Archives de Tag: Pension d’invalidité

Le temps partiel, botte secrète du modèle de flexicurité danois?

photoUn coup d’oeil aux statistiques Eurostat suffira sans doute à certains pour disqualifier le modèle de flexicurité danois. Le taux de chômage atteignait, selon l’organisme européen, 8,2% au Danemark à la fin de l’année 2010, soit seulement 1,5 pt de moins que la moyenne de l’UE à 27 (1). Quand bien même liée à la flexibilité qui caractérise le modèle, qui se traduit par une sensibilité particulièrement marquée aux évolutions conjoncturelles, l’ampleur de la dégradation de la situation de l’emploi est indéniable. Comparativement moins élevé qu’ailleurs, le chômage des jeunes commence également à faire mal.

L’efficacité du modèle de flexicurité ne saurait toutefois être fondamentalement remise en cause. Le propre de ce modèle n’est pas, contrairement à ce qui est souvent avancé (ou attendu), de prévenir le taux de chômage, qui a somme toute été  très fluctuant depuis l’introduction du pilier “activation” au début des années 90 (pic de chômage à 12,5% en 1993, niveau plus élevé en 2003 qu’aujourd’hui, avant une baisse continue vers son minimum historique avant l’apparition de la crise en 2008).

Le propre du modèle est, comme nous l’avons vu dans de précédents articles (“Le secret derrière la flexicurité” et “La flexicurité danoise, encore et toujours”), de favoriser une mobilité source de dynamisme, de renforcer non pas la sécurité de l’emploi mais l’employabilité des individus, et de limiter la part des emplois dits “atypiques” (CDD, intérimaires…) tout en offrant aux individus concernés un niveau de protection sensiblement égal à la norme représentée par le CDI.

Sans compter une autre caractéristique essentielle, à savoir l’existence d’un taux d’emploi, certes affecté par la crise, mais comparativement élevé (moyenne UE de 64,6% en 2009, contre 64,1% en France et 75,7% au Danemark, soit la 2ème place au sein de l’UE à 27 après les Pays-Bas) (2).

La véritable question est donc de savoir comment un pays comme le Danemark atteint un taux d’emploi aussi élevé, taux qui sera d’ailleurs amené à progresser davantage notamment dans le cas où le gouvernement actuel parvient, comme il le propose, à supprimer progressivement le dispositif de préretraite.

On aborde ici une des faiblesses souvent avancée sur le modèle de flexicurité danois: la place prise par certains dispositifs sociaux contribuant à écarter un certain nombre d’individus du marché du travail. Des dispositifs qui occupent une place comparativement plus importante que dans les autres Etats membres de l’UE (la pension d’invalidité englobe environ 10% de la population en âge de travailler, le dispositif de préretraite entre 4 et 5%), mais qui font aujourd’hui l’objet de profondes réformes et qui n’empêchent donc pas le Danemark d’occuper le haut du classement en termes de taux d’emploi.

La première et principale explication tient à la présence massive des femmes sur le marché du travail (taux d’emploi de 73,1% en 2009 selon Eurostat, contre seulement 60% en France) (3).

En y regardant d’un peu plus près, le partage du travail semble également jouer un rôle non négligeable. Une partie croissante de la population ne travaille en effet pas à temps plein (norme de 37 heures telle que définie par les conventions collectives). Le ministère de l’Emploi indiquait récemment que la part des emplois à temps partiel est passée de 22 à 26% entre 1999 et 2009 (4). 15% des hommes présents sur le marché du travail seraient concernés par ce type de contrat contre 38% des femmes. Autant dire, comme souligné par de nombreux économistes, que le Danemark dispose de “réserves” significatives pour faire face au retour attendu du manque de main-d’oeuvre à moyen/long terme…

Part représentée par l’emploi à temps partiel au sein de l’UE

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Source: Eurofound/Eurostat

Toujours selon le ministère de l’Emploi, qui se base sur une étude réalisée par Eurofound, le temps partiel serait choisi dans la grande majorité des cas, reflétant un équilibre entre travail et vie de famille pour lequel les Danois sont bien connus.

La même étude indique que le Danemark se situe donc au-dessus de la moyenne UE (18,8%) en termes de part représentée par l’emploi partiel, la France se situant légèrement en-dessous. Le Danemark reste néanmoins bien loin derrière les Pays-Bas (48%), dont le taux d’emploi (77%) et le taux de chômage (4,3% en février 2011 selon Eurostat) prennent soudain une toute autre signification (5). Ouf! le Danemark n’est donc pas le plus grand “tricheur”…

(1) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=en&pcode=teilm020&tableSelection=1&plugin=1

(2) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&language=en&pcode=tsiem010&tableSelection=1&footnotes=yes&labeling=labels&plugin=1

(3) http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/refreshTableAction.do?tab=table&plugin=1&pcode=tsiem010&language=en

(4) http://bm.dk/Tal%20og%20tendenser/Ugens%20tema/Arkiv/2011/Uge%207.aspx

(5) Eurofound, “Part-time work in Europe”, http://www.eurofound.europa.eu/publications/htmlfiles/ef1086.htm

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Danemark: vers la fin de la retraite?

PC055114La question est un brin provocante. Elle illustre néanmoins les divergences croissantes dans les perspectives entourant les marchés du travail français et danois à moyen/long terme. En dépit d’une situation de l’emploi encore tendue (le taux de chômage est aujourd’hui compris entre 4 et 8% selon l’indicateur retenu), le Danemark se prépare depuis déjà quelques mois à l’avènement programmé de cette “ère post-chômage” dont il avait eu un bref avant-goût juste avant que la crise financière ne survienne.

Afin de s’y préparer et d’assurer la soutenabilité des finances publiques (comprenez préserver le niveau actuel d’Etat-providence), le Premier Ministre danois entend notamment supprimer le droit à la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans. Un droit introduit en 1979 et qui concerne aujourd’hui près de 130 000 Danois, soit près de 5% de la population en âge de travailler. L’accord passé en 2006 entre la plupart des formations politiques danoises, qui prévoyait notamment d’élever, entre 2019 et 2022, de 60 à 62 ans l’âge minimum pour en bénéficier, n’est en effet plus jugé suffisamment ambitieux.

âge moyen de départ effectif à la retraite

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Il s’agit pour le Danemark d’élever l’âge moyen de départ effectif à la retraite (61 ans), qui place le pays en milieu de peloton au sein de l’UE, et de rattraper le retard sur les autres pays nordiques, notamment la Suède, en termes de taux d’emploi des 60-64 ans. Le gouvernement propose ainsi de supprimer progressivement le dispositif de préretraite à partir de 2014 (avec une suppression effective en 2034) et d’élever l’âge de départ à la retraite dès 2019 avec pour objectif de le porter à 67 ans en 2022 et 68 ans en 2030 (1).

Si elle est adoptée, la réforme pourrait déboucher sur une hausse du nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité. On estime en effet qu’environ 20% des personnes allant perdre leur droit à la préretraite devraient être amenées à bénéficier, dans le cas où elles ne peuvent continuer à travailler, d’un dispositif censé les y conduire. La réforme a néanmoins le mérite de mettre fin à une particularité bien danoise qui est de payer des individus, souvent en bonne santé, pour quitter le marché du travail dès 60 ans (il est vrai qu’à l’origine, le dispositif avait pour objectif de lutter contre le chômage…).

Le principe de l’indexation de l’âge de départ à la retraite sur l’espérance de vie étant conservé, on estime aujourd’hui qu’un nouveau-né  sera appelé à partir en retraite…à 74 ans.

Les Danois semblent comprendre les enjeux associés à une telle réforme. Il faut dire qu’elle a été présentée dans des termes très clairs par le Premier Ministre, qui insiste sur l’impératif de ne pas laisser passer le taux d’activité brut sous la barre des 50%.

Les logiques traversant nos deux marchés du travail sont donc très différentes. Il n’est dès lors pas surprenant de constater que l’approche danoise sur le vieillissement de la population débouche sur l’envolée des exportations de “welfare technologies” et que les séniors soient régulièrement qualifiés “d’or gris”, alors que par contraste notre gouvernement annonce pour cette année une réforme de la “dépendance”.

Nous ne parviendrons à réduire ces divergences qu’en nous inspirant davantage des ressorts d’un modèle, la flexicurité, que nous croyons, à tort, bien connaître. En termes de retraites, il est également utile de rappeler que toute réforme, aussi ambitieuse qu’elle soit en termes de repoussement de l’âge légal de départ à la retraite, ne peut en aucun cas être déconnectée des questions d’emploi.

(1) http://fm.dk/Publikationer/2011/Vi%20kan%20jo%20ikke%20laane%20os%20til%20velfaerd.aspx

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Gestion de la crise: leçons danoises à tous les étages

PC275459Rien de tel qu’un début d’année pour se livrer au jeu des pronostics. De la même manière qu’il ne fallait pas être devin pour prévoir que 2009 serait une « année grise », il n’est pas difficile de prédire que 2011 sera une année de vérité : celle où les masques finiront par tomber. Pour l’UE, les difficultés actuelles pourraient bien se traduire par une implosion de fait en deux groupes bien distincts. Ceux (pays nordiques et Allemagne) qui auront pris la mesure des défis nés de la crise et les autres, condamnés à une interminable gueule de bois.

En annonçant, lors de son discours du Nouvel An, la  suppression progressive de la préretraite, le Premier Ministre danois a peut-être renversé une situation qui, dans les sondages, semblait désespérée dans la perspective des élections, attendues pour le printemps. Pas seulement parce qu’une claire majorité de la population, consciente des enjeux actuels, soutient précisément cette réforme, mais parce que cette dernière a subitement donné à une frange encore indécise de l’électorat un sens et une cohérence à l’ensemble de l’action gouvernementale depuis le déclenchement de la crise. Parmi les principes élémentaires suivis:

1) La mise à profit de la période 2004-2007, particulièrement favorable, pour diviser la dette publique par deux, permettant l’adoption d’un plan de relance ayant compté, en proportion du PIB, parmi les plus importants du monde développé.

2) La mise à profit des exercices de prospective lancés à intervalles réguliers (dans ce cas précis le “plan économie 2015”) pour relancer l’économie. Programmée dès 2007, la réforme de la fiscalité, entrée en vigueur au 1er janvier 2010, est sous-financée dans un premier temps tout en consolidant les finances publiques à plus long terme.

3) L’implication de l’ensemble de la population dans le plan de redressement des finances publiques (réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, plafonnement des allocations familiales, repoussement des allègements d’impôt accordés aux plus hauts revenus, réduction du salaire des ministres…).

4) L’annonce, depuis l’automne 2010, de réformes structurelles de long terme visant l’expansion du marché du travail, face au retour annoncé du manque de main-d’oeuvre: pension d’invalidité et aujourd’hui préretraite.

5) Le lancement complémentaire d’un nouvel exercice de prospective, le “plan économie 2020” incorporant ces réformes structurelles et appelé à inclure d’autres initiatives destinées à s’assurer de l’atteinte d’objectifs par avance définis. Une manière efficace de renforcer la cohésion nationale en mettant au point une cartographie des obstacles à surmonter sur le chemin menant à la préservation du niveau actuel d’Etat-providence…

En résumé, face à l’incontournabilité du “travailler plus nombreux, plus et plus longtemps”, les autorités danoises ont, en l’espace d’un an et demi, remis à plat le fonctionnement du service de l’emploi (communalisation des jobcenter, réforme du mode de placement des demandeurs d’emploi), incité au travailler plus en abaissant la fiscalité sur le travail, réduit de moitié la durée de perception des allocations chômage et annoncé leur intention d’interdire l’octroi d’une pension d’invalidité pour les personnes de moins de 40 ans et de supprimer la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans (avec comme objectif final d’augmenter l’âge de départ effectif moyen à la retraite, aujourd’hui de 61,3 ans).

Ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer la soutenabilité des finances publiques danoises à plus long terme. Le Conseil des Sages pointait cette semaine du doigt le risque d’un déficit public augmentant de manière constante entre 2020 et 2050, date à laquelle il serait proche de 3%. “Nous ne croyons pas qu’un déficit continuel évoluant autour de 3% du PIB pendant 30 ans soit tenable” estimait son directeur dans la presse (1). D’où l’utilité du “plan économie 2020”…

Les réflexions sont donc désormais clairement orientées sur le long terme et la correction des déséquilibres qui risquent de survenir. Par contraste, a t-on une idée des défis budgétaires que la France rencontrera après 2013, année marquée par le très hypothétique retour du déficit budgétaire sous la barre des 3%? A t-on une idée sur la manière de réduire l’écart de près de 200 milliards d’euros constaté avec l’Allemagne en termes de solde de la balance commerciale (2)?

(1) http://www.business.dk/oekonomi/underskud-forsvinder-ikke-med-efterloennen

(2) http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/01/07/commerce-exterieur-france-457-milliards-allemagne-141-milliards/

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Regroupement familial: le Danemark et le système à points

photoEncensé à travers le monde pour son modèle de flexicurité, le Danemark se distingue pourtant dans bien d’autres domaines que celui de l’emploi. Par exemple, la politique d’immigration, qui a sensiblement évolué depuis l’arrivée au pouvoir de la coalition parlementaire actuelle (2001). Une politique qui s’est notamment traduite par l’adoption, en 2002, de la fameuse règle des 24 ans, censée limiter le regroupement familial (dans le cas où un des deux conjoints vient d’un pays hors de l’UE et a moins de 24 ans) à travers l’obligation de remplir une série de critères (attachement au Danemark, ressources, logement…). Cette règle des 24 ans vient de faire l’objet d’ajustements dans le cadre de la Loi de Finances 2011. Des ajustements qui débouchent sur l’introduction d’un système à points inédit (1).

Concrètement, ce système est basé sur l’obtention d’un seuil minimum de points (120 pour ceux ayant moins de 24 ans, 60 pour les autres) à partir de la liste suivante de critères, qui sont, par ordre décroissant d’importance, la formation, l’expérience professionnelle, la maîtrise d’une langue (danois, suédois, norvégien, anglais, français, espagnol ou allemand) et le respect de divers points (compétences linguistiques d’un plus faible niveau, engagement à ne pas s’installer dans un ghetto, volontariat dans le domaine humanitaire…).

Le thème de l’immigration déchaînant facilement les passions et étant également souvent marqué du sceau du politiquement correct, il est important de faire preuve, autant que faire se peut, d’objectivité.

Le premier constat qui découle de ce système à point est qu’il ne participe en rien à la “guerre” des religions. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le top 5 des nationalités concernées par le regroupement familial au Danemark au titre de l’année 2009: Thaïlande, Turquie, Philippines, Chine et Etats-Unis (2).

Deuxièmement, la sauvegarde de l’Etat-providence danois passant à l’avenir (tous les économistes s’accordent sur ce point) par la présence de davantage d’étrangers qualifiés sur le marché du travail, les autorités entendent s’assurer que tous les individus qui bénéficient du regroupement familial sont effectivement employables et contribuent activement au fonctionnement de la société danoise.

La nécessaire expansion du marché du travail constitue d’ailleurs, au-delà de ce système à points, le coeur des réformes qui vont être adoptées au Danemark au cours des prochaines années. Parmi ces réformes, celle de la pension d’invalidité, pour laquelle les étrangers d’origine non-occidentale sont clairement sur-représentés: ils bénéficient du dispositif en moyenne trois fois plus souvent que les Danois, le nombre de bénéficiaires explosant depuis 2005…(3).

Troisième constat, le durcissement de la législation dans le domaine de l’immigration a bien eu pour conséquence de réduire de près de moitié le nombre de regroupements familiaux, mais n’a en rien empêché le nombre d’étrangers présents sur le marché du travail danois d’exploser au cours de la même période (4).

Ces nouvelles règles sont largement critiquées. En dehors du Danemark (Parlement Européen notamment) mais aussi bien évidemment au sein de la société danoise. Gênée, l’opposition de gauche proposait un système à points alternatif basé sur l’obligation de remplir 2 des 5 conditions suivantes: avoir passé avec succès un examen en danois, avoir passé avec succès un examen en anglais, disposer d’une formation jugée pertinente, disposer d’une expérience professionnelle minimum de deux ans répondant aux besoins du marché du travail et…signer une déclaration selon laquelle l’individu concerné se dit disponible pour le marché du travail. L’opposition feint donc de ne pas voir que c’est d’une main-d’oeuvre étrangère exclusivement qualifiée dont le pays a besoin…

Finalement, la véritable question, et elle est de taille, est la suivante: revient-il à l’Etat de décider avec qui on peut faire sa vie? Que certains Danois répondent par l’affirmative ne doit surprendre personne, tant l’Etat-providence est partout présent. Il n’en reste pas moins que le Danemark reste donc un cas à part en termes d’immigration. L’avenir dira s’il a eu raison. En attendant, les autorités seraient bien inspirées de mettre le turbo en termes d’attractivité…

(1) www.nyidanmark.dk/NR/…/0/nye_tider_nye_krav_pointsystemet.pdf

(2) http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Statistik/SearchStatistics.htm?searchtype=statistics

(3) http://www.samspil.info/forside/vis+artikel?id=238

(4) http://www.berlingske.dk/politik/fire-gange-saa-mange-udlaendinge-i-danske-job

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A quand le retour du manque de main-d’oeuvre au Danemark?

P7161728Comment préparer le pays au retour du manque de main-d’oeuvre à moyen terme dans un contexte toujours marqué par les difficultés rencontrées par les jeunes diplômés à mettre le pied sur le marché du travail? C’est un des dillemmes auquel le gouvernement danois doit aujourd’hui faire face. Il en va tout simplement de la survie de l’Etat-providence, une fois considéré le fait que la disparition progressive du dispositif de préretraite, mais aussi la réforme de la pension d’invalidité, la maîtrise de la dépense publique ou encore l’éventuelle augmentation de la pression fiscale (qui ne peut être que limitée au vu de son niveau actuel) ne suffiront sans doute pas à assurer la soutenabilité des finances publiques après 2015 (1).

Le plus tôt la population danoise aura saisi l’importance des enjeux, le mieux ce sera. La préparation des prochaines élections générales, qui auront lieu d’ici novembre 2011, constitue une excellente opportunité, parallèlement au travaux du Forum de la Croissance (structure informelle de prospective chargée de formuler des propositions, d’ici le printemps 2011, afin de relancer la croissance), de débattre d’un thème sensible, qui fâche encore une partie des électeurs danois.

Il faut dire que l’immigration est un phénomène récent pour le Danemark et que la réputation du pays dans ce domaine tranche singulièrement avec celle du voisin suédois, en dépit des progrès notables réalisés en termes d’intégration des étrangers sur le marché du travail au cours de ces dernières années. La récente une du quotidien danois Jyllands-Posten (plus grand tirage du pays) résume d’ailleurs bien les enjeux.

imageLes peuples frères divisés sur les étrangers”, Jyllands-Posten, 15 septembre 2010

Il est à ce titre intéressant de rappeler qu’une des explications avancées par le Monde Magazine quant à la place numéro un occupée par le Danemark au classement du bonheur est la cohésion nationale. Un sentiment lié à l’existence d’une “tribu”, les Danois, et qui trouve une traduction politique assez forte depuis quelques années déjà.

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La frilosité du Danemark vis-à-vis des étrangers doit en effet beaucoup à la présence du parti nationaliste au sein de la coalition parlementaire au pouvoir depuis 2001. Les difficultés économiques tendent de plus (ici comme ailleurs!), à mettre les étrangers en première ligne. Le parti nationaliste danois vient par exemple d’exiger, dans le cadre des négociations entourant la Loi de Finances 2011, que les étrangers hors UE ne puissent plus percevoir de revenus de transfert de la part de l’Etat dès lors qu’ils n’ont pas payé d’impôts au Danemark pendant au moins 7 ans…(2).

La plupart des acteurs du monde économique ont néanmoins déjà saisi l’urgence de la situation, bien aidés en cela par diverses études récemment publiées par des groupes de réflexion. AErådet (think-tank rattaché à LO) indiquait par exemple qu’il manquerait 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au pays d’ici 2019 (3). Le renforcement de l’attractivité du pays est ainsi sur toutes les lèvres, les faiblesses du Danemark étant désormais bien identifiées: fiscalité peu favorable (y-compris pour les chercheurs), manque d’écoles internationales, difficultés administratives liées à l’omniprésence d’une langue, le danois, qui peut sembler difficile au premier abord, manque de logements étudiants…

De nombreuses initiatives venant compléter celles en place au niveau du secteur public sont donc en train d’être lancées afin de répondre à un besoin de main d’oeuvre étrangère qualifiée qui pourrait revenir très vite pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…). Certaines entreprises privées ont ainsi mis en place un consortium afin de coordonner les efforts dans ce domaine (4). Un projet de construction d’un Campus Universitaire vient également d’être lancé à Copenhague, avec pour objectif de retenir une plus grande partie des quelques 16 000 étudiants étrangers poursuivant chaque année des études dans le pays (5).

Recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée pour préserver le très spécifique modèle danois d’Etat-providence. C’est le paradoxe dans lequel le pays devrait selon toute vraisemblance à nouveau se trouver après l’avant-goût constitué par la période 2006-2008. La première étape passe par le renforcement de son attractivité. Ne soyez donc pas étonnés d’entendre parler un peu plus du Danemark dans les années à venir…

(1) Le taux d’imposition sur le revenu du travail était de 48,3% en 2008. Il a depuis été abaissé, mais reste le plus élevé du monde.

(2) http://politiken.dk/politik/1060676/df-nul-ydelser-til-indvandrere-i-syv-aar/

(3) www.ae.dk/files/AE_okonomiske-tendenser-2009.pdf page 68.

(4) Consortium for Global Talent www.investindk.com/visNyhed.asp?artikelID=23515

(5) ThinkTankTalent www.thinktanktalents.dk/ThinkTankTalents/CPH_Campus.html

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La flexicurité danoise, encore et toujours

20100612_163203_363La critique des pays scandinaves et devenu pour certains un véritable sport. On feint ainsi de découvrir que la crise ne les aurait pas épargnés (comme l’aurait-elle pu au vu du degré d’ouverture des économies concernées?). Mais le comble est que cette critique, au lieu de pointer les véritables zones d’ombre des modèles en question, préexistantes aux difficultés du moment, se concentre malencontreusement sur leurs points forts, dont il n’est jamais trop tard de s’inspirer. C’est ainsi qu’après avoir, sans analyse aucune, décerné au Danemark le titre de « premier gréviculteur de l’UE », Philippe Askenazy, directeur de recherches au CNRS, en remet une couche, cette fois-ci sur le thème de la flexicurité (1).

L’article en question, intitulé « La flexsécurité à la peine », et basé sur les seules statistiques d’Eurostat, suggère que la crise au Danemark, marquée par un taux de chômage proche de 7% au niveau national (12% pour les moins de 25 ans), vient à ce point confirmer les doutes sur l’efficacité réelle du modèle de flexicurité qu’il y a « de quoi interroger le sens des réformes menées en France depuis dix ans », réformes qui s’en seraient prétendument inspirées.

Il est vrai que la dégradation de la situation de l’emploi est particulièrement marquée au sein des pays nordiques en général et au Danemark en particulier. A 6,9% en juillet 2010, le taux de chômage danois a fait plus que doubler depuis l’automne 2008. Un constat qui ne doit pas étonner. C’est en effet le propre du modèle de flexicurité d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, quelles qu’elles soient. Entre 1993 et 2008, les statistiques officielles danoises indiquent ainsi que le taux de chômage est passé de 12,5 à 1,6%. Ne serait-il pas instructif d’analyser les raisons d’une évolution aussi favorable?

Les statistiques de l’emploi actuelles indiquent par ailleurs que les séniors danois ont été largement épargnés par la crise. Le taux d’emploi des 55-59 ans (80,3%) reste ainsi supérieur à la moyenne nationale (76,9%). Le taux d’emploi des 60-64 ans, plus faible (43,4%), a même légèrement progressé entre 2008 et 2009 (2). Il faut dire que l’emploi des séniors a fait l’objet ces dernières années à l’adoption d’une large palette de mesures: retraite volontaire à 70 ans, amélioration des conditions de cumul emploi-retraite, incitations fiscales, meilleure prise en compte dans le cadre des conventions collectives, campagnes de sensibilisation…

Le chômage des jeunes est certes en progression mais le Danemark reste le meilleur élève de l’UE dans ce domaine. Dans une note publiée en février 2010, l’OCDE attribuait ce résultat à l’habitude prise par les étudiants danois de combiner emploi et études (ce qui renforce leur employabilité), à l’efficacité du système de formation professionnelle, notamment basé sur une interaction constante entre employeurs et partenaires sociaux, et à l’accent mis par les autorités danoises, depuis le début de la crise, sur les jeunes sans qualifications (3).

La stabilité de la part représentée par les emplois dits « atypiques » (CDD, intérimaires, indépendants), environ 15% du total de la main-d’œuvre présente sur le marché du travail, s’accompagne de plus d’un niveau de protection et d’avantages similaire aux emplois « normaux » dans la mesure où ce type d’emplois est souvent en partie régulé par les conventions collectives (4). La part représentée par les CDD est même orientée à la baisse.

Le niveau des salaires est tel qu’il permet de contenir le nombre de travailleurs pauvres, tandis que celui de l’allocation chômage (2180 euros avant impôt) tend à dédramatiser la période passée sans emploi. Enfin, si l’emploi à temps partiel est orienté à la hausse (27% de la main-d’œuvre est concernée), il n’est que faiblement subi (5).

Selon Philippe Askenazy, « même si le chômage de longue durée demeure contenu, les institutions ne semblent pas capables de tenir la promesse d’assurer une fluidité du marché du travail ». C’est en partie vrai à court terme, mais entièrement erroné face à la perspective du retour du manque de main-d’œuvre qualifiée, qui pourrait, pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…) s’avérer très rapide. Selon AErådet, groupe de réflexion rattaché à LO, la principale confédération syndicale danoise, il manquera quelque 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au Danemark en 2019…

C’est en prévision de cette entrée attendue dans une ère post-chômage, dont le pays a eu un avant-goût en 2007 et en 2008, que doivent être appréhendées les récentes réformes entourant le fonctionnement du service public de l’emploi. La décision de confier aux seules communes la gestion des jobcenter (août 2009) et la simplification du mode de placement des chômeurs (premier trimestre 2010) débouchent en effet sur la rationalisation de l’effort accompli en termes d’aide au retour à l’emploi, l’objectif final étant de favoriser l’expansion du marché du travail.

En laissant entendre que la « flexicurité à la française » est en ce moment même en construction, Philippe Askenazy fait l’erreur, emprunte de naïveté, de confondre le discours de nos hommes politiques avec leurs actes. La fusion ANPE-Unedic est ainsi inspirée du « modèle » anglais (les jobcenter danois ne s’occupent en aucun cas des questions d’indemnisation, confiée aux caisses d’assurance-chômage, afin de consacrer toutes leurs ressources l’aide au retour à l’emploi). Deuxième exemple, l’offre raisonnable d’emploi. Alors que les autorités françaises ont tenu, en 2008, à en préciser la définition, le Danemark avait, depuis quelques années déjà, initié le mouvement inverse. La réforme de la représentativité syndicale n’incitera enfin pas nécessairement les organisations françaises à faire preuve de davantage de responsabilité, comme l’indique le débat actuel sur les retraites. On ne peut à ce titre que déplorer le gouffre constaté en termes de taux de syndicalisation entre nos deux pays (environ 60 pts de pourcentage!).

Il reste donc à espérer de la part de nos élites, notamment celles appartenant au monde académique, une attitude plus constructive. Dénoncer un modèle sur la base de bien maigres statistiques afin de mettre en garde contre des politiques menées au niveau national qui ne s’en inspirent que de manière très marginale n’a en effet pas beaucoup de sens. La flexicurité danoise a bien évidemment des limites (le taux de couverture moyen des allocations chômage n’est plus que de 50%, les politiques visant à réduire le nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité, qui regroupe 7% de la population en âge de travailler, ont échoué, le dispositif de préretraite pèse sur les finances publiques…), mais aussi des forces qui valent plus que jamais la peine d’être étudiées.

Les Danois ne semblent en tous les cas pas douter du bien-fondé de leur modèle de marché du travail. Selon Christian Lyhne Ibsen, Chercheur au Centre de recherche sur les relations de travail (FAOS) de l’Université de Copenhague, « les Danois ne manifestent, dans une très grande majorité, aucune inquiétude au sujet de l’emploi, ce sentiment de sécurité étant, somme toute, une preuve tangible du bien-fondé de la flexicurité » (6).

(1) www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/24/la-flexsecurite-a-la-peine_1402141_3232.html

(2) Données Danmarks Statistik (Statistikbanken)

(3) www.oecd.org/document/40/0,3343,fr_33873108_33873309_44290024_1_1_1_1,00.html

(4) Flexicurity and atypical employment in Denmark, CARMA 2009. www.epa.aau.dk/fileadmin/user…/2009-1-Kongshoej_m-fl.pdf

(5) Danmarks Statistik, Arbejdskraftundersøgelsen, 2 septembre 2010

(6) http://ldf-acc-front1.heb.fr.colt.net/revues/grande-europe/focus/15/danemark.-flexicurite-prise-revers-par-crise.shtml

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Le Danemark, la sortie de crise et la préretraite

SPM_A1360En France comme au Danemark, aucune mesure d’austérité ne sera prise cette année afin de ne pas affaiblir une reprise encore bien fragile. C’est donc à partir de 2011 que l’envolée des déficits budgétaires et des dettes publiques de nos deux pays devra, d’une manière ou d’une autre, être corrigée. Seule certitude pour le moment, les prélèvements obligatoires ne seront pas augmentés, en tous les cas pas avant les prochaines élections. C’est plutôt du côté de la dépense qu’il faudra donc, au moins dans un premier temps, faire des efforts. A ce propos, l’objectif d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 passerait par une progression des dépenses des administrations publiques limitée à celle de l’inflation entre 2011 et 2013.

Mais aucun Etat membre de l’UE ne fera l’économie de réformes structurelles visant à assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen/long terme. 3 des économistes danois les plus distingués viennent ainsi de lancer un appel visant à se concentrer sur cette problématique, plutôt que d’être obnubilé par le seul objectif d’un retour sous la barre des 3% en 2013.

imageDepuis que l’ampleur des défis nés de la crise en termes de préservation du niveau d’Etat-providence est à peu près connue, un des thèmes qui revient souvent dans les débats au Danemark est celui de la préretraite, dont il est aujourd’hui possible de bénéficier à partir de l’âge de 60 ans. Pour certains, la suppression pure et simple du dispositif est le prix que le Danemark devrait payer pour la crise (le PIB a reculé de 5,1% en 2009, soit autant qu’avec son premier partenaire commercial, l’Allemagne, mais davantage que la moyenne UE). La préretraite serait ainsi un luxe que le pays ne pourrait plus se permettre dans l’optique de sauver son modèle social.

Les résultats obtenus en termes de taux d’emploi des séniors sont satisfaisants, mais restent moins bons que dans les autres pays nordiques en raison de l’existence, depuis 1979, de ce dispositif de préretraite, qui rassemblait, en janvier 2010, près de 138 000 personnes. Les deux tiers des bénéficiaires seraient en mesure de travailler (1).

Or, continuer à proposer (pour un montant équivalent à 90% de l’allocation chômage pour ceux désirant bénéficier du dispositif entre 60 et 62 ans, à 100%, soit 2200 euros par mois, à partir de 62 ans, pour un coût total annuel proche de 2,5 milliards d’euros), à des individus souvent en bonne santé, de quitter la vie active a d’autant moins de sens, à un niveau purement économique, que chacun s’accorde sur le fait que la sauvegarde de l’Etat-providence passe par l’expansion du marché du travail (2).

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Les autorités danoises ont récemment estimé le besoin de consolidation des finances publiques à 3,3 milliards d’euros afin de revenir à un déficit budgétaire inférieur à 3% d’ici 2013 (3). La suppression du dispositif de préretraite permettrait donc d’accomplir une bonne partie du chemin. Comment alors expliquer le refus d’une majorité, tant au sein du gouvernement qu’au sein de l’opposition, de franchir le pas?

– L’accord sur l’Etat-providence de 2006 est notamment basé sur le relèvement, entre 2019 et 2022, de l’âge minimum de départ en préretraite de 60 à 62 ans (à raison de 6 mois par an). Or, l’accord intervenu fut le résultat de ce qui passe dans notre pays comme une anomalie: un large consensus. Les partis signataires de cet accord (ceux formant la coalition parlementaire au pouvoir et les sociaux-démocrates) estiment avoir pris auprès des Danois un engagement que la crise actuelle ne saurait remettre en cause.

– La population danoise considère quant à elle la préretraite comme un acquis social que les durcissements législatifs intervenus depuis 1979 ne sont pas parvenus à remettre en cause. Surtout, le principe du libre choix de l’âge de départ à la retraite est aujourd’hui largement partagé. C’est dans ce cadre que doivent être appréhendés l’adoption de la retraite volontaire à 70 ans et la possibilité donnée de repousser l’âge à partir duquel il est possible de percevoir la retraite d’Etat (Folkepension) et la retraite complémentaire (ATP) jusqu’à 75 ans, moyennant des montants plus avantageux.

– La situation actuelle des finances publiques (la dette publique est proche de 40%) laisse encore des marges de manoeuvre au gouvernement actuel et ne justifie pas de prendre un trop grand risque à un an et demi des prochaines élections. Le bilan d’Anders Fogh Rasmussen est controversé, mais beaucoup se félicitent aujourd’hui du fait que la dette publique ait été divisée par deux entre 2004 et 2007, avec l’aide des recettes tirées de l’exploitation du pétrole en Mer du Nord, mais pas seulement. La période 2004-2007 est d’ailleurs à bien des égards particulièrement riche d’enseignements.

Dans ce contexte, c’est plutôt la pension d’invalidité, qui rassemble encore plus bénéficiaires (environ 245 000), qui fera bientôt l’objet de toutes les attentions. Il s’agirait de ne plus l’accorder que sur une base temporaire. Mais quelle que soit la décision prise, d’autres thèmes ne manqueront pas d’être abordés (allocation chômage, allocation étudiante…). La sauvegarde du modèle danois passe plus que jamais par la poursuite du principe de réforme permanente. Raison de plus de suivre le Danemark de près au cours des prochains mois…

(1) Données ministère de l’Emploi http://bm.dk/Tal%20og%20tendenser/Noegletal.aspx

(2) Il faut rappeler que pour pouvoir bénéficier de la préretraite au Danemark, il faut avoir été membre d’une caisse d’assurance-chômage et avoir versé, pendant trente ans, une cotisation spécifique d’un montant annuel proche de 670 euros en 2010 http://www.ca.dk/efterloen/3100.html

(3) Programme de convergence 2009 du Danemark http://fm.dk/Publikationer/2010/Danmarks%20konvergensprogram%202009.aspx

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La flexicurité danoise nouvelle version: le concept de « mobication »

SPM_A1606Qu’après les deux cas particuliers constitués par l’Espagne (taux de chômage proche de 20%) et l’Irlande (durement touchée par la crise financière), le Danemark apparaisse en troisième position parmi les pays développés lorsqu’il s’agit de mesurer l’ampleur de la hausse du chômage (en points de pourcentage) intervenue depuis l’automne 2008 n’a rien de surprenant (1). C’est en effet le propre du modèle de flexicurité, caractérisé par une forte flexibilité, d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, qu’elles soient positives ou négatives. Pourtant, loin de se contenter de l’existence d’un modèle de marché du travail largement à la base d’une adaptation souvent jugée réussie à la mondialisation, le Danemark entend aujourd’hui lui faire prendre une nouvelle dimension.

– Si l’ère Anders Fogh Rasmussen (2001-2009) a été marquée par une décrue historique du chômage, cette dernière n’a pas été accompagnée par une réduction du nombre de personnes autrement exclues du marché du travail (personnes bénéficiant notamment d’une préretraite ou d’une pension d’invalidité). Or, afin de garantir la soutenabilité des finances publiques à moyen-long terme, le pays compte sur l’expansion du marché du travail. C’est dans cette optique que doit être comprise la réforme, qui entrera en vigueur au mois d’avril, du mode de placement des demandeurs d’emploi (2). Il s’agit en effet de pouvoir identifier de manière plus précise qu’actuellement les personnes étant en mesure de retourner, même de manière limitée, sur le marché du travail.

– Le pays se refusant à avancer dans le temps les dispositions contenues dans l’accord sur l’Etat-providence de 2006 en termes de préretraite ou à supprimer carrément le dispositif, une réforme des conditions d’octroi de la pension d’invalidité (environ 240 000 personnes concernées aujourd’hui, soit 7% de la population en âge de travailler) est prévisible. Cette dernière ne serait ainsi plus qu’accordée sur une base temporaire.

– Surtout, le Danemark entend renforcer sa compétitivité, aujourd’hui affaiblie en raison du niveau des salaires, en faisant passer la flexicurité à un autre stade, celui de la “mobication”.

Le terme, conjointement attribué à Ove Kaj Pedersen, professeur à l’Ecole de Commerce de Copenhague (CBS) et à Søren Kaj Andersen, Directeur du FAOS (Employment Relations Research Center, Université de Copenhague), résulte de la contraction des mots “mobilité” et “éducation”.

Le modèle qu’il désigne serait ainsi basé sur le recours systématique au développement des compétences dans le but de renforcer la mobilité sur le marché du travail, l’objectif étant de faire face aux défis structurels en cours et à venir (division du travail au niveau international, impact des nouvelles technologies sur le marché du travail, changements démographiques, incontournabilité des questions climatiques…).

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La flexibilité du modèle serait ainsi renforcée par l’orientation de la main-d’oeuvre vers les branches dynamiques en termes d’emploi (ou celles manquant de main-d’oeuvre), tandis que le volet sécurité se verrait quant à lui développé par la systématisation d’une formation continue dont les Danois ont déjà largement saisi l’intérêt puisqu’elle concourt à renforcer leur employabilité (4).

Géré de manière tripartite (Etat, patronat et syndicats), le système danois de formation continue occupe en effet une place incontournable dans le modèle actuel de marché de l’emploi. 51% des 25-64 ans ont par exemple suivi une forme ou une autre de formation entre 2007 et 2008 (5).

Sans surprise, l’accueil réservé par le monde syndical au concept de “mobication” est largement positif (6). Il l’est d’autant plus qu’en tirer pleinement parti suppose des efforts particuliers en faveur du système éducatif. Or l’éducation est vue par les organisations syndicales comme la voie de sortie de crise par excellence. Il s’agirait donc pour le Danemark de rendre son système éducatif plus flexible (en développant notamment les équivalences et les passerelles entre les différentes formations proposées) et davantage basé sur le mérite, à travers le renforcement des formations dites élitistes au sein des universités (“eliteuddannelser”) qui ont vu le jour suite à la stratégie mondialisation de 2007.

Le timing entourant la présentation du concept de mobication ne doit rien au hasard et s’accorde avec les défis nés de la crise. Commentant cette nouvelle version du modèle de flexicurité, Søren Kaj Andersen avait récemment les mots suivants: “Nous sommes contraints d’analyser les dynamiques permettant d’assurer l’existence d’un marché du travail le plus large possible à l’avenir. Dans le cadre de l’ancien modèle de flexicurité, il s’agissait en grande partie de voir ce qui se passait lorsqu’une personne était touchée par le chômage (indemnisation et activation). Dans la nouvelle variante, l’accent est mis sur ce qui se passe pour chaque personne en activité dans le but de s’assurer qu’elle dispose du plus grand nombre de possibilités d’emploi dans le contexte d’un marché du travail changeant et exigeant” (7). Une version donc plus active du modèle actuel…

(1) Selon les statistiques officielles danoises, le taux de chômage serait passé, depuis l’été 2008, de 1,6 à 4,3%, soit une augmentation de 2,7 pts. Eurostat avance pour sa part, de manière plus réaliste, une évolution de 2,3 à 7,4%, soit une hausse de 5,1 pts.

(2) Direction du Marché du Travail: http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

(3) “De nordiske landes konkurrencedygtighed – fra flexicurity til mobication” FAOS, 26 janvier 2010 http://faos.ku.dk/nyheder/de_nordiske_landes_konkurrencedygtighed/

(4) “62% des salariés danois jugent la formation continue efficace contre la crise; seuls 18% des Français partagent cet avis” Le quotidien de la formation, 12 octobre 2009 http://www.formation-continue.fr/article.php3?id_article=699

(5) Danmarks Statistik, septembre 2009 http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2009/NR403.pdf

(6) “Den nye danske model” Ugebrevet A4, numéro 6, 15 février 2010 http://www.ugebreveta4.dk/2010/201006/Baggrundoganalyse/Den_nye_danske_model.aspx

(7) “Fremtiden er mere uddannelsehttp://www.uddannelsesforbundet.dk/

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Le rapport final de la commission emploi et le « forum de la croissance » ou les deux boussoles de l’économie danoise

SPM_A0562La stabilisation de la situation économique aidant, l’heure est à la relance des exercices de prospective. La plupart des économistes étant visiblement incapables de prévoir le déclenchement de crises comme celle que nous traversons, il serait facile de remettre en cause la pertinence de la mise au point d’un “plan économie 2015” et encore plus d’une “France 2025” d’autant plus énigmatique que l’échéance est éloignée (1). La vérité est pourtant que de tels exercices, à condition de rester basés sur des projections de moyen terme (une décennie au plus), sont indispensables. En supprimant en 1992 les plans quinquennaux (dans le cadre du Commissariat au Plan), la France s’est privée d’un instrument précieux. Avec les conséquences fâcheuses que nous connaissons tous: une gestion des affaires au jour le jour, qui nous empêche notamment de saisir que la série de déficits budgétaires constatée depuis trente ans ne peut se poursuivre indéfiniment.

En rendant ses conclusions le 20 août dernier, la commission emploi ne rentre pas à proprement parler dans la catégorie des exercices de planning stratégique. Elle offre néanmoins au Danemark les clés de l’expansion de son marché du travail, seule voie possible pour assurer la soutenabilité des finances publiques et donc du niveau d’Etat-providence à moyen terme, dès lors que la piste de l’augmentation des prélèvements obligatoires est écartée (2). Autrement dit, la mise en oeuvre des recommandations de la commission emploi constituent la condition sans laquelle tout exercice de prospective un tant soit peu ambitieux est voué à l’échec. Parmi ces recommandations:

La suppression progressive du dispositif de préretraite. Créé en 1979 pour faire face à la montée du chômage, ce dispositif, ouvert aux personnes ayant entre 60 et 65 ans, est un luxe que le Danemark ne peut plus se payer. En dépit des nombreux durcissement dont il a fait l’objet, un individu en bonne santée (deux tiers des bénéficiaires seraient ainsi capables de poursuivre une activité professionnelle) peut ainsi percevoir 832 000 couronnes danoises (environ 110 000 euros) entre 60 et 65 ans de la part de l’Etat danois sans aucune autre obligation que d’en reverser une partie au titre de l’impôt sur le revenu.

Le raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage. Aujourd’hui fixée à 4 ans, elle est une des plus élevées au sein de l’OCDE. La commission emploi préconise ainsi un système flexible ou la durée de perception oscillerait entre 2 et 3 ans en fonction de la conjoncture sur le marché de l’emploi. Afin d’inciter davantage de gens à s’assurer contre le chômage, le montant de la cotisation à une caisse d’assurance-chômage serait de plus divisé par deux.

L’octroi d’un “bonus” de 10 000 couronnes (1350 euros) aux étudiants obtenant leur licence trois ans après le baccalauréat. Une manière d’abaisser l’âge moyen de fin d’études, qui atteint 28 ans au Danemark. Un bonus qui vient donc s’ajouter à l’allocation étudiante (SU), versée en principe pendant jusqu’à 70 mois et  fixée à 2574 couronnes (345 euros) dans le cas où l’étudiant vit chez ses parents, à 5177 couronnes (695 euros) lorsqu’il dispose de son propre logement (revenu imposable) (3).

La mise en place d’une alternative à l’octroi d’une pension d’invalidité permanente. Il est en effet contre-productif de constater qu’une partie des quelques 240 000 bénéficiaires de la pension d’invalidité voient leurs capacités s’améliorer sensiblement, au point parfois de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

Le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, à travers l’assouplissement des règles entourant la délivrance de permis de travail, est également citée par la commission emploi. Son impact serait toutefois marginal en termes de contribution au financement de l’Etat-providence.

Mises en oeuvre dans leur totalité, les 44 propositions de la commission emploi permettrait d’apporter 27 milliards de couronnes (3,6 milliards d’euros) supplémentaires par an à l’Etat danois. Un montant presque deux fois plus élevé que le manque de financement actuel, estimé à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Seul problème, la situation tendue sur le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 3,7% en juillet, 5,9% selon Eurostat), qui ne se prête donc pas à l’adoption de telles réformes. Le gouvernement entend donc se donner du répit jusqu’à 2011, année des prochaines élections parlementaires.

Un répit mis à profit pour donner naissance à une nouvelle forme d’exercice de prospective: le “Forum de la croissance”, dont les membres viennent d’être nommés (4). Ce dernier remplace ainsi le Conseil de la mondialisation, à l’origine de la fameuse “stratégie mondialisation” de 2006 (5). L’objectif est de préparer l’économie danoise à une série de défis: renforcement de la compétitivité du pays, soutenabilité des finances publiques, expansion du marché du travail, adaptation du système éducatif à la mondialisation, croissance verte…

L’idée d’un “Forum de la croissance” est intéressante à plus d’un titre. Elle se distingue à de nombreux égards de la mise en place dans notre pays d’une énième commission chargée de définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt national (6).

Dans sa composition tout d’abord, puisque tous les secteurs qui comptent sont représentés (par contraste, il est difficile de ne pas remarquer en France l’absence de tout représentant du monde syndical ou de tout entrepreneur…) avec un clair penchant vers le monde de l’entreprise dans un cas (Danemark) contre une claire surreprésentation de fonctionnaires d’Etat dans l’autre (France). L’occasion de souligner qu’aussi brillants que soient nos énarques, ils n’ont pas toujours le sens des réalités. Sans compter que les deux personnalités chargées de présider la commission sur l’emprunt sont deux “vieux grognards” qui ne sont certainement pas les mieux placés pour offrir une vision d’avenir…

Dans son fonctionnement ensuite: le “Forum de la croissance” ne rendra pas de rapport. Composé de personnalités aux orientations politiques très variées, son but est de tester les idées et propositions de chacun des intervenants.

La France est donc plus que jamais prisonnière de ses vieux shémas de pensée. L’élection, en 2007, du locataire actuel de l’Elysée, est d’autant plus regrettable qu’elle n’a fait qu’accentuer les traits culturels et les habitudes néfastes à la base des difficultés rencontrées par notre pays. Le plus longtemps nous éviterons de nous regarder dans le miroir, plus dure sera la chute…

(1) https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/10/05/france-2025-versus-danemark-2015/

(2) http://www.amkom.dk/media/22520/2k_pixi_velfaerd_kraever_arbejde.pdf

(3) http://www.su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx

(4) http://stm.dk/_p_12918.html

(5) http://www.globalisering.dk/page.dsp?page=259

(6) http://www.liberation.fr/politiques/0101587131-la-composition-de-la-commission-sur-l-emprunt

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La sauvegarde de l’Etat-providence: le défi numéro un pour l’économie danoise

SPM_A0033La publication la semaine dernière des dernières prévisions économiques du Ministère des Finances danois ne laisse plus de place au doute: le Danemark n’est pas moins affecté par la crise que ne le sont les autres Etats membres de l’UE (1). Les prévisions gouvernementales tablent en effet désormais sur un recul du PIB compris entre 2,5 et 3,5% en 2009 après celui de 1,1% enregistré en 2008. Seule éclaircie dans le contexte actuel, la perspective d’une légère reprise pouvant atteindre, dans le meileur des cas, 1% en 2010. Parmi les autres indicateurs économiques:

2009 2010
Taux de chômage 3,6% 5%
Solde public (% du PIB) -1,3% -3,3%
Dette publique (% du PIB) 36,1% 38,8%
Exportations -7,25% +1,25%
Revenu disponible des ménages +4,5% +2%
Consommation privée -1,25% +2,5%
Solde balance des paiements (% du PIB) 1% 0,75%

Une dégradation marquée de la situation qui ne saurait éclipser le fait que le pays a tout de même la chance de pouvoir profiter de la politique d’assainissement des finances publiques menée sous l’ère Anders Fogh Rasmussen. Comme le rappelait cette semaine le quotidien Børsen, le Danemark a tiré parti des marges de manoeuvre dont il disposait au moment de l’éclatement de la crise pour mener une politique budgétaire expansionniste caractérisée notamment par le sous-financement initial de la réforme de la fiscalité ou par l’autorisation donnée aux Danois de recourir à une partie de leur épargne-retraite (2). D’où la croissance historique du revenu disponible des ménages en 2009 et le redémarrage espéré de la consommation privée qui pourrait en résulter en 2010. Le moins que l’on puisse dire est que certains pays n’ont pas la chance d’être dans la même situation, la France étant par exemple désormais contrainte de mener une politique de rigueur susceptible de ralentir la sortie de crise…

Dans ce contexte, le véritable défi pour l’économie danoise, au-delà de la crise actuelle, est constitué par la conservation à moyen terme d’un niveau d’Etat-Providence proche de celui constaté aujourd’hui en dépit d’évolutions démographiques défavorables. Le problème étant que le financement de cet Etat-Providence se heurte à deux contraintes majeures:

1) La disparition progressive des recettes liées de l’extraction du gaz et du pétrole, recettes dont l’impact est souvent exagéré, sans toutefois être négligeable (3).

2008 2009 2010 2011 2012
Pétrole  (millions de m3) 16,4 15,0 15,7 15,2 14,1
Gaz (milliards de Nm3) 8,6 8,6 8,2 7,2 6,1

Le graphique ci-dessous montre en effet qu’à l’exception des années 2003 et 2004, les recettes liées à l’extraction du pétrole et du gaz en Mer du Nord (bleu foncé) n’ont jamais représenté plus de la moitié  des excédents budgétaires réalisés au cours de la période 1999-2007 (4).

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La disparition progressive de ces précieuses recettes est inévitable. Les premières à être épuisées seront celles de gaz. Mærsk estime en effet que les réserves actuelles seront taries d’ici un horizon de 10 à 12 ans (5). Les réserves pétrolières s’épuiseront un peu plus tard, mais ne pourront être remplacées par celles situées au Groenland puisque le statut d’autonomie renforcée dont il bénéficie à partir du 21 juin 2009 stipule que l’ensemble des ressources en hydrocarbures lui appartiendront à 100% (moyennant il est vrai la déduction de la moitié de ces éventuelles ressources du montant de subventions accordées aujourd’hui par le Danemark au Groenland).

2) L’impératif, conformément à la philosophie entourant le “plan économie 2015”, d’accroître le nombre de personnes présentes sur le marché du travail afin de compenser les effets du vieillissement de la population. Un impératif renforcé par la crise actuelle, qui tend à contracter la main-d’oeuvre totale (certains sont en effet incités, du fait de la crise, à quitter prématurément du marché du travail). Un impératif qui s’impose de lui-même, puisque les deux autres voies possibles pour assurer la pérennité des finances publiques à moyen terme, à savoir l’augmentation de la pression fiscale et la réduction du niveau des prestations, semblent inconcevables. La première en raison d’un taux de prélèvements obligatoires déjà élevé, estimé à 46,6% en 2009, la deuxième se heurtant au renforcement constant des attentes des citoyens danois vis-à-vis de leur Etat-providence.

Afin de sauvegarder son modèle, le Danemark est donc “condamné” à une fuite en avant permanente en termes d’expansion du marché du travail, et ce en dépit de la première place qu’il occupe déjà au sein de l’UE en termes de taux d’emploi (78% en 2008). Un objectif atteignable si l’on considère que ce même taux d’emploi avait dépassé les 80% au cours des années 80. Mais un objectif qui passe par une série de réformes impopulaires que la commission sur l’emploi devrait néanmoins proposer de mettre en oeuvre lors de la présentation de ses conclusions le 20 août prochain…

Il s’agit de réduire le nombre de personnes exclues aujourd’hui du marché du travail, ce qu’Anders Fogh Rasmussen n’a atteint que bien trop partiellement malgré les conditions très favorables constatées ces dernières années sur le front de l’emploi. Les chiffres sont connus: la population active danoise comptait fin 2008 légèrement plus de 2,8 millions d’individus, alors que 768 800 personnes âgées de 16 à 64 ans bénéficiaient au même moment d’un revenu de transfert de la part de l’Etat ou des communes (6).

48% des individus cités précédemment sont soit en préretraite (près de 140 000 personnes concernées), soit en pension d’invalidité (235 000). D’où les propositions, incontournables, d’élever sans attendre (contrairement aux dispositions prises dans le cadre de l’Etat-providence de 2006, dispositions selon lesquelles il n’y aurait pas de changement en la matière avant…2019) l’âge à partir duquel un individu peut partir en préretraite (60 ans aujourd’hui) et de ne plus accorder des pensions d’invalidité que sur une base temporaire. Parmi les autres pistes envisageables: l’éventuelle réduction de la durée de perception des allocations chômage (4 ans aujourd’hui), la lutte accrue contre les arrêts maladie, l’instauration d’une allocation étudiante modulable en fonction du temps mis à terminer ses études, sans oublier le recours à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée.

Le contexte politique (les prochaines élections sont en principe programmées à l’automne 2011) n’est pas favorable à l’adoption de vastes réformes. Le Danemark a néanmoins déjà démontré à maintes reprises sa capacité à se remettre en cause au niveau économique. La dégradation des finances publiques est une occasion que le gouvernement serait bien inspiré de saisir pour convaincre les Danois de la nécessité de réformer le fonctionnement du marché du travail.  C’est à ce prix et à ce prix seulement que le Danemark évitera de “rentrer dans le rang”.

(1) Økonomisk Redegørelse Maj 2009, Ministère des Finances http://fm.dk/Publikationer/2009/~/media/Files/Publikationer/2009/OER%20maj%2009/OER_maj_09_web.ashx

(2) “Regeringen kunne have gjort mere” Editorial de Børsen, 27 mai 2009

(3) “Opdatering af Energistyrelsens 5års prognose for dansk olie- og gasproduktion” Energistyrelsen, novembre 2008 http://193.88.185.141/Graphics/Olie_Gas/Prognoser/produktionsprognoser/5aarsprognose-olie_gas_nov08.pdf

(4) Source: Energistyrelsen http://www.ens.dk/da-DK/UndergrundOgForsyning/Olie_og_gas/felter_produktion/Oekonomi/betydning/statindtaegt/Sider/Forside.aspx

(5) “Mærsk: Gas i Nordsøen 10-12 år endnu” Jyllands-Posten, 29 mai 2009 http://epn.dk/brancher/energi/olie/article1708514.ece

(6) “768 800 på offentlige forsørgelse blandt 16-64-årige” Danmarks Statistik, 25 mai 2009 http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2009/NR237.pdf A noter que sur ces 768 800 personnes, un peu plus de 80 000 sont bien présentes sur le marché du travail mais appartienent à la catégorie des emplois aidés.


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La flexicurité ne fait plus recette…en France

IMG_0300Encensé dans d’innombrables rapports et articles au cours de ces dernières années, le modèle danois de flexicurité est aujourd’hui superbement ignoré dans notre pays alors que le taux de chômage au Danemark n’a jamais été aussi bas (1,6%). D’un côté le gouvernement actuel fait mine de s’en inspirer mais en prend au final l’exact contrepied (fusion ANPE/Unedic, offre raisonnable d’emploi…), de l’autre le PS refuse d’en débattre (1).

3 raisons peuvent être avancées pour expliquer ce constat:

1) Etant donné qu’il est impossible, pour d’évidentes raisons historiques et culturelles, d’importer le modèle clé en main, autant le mettre de côté…Doit-on pourtant rappeler que tous les membres de l’UE se sont mis d’accord, fin 2007, sur huit principes communs de flexicurité?

2) Le modèle danois de marché de l’emploi est surfait: il n’y a qu’à consulter l’ouvrage de Jean-Luc Mélenchon (« En quête de gauche », paru en 2007) pour s’en convaincre…Ou du moins le document anonyme qui circule sur le net et auquel il a largement eu recours pour parvenir à ce constat (2). En cause le nombre de personnes bénéficiant de dispositifs qui les exclueraient opportunément du marché de l’emploi et donc éventuellement des statistiques du chômage. Avec des données remontant à 2004, donc ne prenant aucunement compte de la baisse significative de 67% du nombre de chômeurs entre 2003 et 2007…

Qu’en est-il réellement? Au mois d’août 2008, selon le Ministère de l’Emploi, 242 000 personnes bénéficiaient d’une pension d’invalidité, 145 000 personnes d’une préretraite (et dont on estime que les deux tiers pourraient travailler) et 92 000 personnes étaient en arrêt maladie (chiffre deux fois supérieur au nombre de chômeurs). Si l’on ajoute les dispositifs secondaires restant ainsi que les demandeurs d’emploi en activation (stages, formations…), ce sont au final environ 700 000 personnes (soit près de 20% de la population en âge de travailler) qui sont exclues du marché du travail (3).

Les limites du modèle sont certes ici touchées du doigt (surtout que ce chiffre est resté stable en dépit du manque de main-d’oeuvre qui prévaut depuis 2006-2007), mais une comparaison des taux d’emploi de nos deux pays pour 2007 débouche sur une conclusion sans appel: 64,3% pour la France, 77,1% au Danemark…De plus, peut-on vraiment comparer le nombre de préretraités dans nos pays respectifs lorsque les deux systèmes sont différents et que l’âge pour en bénéficier n’est pas le même? Doit-on rappeler qu’au Danemark l’âge légal de la retraite est de 65 ans?

3) Le modèle reste quoi qu’on en dise méconnu. Pour preuve, les nombreuses annonces selon lesquelles la fusion ANPE/Unedic contribuerait à nous rapprocher de la flexicurité danoise…(4). Un fait en complète contradiction avec les déclarations de Xavier Bertrand sur le lancement d’une initiative publique de la part de la Commission Européenne « afin de favoriser l’adhésion à ces principes et de sensibiliser les citoyens à la flexicurité, à la logique qui la sous-tend, à ses principales composantes et à ses conséquences. »…(5).

Le modèle danois est souvent réduit à un système mélangeant une dose de flexibilité (souhaitable pour les entreprises) et de sécurité (de généreuses allocations chômage). Une approche bien pratique qui permet de parler de flexicurité « à la francaise » lorsque des « réformettes » effleurent ces deux notions. Mais pas de quoi expliquer la baisse du taux de chômage de 12,8% en 1993 à 1,6% aujourd’hui…

Certains réfutent, peut-être à juste titre, ce dernier chiffre: en prenant en compte tous les bénéficiaires des allocations chômage, on parvient en effet à un taux de chômage « officieux » d’environ 5% (6). Mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs? Plus que l’efficacité brute du modèle, ce sont en effet les principes qui sont à sa base dont il est nécessaire de s’inspirer.

1) Des allocations chômage relativement généreuses dont la durée de perception n’a de cesse de baisser (10 ans dans les années 90, sans doute 2 ans en 2009) et qui, couplées avec des règles souples d’embauche et de licenciement, expliquent la forte mobilité de la main-d’oeuvre et le dynamisme du marché du travail qui en découle.

2) Une formation continue qui favorise l’adaptation du modèle aux impératifs de la mondialisation, ce qui est préférable à une protection improductive de secteurs de toute manière condamnés à la délocalisation (pas étonnant d’ailleurs que le débat soit inexistant sur ce thème, les danois en étant les champions nordiques).

Rappelons que la formation continue est un droit (les conventions collectives prévoient un minimum de deux semaines par an et par employé): le droit à une mobilité choisie, le droit de changer de secteur d’activité, le droit de devenir polyvalent et de s’épanouir sur le marché du travail. Rappelons également que 500 000 emplois restent non pourvus en France, un constat résultant également de l’inadéquation entre les qualifications des demandeurs et les offres proposées.

3) Un réel suivi des chômeurs, plutôt que la tentative, vouée à l’échec, d’approfondir la définition d’une offre « raisonnable » d’emploi pour le moins « irraisonnable » financièrement (7). C’est en tous les cas ce suivi des chômeurs qui semble être le facteur déterminant de la baisse du taux de chômage ces 15 dernières années.

4) Un taux d’emploi élevé, notamment pour les femmes et les séniors. N’est-il pas temps d’analyser les raisons d’une situation souhaitable car créatrice de valeur et susceptible d’assurer la pérennité des finances publiques?

Finalement, la question est la suivante: voulons-nous, en termes d’emploi, suivre le « modèle » britannique, comme privilégié par le gouvernement actuel (basé sur des outils comme le détecteur de mensonge), ou tendre vers les principes rationnels du modèle danois? Au Mouvement Démocrate de faire le bon choix…

(1) « Lors du séminaire de préparation à la présidentielle (16 décembre), le créateur du blog « Gonordisk » s’est fait vivement renvoyer dans ses cordes par la direction du PS (blog militant) », 31 juillet 2008 http://www.gonordisk.net/article-10570966.html

(2) http://travail-chomage.site.voila.fr/danois/dk_merite.htm

(3) Konjuktur og Arbejdsmarked Uge 32, 4-8 août 2008, page 5

http://www.bm.dk/graphics/Dokumenter/Uge-reviews/2008/Konjunktur_og_arbejdsmarked_uge_32.pdf

(4) Jean-Luc Bérard, Directeur Général de l’Unedic, « Ramener la durée moyenne du chômage à trois mois », Les Echos, 6 décembre 2007 http://archives.lesechos.fr/archives/2007/lesechos.fr/12/06/300224330.htm ou encore Bernard Brunhes, Spécialiste des relations sociales, Cabinet BPI « Les nouvelles mesures antichômage seront-elles efficaces? » Capital page 76, juillet 2008.

(5) « La mission européenne pour la flexicurité présentée aux partenaires sociaux », Ministère du Travail, des Relations Sociales, de la Famille et de la Solidarité », 12 février 2008.

http://www.travail.gouv.fr/actualite-presse/communiques/mission-europeenne-pour-flexicurite-presentee-aux-partenaires-sociaux.html

(6) Chiffre avancé par le CEPOS, groupe de réflexion danois d’orientation libérale. www.cepos.dk

(7) Rapport Besson « Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni », juillet 2008. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000461/0000.pdf

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