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Les progrès de l’intégration des étrangers au Danemark

SPM_A0101Confronté plus tardivement que la plupart de ses partenaires européens au phénomène de l’immigration, le Danemark n’a logiquement jamais bénéficié d’une très bonne réputation en termes d’intégration. La présence du parti nationaliste au sein de la coalition parlementaire au pouvoir depuis 2001 a évidemment eu tendance à crisper parfois inutilement les débats, la meilleure illustration étant sans doute donnée par la mise en oeuvre, en 2002, de la fameuse “règle des 24 ans” (1).

Pourtant, les progrès réalisés depuis une quinzaine d’années sont indéniables. Ils sont logiquement passés par l’ouverture sans cesse plus marquée du marché du travail aux étrangers. Un rapport de DA (Confédération des Employeurs Danois), publié en 2008, indiquait ainsi qu’au moins 250 000 étrangers étaient présents sur le marché du travail au cours de l’année précédente, soit 9% de la population active (2). Une évolution positive confirmée par les données disponibles en termes de taux d’emploi (77,4% au niveau national en 2008) (3).

Evolution du taux d’emploi des étrangers sur la période 1997-2008

% 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Etrangers occidentaux 59,4 60,3 61,7 62,1 63,0 63,2 62,0 60,6 61,4 62,5 64,0 64,9
Etrangers non-occidentaux 34,7 37,6 41,2 42,8 44,2 45,5 45,2 45,1 46,3 49,1 53,4 56,0

Différence entre l’évolution du taux d’emploi des étrangers et l’évolution du taux d’emploi des Danois sur la période 1996-2006 (4)

image Source: International Migration Outlook, OCDE Sopemi 2008 et DI

Selon DI (Conféderation des Entreprises Danoises), l’évolution positive constatée en termes de taux d’emploi résulte de la conjonction de plusieurs facteurs:

– Le marché du travail a été marqué à partir du milieu des années 90 par le durcissement de certaines règles (mise en place du troisième pilier du modèle de flexicurité, à savoir l’accent mis sur l’activation des chômeurs, raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage…).

– L’accent mis sur le thème de l’intégration par l’ensemble des entreprises danoises, notamment dans le secteur privé (5).

– L’atteinte progressive du plein emploi, illustrée par un taux de chômage de seulement 1,6% au cours de l’été 2008.

Les préoccupations en termes de taux d’emploi se retrouvent également au niveau local. La politique ciblée en faveur des quartiers défavorisés menée par la commune de Copenhague est ainsi basée sur un « Baromètre de l’intégration » (http://www3.kk.dk/integrationsbarometer.aspx) permettant d’effectuer tous les six mois un bilan de la situation au sein de chaque quartier défavorisé de la capitale en ce qui concerne une batterie d’indicateurs, dont le taux d’emploi.

Bien que la crise économique en réduise l’urgence immédiate (le taux de chômage atteignait 3,5% au mois de mai selon les données officielles danoises, 5,7% selon Eurostat), le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée reste incontournable à moyen-long terme afin de parvenir à maintenir le niveau actuel d’Etat-Providence. Certaines projections indiquent  en effet que la main-d’oeuvre totale sera réduite de 340 000 personnes à l’horizon 2040, le nombre de retraités augmentant lui de 480 000 personnes…(6)

Part des étrangers et descendants (16-64 ans) dans la population (7)

imageSource: Danmarks Statistik et projections DREAM

D’où la décision prise par le Maire de Copenhague, Ritt Bjerregaard, de mettre sur pied, en janvier 2008, un groupe de réflexion, “Tænketanken om Fremtidens Arbejdskraft” (groupe de réflexion sur la main-d’oeuvre du futur), chargé de formuler des propositions destinées à attirer davantage de main-d’oeuvre étrangère qualifiée dans la capitale danoise (8). Les travaux de ce groupe de réflexion ont pour le moment débouché sur plusieurs pistes. Parmi elles:

– L’ouverture, effective depuis le mois de mai 2009, du CPH International Service (http://www.kk.dk/sitecore/content/Subsites/ThinkInCph/SubsiteFrontpage.aspx), département spécialisé dans l’aide, proposée en anglais, aux travailleurs, chercheurs et étudiants désirant s’installer dans la capitale.

– Un organisme nommé Copenhagen Partner sera chargé d’attirer de la main-d’oeuvre étrangère qualifiée et d’aider les personnes concernées à s’établir dans le pays. L’organisme fonctionnera comme un réseau au sein duquel les étrangers pourront échanger leurs expériences entre eux et rencontrer des Danois.  Copenhagen Partner collaborera avec les portails déjà existants au niveau national, à savoir Work in Denmark (http://www.workindenmark.dk), Life in Denmark (http://www.lifein.dk), Expat in Denmark (www.expatindenmark.com), ainsi qu’avec les organismes Wonderful Copenhagen (http://www.visitcopenhagen.dk) et Copenhagen Capacity (http://www.copcap.com).

– Le développement des possibilités d’accès à des sources d’information locale en anglais. Un nouveau service d’information viendra ainsi prochainement compléter ceux déjà existants aujourd’hui: Copenhagen Post (http://www.cphpost.dk) et la version internet en anglais des journaux Politiken (http://politiken.dk/newsinenglish) et Jyllands-Posten (http://jp.dk/uknews). La télévision et la radio seraient également concernées: TV2 Lorry proposerait une version avec sous-titres en anglais, Københavns Radio des extraits traduits dans la même langue sur internet.

– L’augmentation du nombre de places disponibles dans les écoles internationales au sein desquelles l’enseignement est effectué principalement en anglais, augmentation requierant également un changement au niveau législatif. Le manque de places, évalué aujourd’hui à 350 au niveau national, découragerait en effet certains étrangers de s’installer dans la capitale.

Population vivant au Danemark par origine (9) En bleu foncé: Danois En gris foncé: étrangers non-occidentaux en gris clair: étrangers occidentaux en bleu clair: descendants d’étrangers non-occidentaux en rouge: descendants d’étrangers occidentaux (1er janvier 2009)

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Etrangers et descendants par origine (10) En bleu foncé: non-occidentaux, en gris: UE à 15 en bleu clair: nouveaux Etats membres de l’UE en bleu foncé: région nordique hors UE en rouge: divers pays occidentaux (1er janvier 2009)

image

Les nationalités les plus représentées au Danemark au 1er janvier 2009 (11)

Turquie 58 191
Allemagne 30 385
Irak 28 917
Pologne 27 198
Liban 23 563

Le ralentissement marqué de l’économie danoise, dès 2007, et la crise actuelle auraient pu remettre en cause le  processus d’intégration des étrangers sur le marché du travail. Il semble pourtant que ce ne soit pas le cas. Le “baromètre de l’intégration” indique par exemple que le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux au sein de la commune de Copenhague a poursuivi sa progression entre août 2008 et février 2009, atteignant désormais 62,3%, les femmes étant les principales bénéficiaires de cette évolution (12). Encore un petit effort et le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux atteindra dans la capitale danoise le niveau de ce qu’il est pour l’ensemble de la population dans notre pays…

(1) Un étranger hors UE peut obtenir un permis de résidence sur la base des règles en vigueur en termes de regroupement familial dans le cas où son/sa partenaire est danois(e) ou bénéficie d’un permis de résidence illimité depuis au moins 3 ans. A certaines conditions toutefois: les deux partenaires doivent notamment avoir au minimum 24 ans, doivent prouver qu’ils ont des liens plus forts avec le Danemark qu’avec tout autre pays. Celui ou celle vivant déjà dans le pays doit de plus déposer une garantie d’un peu plus de 8000 euros afin de couvrir tout ou partie de l’éventuelle aide sociale versée par la commune à la personne étrangère. http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Ophold/familiesammenfoering/aegtefaeller/

(2) Arbjedsmarkedsrapport 2007, DA, http://www.da.dk/bilag/Sammenfatning%20_%20web.pdf

(3) Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(4) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(5) “Virksomheders sociale engagement Årbog 2008” SFI, décembre 2008 http://sfi.net.dynamicweb.dk/Default.aspx?ID=2093&Action=1&NewsId=1401

(6) “Hvis vi vil tiltrække fremtidens arbejdskraft” Politiken, 8 juillet 2009 http://politiken.dk/debat/kroniker/article747928.ece

(7) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(8) http://www.kk.dk/cphtaenketanken.aspx

(9) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(10) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(11) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(12) “Integrationsbarometer viser fremgang” Commune de Copenhague, 10 juillet 2009 http://www.kk.dk/Nyheder/2009/Juli/IntegrationsbarometerViserFremgang.aspx

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TVA sociale: le cas danois

SPM_A0024La décision, annoncée par le locataire actuel de l’Elysée lors de la réunion du Congrès du 22 juin, de recourir à un emprunt national est lourde de conséquence. Elle reflète le décalage de plus en plus flagrant entre le discours de la majorité actuelle et la réalité de ses actes. « Moi, je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite. Je suis à la tête d’un État en déficit chronique. Je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Moi, je dois ramener l’équilibre à la fin du quinquennat, sinon on ne bâtira plus rien » déclarait en 2007 François Fillon (1). De même, Nicolas Sarkozy appelait encore récemment à une concertation plus étroite au niveau européen afin de lutter contre la crise. Pour finalement prendre l’exact contre-pied de la politique suivie par une Allemagne déterminée à mettre de l’ordre dans ses finances publiques (2).

Il est très difficile de penser que le recours à cette mesure ne serve en fait qu’à dégager des marges de manœuvre utiles dans la perspective des présidentielles de 2012…La raison est qu’il faudra bien un jour stopper cette spirale de l’endettement : les banques ont prêté avec démesure, contraignant l’Etat, pourtant déjà lourdement endetté, à leur prêter à son tour, et c’est désormais le particulier français, prêtant déjà à EDF, qui vient boucler la boucle !

On avance souvent l’exemple du Japon, dont la dette publique dépasse les 200% du PIB, pour minimiser l’impact de l’endettement croissant de notre pays. Mais sans jamais se poser la question de savoir à partir de quel seuil d’endettement les marges de croissance se réduisent. L’économie japonaise n’est-elle pas en quasi-stagnation depuis les années 90 ?

Constatant la dégradation des comptes publics, Philippe Séguin, Président de la Cour des Comptes, jugeait cette semaine « trompeuse » la perception selon laquelle « « la France s’en tirerait mieux » que ses voisins, ajoutant que « les lendemains risquent d’y être pire qu’ailleurs » (3). Raison de plus pour faire du concept de dette soutenable une priorité…Car il existe une alternative à la « fuite en avant » proposée aujourd’hui par la tête de l’exécutif : conjointement à l’adoption d’une ambitieuse réforme des collectivités locales, susceptible de freiner les dépenses publiques, la refonte intégrale du système fiscal, refonte passant notamment par l’introduction de la TVA sociale.

Le seul véritable exemple de TVA sociale est offert par le Danemark, puisque l’Allemagne a finalement affecté les 2/3 du relèvement de 3 points (de 16 à 19%) du taux de TVA intervenu au 1er janvier 2007 à la réduction de son déficit budgétaire.

Le cas danois, constitué par le relèvement, en 1987, de trois points (de 22 à 25%) du taux de TVA moyennant la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, doit être analysé en prenant compte des particularités suivantes :

– Le contexte économique spécifique de 1987. L’introduction de la TVA sociale s’inscrivait dans le cadre d’une politique, initiée en 1986 (« kartoffelkur »), visant à refroidir la demande intérieure et à rétablir l’équilibre de la balance des paiements (4). La quasi suppression des charges sociales pesant sur les entreprises a donc été accompagnée par toute une série de mesures (freinage de la dépense publique, réduction du taux applicable à la déductibilité des intérêts d’emprunts, réduction de la durée de perception des allocations chômage…).

– La philosophie du système fiscal danois, dont notre pays est contraint de suivre certaines des caractéristiques avant toute introduction de la TVA sociale. Parmi elles, le rôle redistributif prépondérant joué par l’impôt sur le revenu, première source incontestée de recettes pour l’Etat danois, et le nombre très limité de niches fiscales. Rappelons également la suppression (par les socio-démocrates !) de l’ISF en 1997, impôt jugé inefficace…

Répartition attendue des recettes fiscales en 2010 (Ministère des Impôts)

Impôt sur le revenu: 52%, TVA: 23%

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– La manière dont est perçue la TVA. Son caractère proportionnel et uniforme (il existe très peu d’exemptions au taux de 25%) est accepté par la population tant que l’impôt sur le revenu occupe la première place en termes de redistribution.

– L’introduction de la TVA sociale est allée de pair avec l’engagement pris par les syndicats de modération des revendications salariales au cours des années qui ont suivi. En dépit de la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, le coût du travail est en effet depuis longtemps plus élevé au Danemark en raison du niveau des salaires.

L’héritage de Poul Schlüter, Premier Ministre danois de 1982 à 1993, est controversé. Suite à la « kartoffelkur », la balance des paiements est redevenue positive en 1990, pour la première fois depuis plus de 20 ans. Le taux d’inflation, qui excédait 10% en 1982, fut divisé par cinq dix ans après. Le déficit budgétaire fut quant à lui ramené de 9,1 à 2,6% sur la même période. Afin d’éviter l’emballement de l’économie, l’objectif de refroidissement la demande interne a toutefois conduit à une forte poussée du chômage, dont le pic fut atteint en 1993 (12,4%), qui a à son tour contribué au creusement de la dette publique, cette dernière dépassant à la même date la barre de 80% du PIB.

Il existe toutefois aujourd’hui un relatif consensus au Danemark sur le fait que les résultats obtenus par la suite, tant en termes de chômage (baisse de 12,4 à 5,2% du taux de chômage sous l’ère Poul Nyrup Rasmussen entre 1993 et 2001, atteinte du plein emploi sous l’ère Anders Fogh Rasmussen) qu’en termes de réduction de la dette publique (27% du PIB fin 2007), n’auraient pu être atteints sans la résolution préalable des problèmes rencontrés en termes de compétitivité. De nombreux économistes indiquent également que les effets collatéraux d’une telle réforme auraient été plus limités si elle avait été mise en oeuvre plus tôt.

De l’introduction de la TVA sociale, réalisée dans un contexte spécifique mais dont certains des éléments ne vont pas sans rappeler la situation économique prévalant aujourd’hui dans notre pays (déséquilibre des comptes extérieurs et des comptes publics), peuvent être tirés les constats suivants:

1) La compétitivité des entreprises danoises n’a jamais été démentie depuis son introduction, malgré le niveau élevé des salaires. Sur l’année 2007, le coût du travail moyen dans le secteur privé était de 36 euros par heure. Seulement 4% de ce montant était constitué de charges hors salaire (5). Les exportations représentaient avant la crise 35% du PIB, le pays affichant des excédents commerciaux et des excédents de la balance des paiements réguliers.

Evolution du solde de la balance des paiements

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Evolution du solde de la balance commerciale (Danmarks Statistik)

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2) L’introduction de la TVA sociale a permis de mener une réflexion plus large sur la manière de développer la compétitivité des entreprises. Il convient en effet une nouvelle fois de souligner que l’adaptation aux défis posés par la mondialisation est également passée par l’approfondissement de la politique de formation continue, condition indispensable de la spécialisation de la main d’œuvre sur des productions à plus haute valeur ajoutée.

3) D’autre part, l’introduction de la TVA sociale a eu le mérite de clarifier le débat sur les délocalisations. Elle permet donc, dans une certaine mesure, d’expliquer le pragmatisme danois sur un thème toujours très sensible dans notre pays, puisqu’elle a débouché sur la quasi-suppression de toute distorsion fiscale dans le coût de production entre les biens produits au Danemark et ceux produits à l’étranger.

4) L’introduction de la TVA sociale a été suivie, à partir du milieu des années 90, par une remarquable série d’excédents budgétaires que seule la crise actuelle est venue remettre en cause.

Evolution du solde public (Ministère des Finances)

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Pour résumer, le principe de TVA sociale ne peut être mis en oeuvre dans notre pays sans une réforme préalable du système fiscal, qui doit intégrer davantage d’éléments de justice sociale, et sans le lancement d’une politique globale en faveur de la compétitivité. Ajoutons qu’une coordination au niveau européen serait bien évidemment souhaitable. Jean Arthuis avance par exemple que la TVA sociale aurait le mérite de mettre un terme au débat sur le projet de Directive Européenne sur les services (6). Ouvrons également les yeux sur notre niveau d’endettement, qui nous contraint à financer notre protection sociale par des produits et services conçus à l’étranger…Rappelons enfin qu’il s’agit de réduire les charges pesant sur les entreprises, pas  de parvenir, comme au Danemark, à leur quasi-suppression.

Creuser davantage les déficits en affirmant que chaque euro d’endettement supplémentaire sera affecté à des priorités nationales, c’est reconnaître implicitement que la dérive des finances publiques n’a été jusqu’ici que le résultat d’un immense gâchis…Certes, la TVA sociale pourrait momentanément ralentir la consommation. Mais comme l’affirmait cette semaine Philippe Séguin, une dégradation encore plus marquée des comptes publics expose la France à plusieurs risques dont “un risque économique” marqué par la remontée du taux d’épargne des ménages.

Le Danemark a souvent eu recours à l’arme fiscale en temps de crise. En 1987, en instaurant la TVA sociale, ou encore aujourd’hui, à travers la réforme adoptée dans le cadre du “paquet de printemps 2.0”, qui débouche sur des changements d’une ampleur inégalée. Qu’est-ce qui nous empêche de faire de même?

(1) « Requinqué, Fillon s’offre une journée en Corse » Le Figaro, 22 septembre 2007 http://www.lefigaro.fr/politique/20070922.FIG000000937_requinque_fillon_s_offre_une_journee_en_corse.html

(2) « L’Europe divisée sur les hausses d’impôt » le Figaro, 26 juin 2009 http://www.lefigaro.fr/impots/2009/06/26/05003-20090626ARTFIG00253-l-europe-divisee-sur-les-hausses-d-impots-.php

(3) « La Cour des Comptes s’inquiète du risque d’emballement de la dette », Le Monde, 24 juin 2009 http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/24/la-cour-des-comptes-s-inquiete-du-risque-d-emballement-de-la-dette_1210595_3234.html#xtor=RSS-3208 Philippe Séguin précise par ailleurs que la France est le quatrième Etat le plus endetté de la zone euro et que ses dépenses publiques (plus de 52% du PIB) sont supérieures de 9 points à celles de l’Allemagne.

(4) Outre le fort déficit de la balance des paiements, l’économie danoise était caractérisée en 1986 par un taux de croissance proche de 5% et une consommation privée en hausse de 5,6%.

(5) Donnée Danmark Statistiks http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2008/NR480.pdf Les employeurs contribuent de plus au système de retraite complémentaire professionnelle (dispositifs de retraite apparus dans le cadre de conventions collectives couvrant 85% du marché du travail danois). Le montant versé chaque mois, dont les 2/3 sont à la charge de l’employeur, peut être considéré comme un élément de salaire différé. Le montant à la charge de l’employeur est variable mais équivaut en moyenne à 10% du salaire. Il faut également noter que les entreprises danoises ne contribuent pas au financement du système d’assurance-chômage.

(6) “TVA sociale et plombier polonais” http://www.jeanarthuis-blog.fr/index.php?sujet_id=2588

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Le bilan économique d’Anders Fogh Rasmussen (1)

SP_A0615

Après plus de 7 ans passés à diriger le Danemark, Anders Fogh Rasmussen a démissioné, dimanche 5 avril, de ses fonctions de Premier Ministre, afin d’occuper, à partir du 1er août, celles de Secrétaire Général de l’OTAN. Il laisse à son successeur, Lars Løkke Rasmussen, jusqu’ici Ministre des Finances, le soin de sortir le pays de la crise avant les prochaines élections parlementaires, prévues en 2011. Un bilan de son action dans le domaine économique, s’impose donc.

1) La principale réalisation du gouvernement Rasmussen: le plein emploi

Objectif affiché par tous les gouvernements, le plein emploi reste souvent hors d’atteinte…Sauf au Danemark. L’ère Fogh (on utilise ce nom pour le distinguer de ses nombreux homonymes) aura donc été marquée par une baisse continue du nombre de demandeurs d’emploi sur la période décembre 2003-septembre 2008, le taux de chômage étant passé de 6,2 à 1,6%.

Une évolution qui a logiquement davantage bénéficié aux catégories de population traditionnellement les plus éloignées du marché du travail. Une étude opportunément publiée la semaine dernière par le Ministère de l’Intégration montre en effet que la campagne intitulée “une chance pour tous”, lancée en 2004, a porté ses fruits: l’objectif d’intégrer sur le marché du travail 25 000 “nydanskere” (personnes ayant récemment acquis la nationalité danoise) d’origine non-occidentale d’ici 2010 a été atteint avec presque deux ans d’avance (1).

Le chômage est bien sûr reparti à la hausse depuis l’automne 2008 (2,5% en février 2009). Mais le modèle de flexicurité joue encore à plein: un tiers des personnes licenciées depuis novembre 2008 ont retrouvé un emploi, le secteur public ayant encore besoin de bras…On atteint pas le plein emploi sans raison: peut-être est-il temps de se pencher sur une flexicurité dont nous n’avons visiblement toujours pas saisi la véritable logique?

Evolution du taux d’emploi sur la période 2001-2008 (données Danmarks Statistik)

 

2001

2008

Progression

Niveau national

76,1

77,4

+1,3 pt

Séniors  55-59 ans

71,4

79,4

+8 pts

Séniors 60-64 ans

32,2

41,9

+9,7 pts

Etrangers  occidentaux

63,0

64,9

+1,9 pt

Etrangers non-occidentaux

44,2

56

+11,8 pts

2) La réduction de la dette publique et la disparition de la dette extérieure

En arrivant au pouvoir en novembre 2001, Anders Fogh Rasmussen hérite de finances publiques déjà relativement saines: la dette publique atteint alors 48,7% du PIB. Profitant alors d’une période de trois années de forte expansion économique, le gouvernement parvient à la réduire à 26,3% fin 2007 (2). De quoi donner des marges de manoeuvre utiles dans le contexte actuel…

Le secret? Une combinaison de facteurs favorables (accélération de la croissance, qui atteint un pic de 3,5% en 2006, réduction des dépenses de marché du travail, recettes issues de l’exploitation du pétrole et du gaz en Mer du Nord), de principes de gouvernement (allocation intégrale des excédents budgétaires à la réduction de la dette publique, cadrage à long terme des finances publiques, comme dans le cadre du plan économie 2015, adoption d’hypothèses de croissance réalistes dans le cadre des différentes lois de finances) et…adoption de réformes structurelles sans commune mesure avec les réformettes initiées dans notre pays.

Autre résultat, plus symbolique celui-là, la disparition, depuis 2006, de la dette extérieure (soit l’ensemble des dettes qui sont dûes par un pays, État, entreprises et particuliers compris, à des prêteurs étrangers).

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Je ne suis pas candidat au poste de Secrétaire Général de l’OTAN”. Le Premier Ministre promet de rester à son poste, 17 février 2009. Photo: Roald Als

3) Le “gel des impôts”: un principe controversé

Entré en vigueur en 2002 et en principe reconduit, suite à l’adoption récente du “paquet de printemps 2.0”, jusqu’en 2019 (à condition toutefois de la reconduction de la majorité actuelle lors des élections de 2011), le gel des impôts signifie concrètement que les taxes, qu’elles soient exprimées en pourcentage ou en montant, sont gelées à leur niveau de 2001. Anders Fogh Rasmussen est donc devenu le premier dirigeant danois à garantir que les impôts n’augmenteraient pas. Une sacrée prouesse dans un pays attaché à son modèle d’Etat-Providence…

Dans les faits, le gel des impôts est allé de pair avec une diminution continue du taux de prélèvements obligatoires entre 2005 (51%) et 2008 (47,6%), ce qui n’empêche cependant pas le Danemark de dépasser la Suède dans ce domaine depuis 2007 (3). Une diminution résultant de la réduction des recettes issues de l’exploitation du gaz et du pétrole en Mer du Nord et des baisses successives de l’imposition sur les revenus issus du travail (2003, 2007 et 2009). A ce propos, Anders Fogh Rasmussen a davantage abaissé le taux marginal d’imposition que ses prédécesseurs (de 63 à 55,5% depuis la réforme adoptée récemment).

Baisse du chômage, baisse de la dette publique, baisse des impôts, où est donc le mal me direz-vous? Le fait que l’idée derrière le “gel des impôts” était d’inciter à la modération en termes de consommation publique. Un objectif manqué et visiblement hors d’atteinte dans un avenir proche, puisque la consommation publique atteint dès 2009 le plafond fixé dans le cadre du plan économie 2015 (26,5% du PIB). D’où les réflexions actuelles quant au caractère incontournable de l’expansion du marché du travail afin d’assurer la pérennité des finances publiques à moyen/long terme. Difficile en effet de continuer à baisser les impôts tout en dépensant plus…

4) L’âge de départ en préretraite est abaissé…à partir de 2019.

Conclu en 2006 avec l’assentiment de toutes les formations politiques, l’accord sur l’Etat-providence est un véritable ovni. Il prévoit en effet l’élévation de l’âge minimum de départ en préretraite de 60 à 62 ans, ainsi que l’élévation de l’âge légal de départ en retraite de 65 à 67 ans, le tout de manière progressive entre…2019 et 2027. Après cette date, un écart de 19 ans et demi sera conservé entre l’âge minimum de départ en préretraite et l’espérance de vie moyenne. A première vue donc, un accord censé qui permettait de plus à Anders Fogh Rasmussen de réformer un dispositif de préretraite populaire et considéré depuis sa création comme un acquis social, tout en passant pour un libéral finalement “modéré”, les “vrais” libéraux appelant eux à sa suppression pure et simple.

Dans un de mes précédents articles, intitulé “France 2025 versus Danemark 2015”, j’indiquais qu’un exercice de prospective n’avait de véritable sens que s’il se limitait à 7/8 ans au vu d’un monde en constante évolution et donc difficilement prévisible. Et c’est bien là le problème de cet accord: le Danemark est aujourd’hui contraint, comme avancé précédemment, de mettre davantage de monde au travail afin d’assurer la perennité de ses finances publiques à moyen/long terme et afin de répondre à un manque de main-d’oeuvre que la crise ne met que temporairement entre parenthèses. Le réservoir de main-d’oeuvre potentielle étant justement constitué par le dispositif de préretraite…Pas sûr pourtant que l’accord sera dénoncé suite à la réforme du marché du travail attendue pour l’automne 2009, aucune formation politique n’y semblant prête. L’accord sur l’Etat-Providence aura-t-il donc mené à une impasse?

A suivre…

(1) “Regeringens mål er opfyldt: 25 000 flere nydanskere fra ikke-vestlige lande er kommet i beskæftigelse siden 2004”, Ministère de l’Intégration, 6 avril 2009 http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Nyheder/Pressemeddelelser/Integrationsministeriet/2009/April/25000_nydanskere_kommet+i_arbejde.htm

(2) http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(3) http://www.skm.dk/tal_statistik/skatter_og_afgifter/510.html

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