuables français sont aujourd’hui soumis à l’impôt sur le revenu et que plus de 400 niches fiscales perdurent…(2).

Autre évolution fiscale préoccupante dans notre pays, la préconisation de la suppression de la taxe professionnelle : est-ce vraiment raisonnable lorsqu’une réforme des collectivités locales est annoncée pour bientôt et qu’elle ne pourra être mise en œuvre sans de larges consultations au niveau national et local ?

3) Le contexte d’avant-crise

Les mesures fiscales et d’emploi prises avant une crise systémique ne sauraient empêcher son apparition. Mais peut-être peuvent-elles dans certains cas l’accentuer ?

Par chance, le revenu disponible brut des ménages danois devrait progresser de 3,7% en 2009, sous l’impulsion des conventions collectives signées en 2008 (hausses salariales de 12,8% sur 3 ans) et des réductions d’impôt sur le revenu décidées en 2007 et étalées sur 2008 et 2009. Une évolution dont les effets en termes de consommation privée sont certes limités (croissance attendue de 0,7% tout de même), mais qui permet de faire face au niveau élevé d’endettement des ménages.

Pendant ce temps-là, que faisait la France ?

– Adoption d’un paquet fiscal présenté, une fois la crise confirmée, comme un amortisseur à cette dernière et dont le seul véritable effet est de plomber les comptes publics.

– Adoption de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui accentue aujourd’hui la dégradation constatée sur le front de l’emploi.

Par pure malchance, la France ne s’est donc pas bien préparée à la crise actuelle. Etonnant lorsque l’on sait qu’au 1er semestre 2008, lors des négociations entourant le renouvellement des conventions collectives, les syndicats danois avaient déjà clairement conscience de la fin d’une période faste, sans il est vrai être en mesure de prévoir une crise de cette ampleur…

4) La relance

Elle est pour le moins timide au Danemark et en tous les cas d’une ampleur plus limitée que chez ses voisins nordiques. Elle consiste aujourd’hui en une éventuelle accélération des programmes d’investissements publics (construction de nouveaux hôpitaux, de nouvelles routes, rénovation d’écoles et de maisons de retraites). Les raisons invoquées sont le niveau encore très bas du chômage (2,1% en décembre 2008)…et les objectifs du plan économie 2015 en termes de finances publiques.

La France est quant à elle prisonnière des débats du passé. Notamment celui relatif à la politique de relance de 1981 : entre un PS qui n’apprend rien de ses erreurs (programme de relance presque exclusivement basé sur une relance de la consommation) et une UMP qui s’est jusqu’à présent refusée à toute intervention dans ce domaine (après avoir pourtant fait campagne sur le pouvoir d’achat), il est temps d’aller voir ailleurs…

Sans oublier le plan d’aide au secteur automobile, basé sur un protectionnisme des plus populistes (en échange du prêt de 6 milliards d’euros, les constructeurs s’engagent à ne pas délocaliser ni licencier), surtout à la lumière des dernières déclarations de Sarkozy à ce sujet (“c’est ma responsabilité de préserver l’emploi en France”) (3). Rectifions donc les propos du chef de l’Etat: c’est notre responsabilité de ne pas nous voiler la face en préservant artificiellement des emplois et d’accentuer plutôt les efforts en termes de formation continue et de reconversion afin de tendre vers un modèle plus souple et plus réactif aux variations conjoncturelles.

Résumons donc les choses: alors que le gouvernement danois garde son sang-froid, tirant encore partie de fondamentaux sains, le nôtre s’agite désormais dans tous les sens, sans projet ni boussole.

5) De la complaisance des journalistes et de l’usage du benchmarking

Au Danemark, lorsqu’un ministre ou même le premier ministre est interrogé par les journalistes, il est « cuisiné ». En France, le président est placé sur un pied d’estale. Au point de connaître par avance les questions qui vont lui être posées. Quoi de plus normal dans ces conditions que chaque intervention soit jugée comme étant parfaitement maîtrisée ? Dans quelle autre démocratie le chef de l’exécutif dispose t-il d’un tel privilège digne des anciens monarques ?

Le pire est que la complaisance des journalistes ne s’arrête pas là. Convenons qu’il faut en avoir une surdose pour oser proposer un article dont le titre est « Dans la crise, le modèle français, naguère décrié, regagne des couleurs ». Non pas que notre pays ne dispose pas de certains atouts, mais de là à nous faire croire que tout va bien…(4).

Citons pêle-mêle: “La France est mieux armée que les Etats-Unis ou certains de ses partenaires européens pour affronter la récession parce que son modèle limite les dégâts sociaux” (évidemment sans davantage d’explications). “Contrairement aux Américains, aux Britanniques et à tous ceux qui comptaient sur la capitalisation et les fonds de pension pour assurer leurs vieux jours, les Français ne verront pas leurs retraites fondre avec la tempête boursière” (questions: ne peut-on pas imaginer un système hybride, disons comme au Danemark, qui permette aux retraités de réellement profiter de leur retraite? Les retraités français sont-ils réellement tous satisfaits de leur niveau actuel?). “Malgré un dette publique élevée, l’Etat peut encore emprunter dans des conditions jugées “très favorables” par Bercy. Un peu moins que celles offertes à l’Allemagne mais bien meilleures que celles proposées à l’Italie, à l’Espagne ou au Portugal”…Même si, comme l’affirme Matthieu Laine dans son dernier ouvrage, “la politique n’a plus aucune marge de manoeuvre financière. Elle ne peut tout simplement plus, matériellement, nous sauver (…)” (5).

La France utilise donc le « benchmarking » (comparaison avec les autres pays) de manière inversée : au lieu de nous comparer à ceux qui ont une longueur d’avance (sinon quel intérêt?), mieux vaut se mettre en valeur face à ceux en difficulté. Nos amis anglais en prennent aujourd’hui, même à juste titre, plein la figure. Les Espagnols aussi, au vu des évolutions en termes d’emploi. Une attitude “constructive” de plus alors que “les Français, évidemment soucieux de leur emploi, s’inquiètent plus gravement encore des nombreux symptômes annonciateurs d’une décadence de leur nation” (6). En dehors du Mouvement Démocrate, y a-t-il encore quelqu’un pour les écouter?

(1) Consulter le site de la commission fiscalité (en danois) http://skattekommissionen.dk/

(2) Pour de plus amples informations sur qui paie quoi au Danemark, consulter le lien suivant, issu du site du Ministère des Impôts (en danois): http://www.skm.dk/tal_statistik/indkomstfordeling/687.html

(3) “Protectionnisme: Merkel intervient, Sarkozy se défend” Le Figaro, 12 février 2009http://www.lefigaro.fr/economie/2009/02/12/04001-20090212ARTFIG00376-protectionnisme-merkel-intervient-sarkozy-se-defend-.php

(4) “Dans la crise, le modèle français, naguère décrié, regagne des couleurs”, Le Monde, 30 janvier 2009 http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/01/30/dans-la-crise-le-modele-francais-naguere-decrie-retrouve-des-couleurs_1148547_3224.html

(5) Matthieu Laine “Post politique” Editions Lattès 2009, 286 pages.

(6) “La droite entretient l’illusion de l’Etat-Providence”, Le Figaro, 30 janvier 2009 http://www.lefigaro.fr/debats/2009/01/30/01005-20090130ARTFIG00469-la-droite-entretient-l-illusion-de-l-etat-providence-.php

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France 2025 versus Danemark 2015

Image00001 La crise financière étant le sujet incontournable du moment, une nouvelle est passée inaperçue cette semaine: le lancement du site internet dédié à “France 2025”, exercice ambitieux de prospective (ou de planning stratégique) appelant chaque citoyen à “faire un état des lieux de notre pays” et à formuler des recommandations via un “espace contributions”, le tout complété par les travaux de plusieurs commissions sur huit “sujets majeurs” (1).

Comme l’indiquait le Figaro cette semaine, “Les internautes sont notamment invités à « commenter », « amender » et « exprimer leurs convictions » sur ce travail de prospection commencé en avril et qui s’inspire de projets similaires en Grande-Bretagne et au Danemark” (2).

Comme indiqué dans mon premier article, intitulé “Prospective”, la référence faite au Danemark au moment du lancement de France 2025 pose problème dans la mesure où elle omet de mentionner le véritable fondement de la prospective “à la danoise”, à savoir le “plan économie 2015”, et que l’échéance choisie en France est peu crédible face à celle de nos amis danois.

Que s’est-il passé depuis ce premier constat?

1) La France est entrée en récession “technique” (croissance négative durant deux trimestres consécutifs), alors que les prévisions de croissance pour 2008 étaient les mêmes que pour 2007 (fourchette de 2 à 2,5%).

2) Au Danemark, le seul exercice qui se projette aussi loin que “France 2025”, à savoir l’accord sur l’Etat-Providence de 2006 (marqué notamment par l’élévation de l’âge minimum pour bénéficier du dispositif de préretraite de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022 et de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans entre 2024 et 2027) est aujourd’hui dénoncé par la commission sur l’emploi, chargée de trouver les moyens d’accroître significativement la main-d’oeuvre dans le but d’assurer à l’horizon 2015 le même niveau d’Etat-Providence qu’aujourd’hui, malgré le contexte actuel de manque de main-d’oeuvre (3).

Deux évolutions qui jettent de sérieux doutes sur la pertinence de “France 2025” (qui peut ainsi être interprété comme un exercice de fuite en avant) et qui amènent aux interrogations suivantes:

Comment peut-on encore faire croire à des projections réalistes sur plus de 15 ans lorsque le gouvernement actuel s’est révélé incapable d’anticiper ne serait-ce qu’un  semblant de ralentissement économique entre 2007 et 2008?

Comment peut-on insister sur la solidité du projet « France 2025 » lorsque les autorités danoises sont aujourd’hui sommées par la commission sur l’emploi de remettre en cause un accord aussi important que celui sur l’Etat-Providence à peine plus de deux ans après sa signature et ce malgré la prudence dont elles font généralement preuve dans leurs prévisions?

Comment peut-on manipuler les électeurs en assurant que les travaux des différentes commissions mises en place dans le cadre de « France 2025 » seront suivis d’effet lorsque le gouvernement actuel, face à la crise financière, appelle honteusement à faire preuve de “flexibilité dans l’application du Pacte de Stabilité et de Croissance”, ce dernier constituant pourtant le plus grand rempart contre la naviguation à vue des économies européennes à moyen et long terme? (4)

La France en 2025? Pourquoi pas la France en 2050? Voici en tous les cas les prévisions qui me semblent les plus crédibles dans le cas malheureux où François Bayrou ne serait pas élu à la Présidence de la République (5):

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Preuve que l’échéance choisie par les danois est la bonne, il ne se passe pas un jour sans que le plan économie 2015 ne soit cité dans la presse et ne suscite de débats sur les moyens d’atteindre les objectifs qu’il contient. “Gouverner c’est prévoir”, disait Emile de Girardin. J’ajouterais pour ma part ceci: “Gouverner, c’est prévoir ce qui peut être prévu”.

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(1) http://www.france2025.fr/xwiki/bin/view/PresentationProjet/

(2) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2008/10/01/01011-20081001FILWWW00711-eric-besson-lance-le-site-france-.php

(3) La commission sur l’emploi appelle ainsi, dans ses conclusions préliminaires, à avancer à 2009 la date d’entrée en vigueur des dispositions sur les préretraites et sur les retraites. http://www.amkom.dk

(4) “Le G4 s’engage à porter secours aux établissements financiers européens en difficulté”, Le Monde, 4 octobre 2008 http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/04/le-g4-s-engage-a-porter-secours-aux-etablissements-financiers-europeens-en-difficulte_1103179_1101386.html#ens_id=1102984

(5) Blog Coulisses de Bruxelles, 29 septembre 2008. http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/09/faillite-franai.html#more

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