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La flexicurité danoise, encore et toujours

20100612_163203_363La critique des pays scandinaves et devenu pour certains un véritable sport. On feint ainsi de découvrir que la crise ne les aurait pas épargnés (comme l’aurait-elle pu au vu du degré d’ouverture des économies concernées?). Mais le comble est que cette critique, au lieu de pointer les véritables zones d’ombre des modèles en question, préexistantes aux difficultés du moment, se concentre malencontreusement sur leurs points forts, dont il n’est jamais trop tard de s’inspirer. C’est ainsi qu’après avoir, sans analyse aucune, décerné au Danemark le titre de « premier gréviculteur de l’UE », Philippe Askenazy, directeur de recherches au CNRS, en remet une couche, cette fois-ci sur le thème de la flexicurité (1).

L’article en question, intitulé « La flexsécurité à la peine », et basé sur les seules statistiques d’Eurostat, suggère que la crise au Danemark, marquée par un taux de chômage proche de 7% au niveau national (12% pour les moins de 25 ans), vient à ce point confirmer les doutes sur l’efficacité réelle du modèle de flexicurité qu’il y a « de quoi interroger le sens des réformes menées en France depuis dix ans », réformes qui s’en seraient prétendument inspirées.

Il est vrai que la dégradation de la situation de l’emploi est particulièrement marquée au sein des pays nordiques en général et au Danemark en particulier. A 6,9% en juillet 2010, le taux de chômage danois a fait plus que doubler depuis l’automne 2008. Un constat qui ne doit pas étonner. C’est en effet le propre du modèle de flexicurité d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, quelles qu’elles soient. Entre 1993 et 2008, les statistiques officielles danoises indiquent ainsi que le taux de chômage est passé de 12,5 à 1,6%. Ne serait-il pas instructif d’analyser les raisons d’une évolution aussi favorable?

Les statistiques de l’emploi actuelles indiquent par ailleurs que les séniors danois ont été largement épargnés par la crise. Le taux d’emploi des 55-59 ans (80,3%) reste ainsi supérieur à la moyenne nationale (76,9%). Le taux d’emploi des 60-64 ans, plus faible (43,4%), a même légèrement progressé entre 2008 et 2009 (2). Il faut dire que l’emploi des séniors a fait l’objet ces dernières années à l’adoption d’une large palette de mesures: retraite volontaire à 70 ans, amélioration des conditions de cumul emploi-retraite, incitations fiscales, meilleure prise en compte dans le cadre des conventions collectives, campagnes de sensibilisation…

Le chômage des jeunes est certes en progression mais le Danemark reste le meilleur élève de l’UE dans ce domaine. Dans une note publiée en février 2010, l’OCDE attribuait ce résultat à l’habitude prise par les étudiants danois de combiner emploi et études (ce qui renforce leur employabilité), à l’efficacité du système de formation professionnelle, notamment basé sur une interaction constante entre employeurs et partenaires sociaux, et à l’accent mis par les autorités danoises, depuis le début de la crise, sur les jeunes sans qualifications (3).

La stabilité de la part représentée par les emplois dits « atypiques » (CDD, intérimaires, indépendants), environ 15% du total de la main-d’œuvre présente sur le marché du travail, s’accompagne de plus d’un niveau de protection et d’avantages similaire aux emplois « normaux » dans la mesure où ce type d’emplois est souvent en partie régulé par les conventions collectives (4). La part représentée par les CDD est même orientée à la baisse.

Le niveau des salaires est tel qu’il permet de contenir le nombre de travailleurs pauvres, tandis que celui de l’allocation chômage (2180 euros avant impôt) tend à dédramatiser la période passée sans emploi. Enfin, si l’emploi à temps partiel est orienté à la hausse (27% de la main-d’œuvre est concernée), il n’est que faiblement subi (5).

Selon Philippe Askenazy, « même si le chômage de longue durée demeure contenu, les institutions ne semblent pas capables de tenir la promesse d’assurer une fluidité du marché du travail ». C’est en partie vrai à court terme, mais entièrement erroné face à la perspective du retour du manque de main-d’œuvre qualifiée, qui pourrait, pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…) s’avérer très rapide. Selon AErådet, groupe de réflexion rattaché à LO, la principale confédération syndicale danoise, il manquera quelque 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au Danemark en 2019…

C’est en prévision de cette entrée attendue dans une ère post-chômage, dont le pays a eu un avant-goût en 2007 et en 2008, que doivent être appréhendées les récentes réformes entourant le fonctionnement du service public de l’emploi. La décision de confier aux seules communes la gestion des jobcenter (août 2009) et la simplification du mode de placement des chômeurs (premier trimestre 2010) débouchent en effet sur la rationalisation de l’effort accompli en termes d’aide au retour à l’emploi, l’objectif final étant de favoriser l’expansion du marché du travail.

En laissant entendre que la « flexicurité à la française » est en ce moment même en construction, Philippe Askenazy fait l’erreur, emprunte de naïveté, de confondre le discours de nos hommes politiques avec leurs actes. La fusion ANPE-Unedic est ainsi inspirée du « modèle » anglais (les jobcenter danois ne s’occupent en aucun cas des questions d’indemnisation, confiée aux caisses d’assurance-chômage, afin de consacrer toutes leurs ressources l’aide au retour à l’emploi). Deuxième exemple, l’offre raisonnable d’emploi. Alors que les autorités françaises ont tenu, en 2008, à en préciser la définition, le Danemark avait, depuis quelques années déjà, initié le mouvement inverse. La réforme de la représentativité syndicale n’incitera enfin pas nécessairement les organisations françaises à faire preuve de davantage de responsabilité, comme l’indique le débat actuel sur les retraites. On ne peut à ce titre que déplorer le gouffre constaté en termes de taux de syndicalisation entre nos deux pays (environ 60 pts de pourcentage!).

Il reste donc à espérer de la part de nos élites, notamment celles appartenant au monde académique, une attitude plus constructive. Dénoncer un modèle sur la base de bien maigres statistiques afin de mettre en garde contre des politiques menées au niveau national qui ne s’en inspirent que de manière très marginale n’a en effet pas beaucoup de sens. La flexicurité danoise a bien évidemment des limites (le taux de couverture moyen des allocations chômage n’est plus que de 50%, les politiques visant à réduire le nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité, qui regroupe 7% de la population en âge de travailler, ont échoué, le dispositif de préretraite pèse sur les finances publiques…), mais aussi des forces qui valent plus que jamais la peine d’être étudiées.

Les Danois ne semblent en tous les cas pas douter du bien-fondé de leur modèle de marché du travail. Selon Christian Lyhne Ibsen, Chercheur au Centre de recherche sur les relations de travail (FAOS) de l’Université de Copenhague, « les Danois ne manifestent, dans une très grande majorité, aucune inquiétude au sujet de l’emploi, ce sentiment de sécurité étant, somme toute, une preuve tangible du bien-fondé de la flexicurité » (6).

(1) www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/24/la-flexsecurite-a-la-peine_1402141_3232.html

(2) Données Danmarks Statistik (Statistikbanken)

(3) www.oecd.org/document/40/0,3343,fr_33873108_33873309_44290024_1_1_1_1,00.html

(4) Flexicurity and atypical employment in Denmark, CARMA 2009. www.epa.aau.dk/fileadmin/user…/2009-1-Kongshoej_m-fl.pdf

(5) Danmarks Statistik, Arbejdskraftundersøgelsen, 2 septembre 2010

(6) http://ldf-acc-front1.heb.fr.colt.net/revues/grande-europe/focus/15/danemark.-flexicurite-prise-revers-par-crise.shtml

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Comment va le Danemark?

20100612_162348_343C’est la question posée par la plus grande confédération syndicale danoise, LO. Inquiète des conséquences de la crise, cette dernière lance depuis le 15 août une campagne intitulée “Prends le Danemark sérieusement”, campagne qui vise à prendre le pouls de la société danoise et à faire des propositions concrètes (1). Il est vrai que la crise, illustrée par la forte chute du PIB en 2009 (-4,9%), a laissé des traces. Les destructions d’emploi ont été fortes, le taux de chômage a presque triplé (de 1,6 à 4,2%) entre l’automne 2008 et juin 2010, tandis que la soutenabilité des finances publiques reste à assurer à partir de 2015, comme indiqué dans le dernier rapport du Conseil des Sages (2). Le tout dans un contexte économique encore fragile, caractérisé de manière très laconique par le ministre des Finances comme une “reprise stable” (3).

imageCette campagne est pour LO une manière de reprendre du poil de la bête face au gouvernement. Il faut dire que depuis l’arrivée des libéraux et des conservateurs au pouvoir, en 2001, la confédération doit faire face à une certaine perte d’influence. Le nombre de membres est depuis peu passé sous la barre symbolique du million. De nombreuses réformes ont de plus affaibli le rôle qu’elle joue sur le marché du travail danois: introduction du principe de concurrence au sein des caisses d’assurance-chômage (2002), censée remettre en cause leur structuration par branche, durcissement des devoirs des demandeurs d’emploi (2003), réforme des collectivités territoriales (2007), qui n’accorde plus qu’un rôle consultatif aux organisations syndicales au sein des organes de supervision du marché du travail, communalisation intégrale des jobcenter (2009), adoptée sans son aval…La liste commence à être longue.

La récente réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, adoptée dans le cadre du plan de redressement des finances publiques, a également suscité la colère de LO. Il semble toutefois que la mesure était incontournable dans l’optique d’atteindre l’objectif numéro un de l’économie danoise au cours des prochaines années, à savoir la préservation du niveau d’Etat-providence à travers l’expansion du marché du travail. La commission sur l’emploi, qui avait rendu l’année dernière un rapport faisant une série de propositions sur ce thème, avait ainsi mis en évidence une augmentation notable du retour à l’emploi des bénéficiaires de l’allocation chômage dès lors que s’approchait la fin de la durée légale de sa perception (4).

Les relations entre le gouvernement actuel et LO sont donc pour le moins tendues, mais cela n’empêche pas cette dernière continuer, après le renouvellement réussi des conventions collectives encadrant le secteur privé, de faire preuve de responsabilité en lançant une campagne qui ne peut être que constructive et salutaire. Nous sommes donc bien loin d’un contexte dans lequel les organisations syndicales ne défendent que leurs intérêts propres et n’ont pour seule politique que la grève…

(1) www.tagdanmarkalvorligt.dk

(2) www.dors.dk/sw403.asp

(3) www.business.dk/oekonomi/hjort-danmark-i-stabilt-opsving

(4) www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

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Le Danemark et la réforme des jobcenter: acte II

A007711_54_27Tirer parti de la reprise, aussi limitée soit-elle. C’est l’objectif affiché par l’ensemble des gouvernements de la planète. A ce jeu-là, le Danemark est conscient qu’il souffre de certains handicaps de taille: évolutions démographiques défavorables, niveau excessivement élevé des salaires, productivité du travail en berne, poursuite de la baisse des prix sur le marché de l’immobilier…Mais le pays dispose aussi d’atouts singuliers. Il sera en premier lieu épargné par la nécessité de faire face à un endettement dont le niveau constitue désormais un véritable boulet pour la quasi-totalité des économies développées (1). La tenue de la COP15 à Copenhague représente ensuite une formidable opportunité pour les entreprises danoises de renforcer leurs positions en termes d’exportations de technologies vertes. Le nouvel exercice de prospective est bel et bien lancé avec la tenue, la semaine dernière, de la première réunion de la structure informelle de prospective chargée de libérer la croissance (2). La simplification du fonctionnement des jobcenter danois prendra enfin prochainement une nouvelle dimension, contribuant ainsi à renforcer l’efficacité du modèle de flexicurité.

La première étape du renforcement de l’efficacité du service à l’emploi a été constituée par la récente (et discrète) entrée en vigueur de la communalisation des jobcenter, qui confie leur gestion aux seules communes et qui introduit un système de refinancement des allocations chômage supposé les inciter au résultat (3). La deuxième étape interviendra à la fin du 1er trimestre 2010, à travers l’introduction d’un système simplifié de placement des demandeurs d’emploi (4).

Les 91 jobcenter vont en effet remplacer le modèle de placement actuel, basé sur le classement des demandeurs d’emploi en pas moins de 5 catégories, par un modèle n’en comprenant plus que 3. Précisions importantes, les droits et devoirs des demandeurs d’emploi resteront inchangés, de même que les attributions des caisses d’assurance-chômage en ce qui concerne leur accompagnement (entretien initial de préparation au CV, conseils à la recherche d’emploi et entretiens bilan tous les 3 mois).

Le placement des demandeurs d’emploi en trois catégories s’appliquera de plus à l’ensemble des bénéficiaires d’une allocation (y compris l’allocation maladie), alors que le modèle en cinq catégories qui prévalait jusqu’à présent n’était valable que pour les bénéficiaires de l’allocation chômage standard (“dagpenge”), de l’aide sociale de remplacement versée par les communes (“kontanthjælp”) et d’une autre allocation spécifique de montant très réduit (“starthjælp”).

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Les critères à la base du placement actuel des demandeurs d’emploi en cinq catégories étant interprétés de manière différente d’un jobcenter à l’autre, la réforme prévoit de rendre beaucoup plus objectifs ceux justifiant ce même placement en seulement trois catégories. Appartiendront ainsi à la catégorie 1 les demandeurs d’emploi jugés prêts à accepter une offre d’emploi  susceptible de les faire réintégrer le marché du travail dans un délai maximum de trois mois. Appartiendront à la catégorie 2 ceux qui ne répondent pas au critère pour entrer dans la catégorie 1 mais qui sont en mesure de suivre un processus d’activation. Appartiendront à la catégorie 3 tous les autres demandeurs d’emploi, à savoir ceux encore trop éloignés du marché du travail.

Le nouveau mode de placement des demandeurs d’emploi a donc l’avantage de rendre plus transparent le nombre de personnes en mesure de revenir sur le marché du travail, y compris celles en arrêt maladie. Il permet également de renforcer sensiblement les chances de parvenir à une égalité de traitement des demandeurs d’emploi au sein des 91 jobcenter.

Le véritable but de la réforme est d’adapter l’effort accompli en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi au défi du manque de main-d’oeuvre à moyen terme, en sachant que le Danemark est contraint de tendre vers une expansion du marché du travail pour pérenniser le financement de son Etat-providence.

image Prochaine étape de la réorganisation du modèle de flexicurité, le lancement, qui semble aujourd’hui difficilement évitable, d’une réflexion sur la manière d’inverser la désaffection des Danois pour les caisses d’assurance-chômage. Une désaffection qui se traduit aujourd’hui par le fait que près de 70 000 personnes, faute d’assurance chômage, se retrouvent sans aucune couverture (car elles ne sont pas éligibles à l’aide de remplacement versée par les communes). Une réflexion qui pourrait par exemple déboucher sur une baisse du montant de la cotisation annuelle à une caisse d’assurance-chômage (650 euros en moyenne).

La remise à plat du fonctionnement des jobcenter est critiquable (et critiquée), mais elle a le mérite d’être applicable et de concourir à une incontestable rationalisation de l’effort en termes d’emploi, ce qui est déjà beaucoup en comparaison avec la désormais  bien (trop) célèbre fusion ANPE-Unedic…

(1) Les dernières prévisions gouvernementales indiquent que la dette publique atteindrait 38,3% du PIB en 2009 et 42,3% en 2010 http://fm.dk/Publikationer/2009/1839-OER%20Aug%2009.aspx

(2) http://oem.dk/graphics/oem/nyheder/AndreNyheder/Danmark%20styrket%20ud%20af%20krisen.pdf

(3) L’Etat va ainsi continuer à financer à 100% le système d’allocation-chômage tout au long de l’année 2009, mais ce financement intégral ne sera assuré qu’au cours des 18 premières semaines à partir de 2010 et seulement 4 semaines à partir de 2013. Une fois passées ces 4 semaines, l’Etat refinancera les allocations chômage versées par les communes à hauteur de 75% lorsque ces dernières proposeront un programme d’activation aux demandeurs d’emploi, à hauteur de 50% si ce n’est pas le cas.

(4)http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

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Le rapport final de la commission emploi et le « forum de la croissance » ou les deux boussoles de l’économie danoise

SPM_A0562La stabilisation de la situation économique aidant, l’heure est à la relance des exercices de prospective. La plupart des économistes étant visiblement incapables de prévoir le déclenchement de crises comme celle que nous traversons, il serait facile de remettre en cause la pertinence de la mise au point d’un “plan économie 2015” et encore plus d’une “France 2025” d’autant plus énigmatique que l’échéance est éloignée (1). La vérité est pourtant que de tels exercices, à condition de rester basés sur des projections de moyen terme (une décennie au plus), sont indispensables. En supprimant en 1992 les plans quinquennaux (dans le cadre du Commissariat au Plan), la France s’est privée d’un instrument précieux. Avec les conséquences fâcheuses que nous connaissons tous: une gestion des affaires au jour le jour, qui nous empêche notamment de saisir que la série de déficits budgétaires constatée depuis trente ans ne peut se poursuivre indéfiniment.

En rendant ses conclusions le 20 août dernier, la commission emploi ne rentre pas à proprement parler dans la catégorie des exercices de planning stratégique. Elle offre néanmoins au Danemark les clés de l’expansion de son marché du travail, seule voie possible pour assurer la soutenabilité des finances publiques et donc du niveau d’Etat-providence à moyen terme, dès lors que la piste de l’augmentation des prélèvements obligatoires est écartée (2). Autrement dit, la mise en oeuvre des recommandations de la commission emploi constituent la condition sans laquelle tout exercice de prospective un tant soit peu ambitieux est voué à l’échec. Parmi ces recommandations:

La suppression progressive du dispositif de préretraite. Créé en 1979 pour faire face à la montée du chômage, ce dispositif, ouvert aux personnes ayant entre 60 et 65 ans, est un luxe que le Danemark ne peut plus se payer. En dépit des nombreux durcissement dont il a fait l’objet, un individu en bonne santée (deux tiers des bénéficiaires seraient ainsi capables de poursuivre une activité professionnelle) peut ainsi percevoir 832 000 couronnes danoises (environ 110 000 euros) entre 60 et 65 ans de la part de l’Etat danois sans aucune autre obligation que d’en reverser une partie au titre de l’impôt sur le revenu.

Le raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage. Aujourd’hui fixée à 4 ans, elle est une des plus élevées au sein de l’OCDE. La commission emploi préconise ainsi un système flexible ou la durée de perception oscillerait entre 2 et 3 ans en fonction de la conjoncture sur le marché de l’emploi. Afin d’inciter davantage de gens à s’assurer contre le chômage, le montant de la cotisation à une caisse d’assurance-chômage serait de plus divisé par deux.

L’octroi d’un “bonus” de 10 000 couronnes (1350 euros) aux étudiants obtenant leur licence trois ans après le baccalauréat. Une manière d’abaisser l’âge moyen de fin d’études, qui atteint 28 ans au Danemark. Un bonus qui vient donc s’ajouter à l’allocation étudiante (SU), versée en principe pendant jusqu’à 70 mois et  fixée à 2574 couronnes (345 euros) dans le cas où l’étudiant vit chez ses parents, à 5177 couronnes (695 euros) lorsqu’il dispose de son propre logement (revenu imposable) (3).

La mise en place d’une alternative à l’octroi d’une pension d’invalidité permanente. Il est en effet contre-productif de constater qu’une partie des quelques 240 000 bénéficiaires de la pension d’invalidité voient leurs capacités s’améliorer sensiblement, au point parfois de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

Le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, à travers l’assouplissement des règles entourant la délivrance de permis de travail, est également citée par la commission emploi. Son impact serait toutefois marginal en termes de contribution au financement de l’Etat-providence.

Mises en oeuvre dans leur totalité, les 44 propositions de la commission emploi permettrait d’apporter 27 milliards de couronnes (3,6 milliards d’euros) supplémentaires par an à l’Etat danois. Un montant presque deux fois plus élevé que le manque de financement actuel, estimé à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Seul problème, la situation tendue sur le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 3,7% en juillet, 5,9% selon Eurostat), qui ne se prête donc pas à l’adoption de telles réformes. Le gouvernement entend donc se donner du répit jusqu’à 2011, année des prochaines élections parlementaires.

Un répit mis à profit pour donner naissance à une nouvelle forme d’exercice de prospective: le “Forum de la croissance”, dont les membres viennent d’être nommés (4). Ce dernier remplace ainsi le Conseil de la mondialisation, à l’origine de la fameuse “stratégie mondialisation” de 2006 (5). L’objectif est de préparer l’économie danoise à une série de défis: renforcement de la compétitivité du pays, soutenabilité des finances publiques, expansion du marché du travail, adaptation du système éducatif à la mondialisation, croissance verte…

L’idée d’un “Forum de la croissance” est intéressante à plus d’un titre. Elle se distingue à de nombreux égards de la mise en place dans notre pays d’une énième commission chargée de définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt national (6).

Dans sa composition tout d’abord, puisque tous les secteurs qui comptent sont représentés (par contraste, il est difficile de ne pas remarquer en France l’absence de tout représentant du monde syndical ou de tout entrepreneur…) avec un clair penchant vers le monde de l’entreprise dans un cas (Danemark) contre une claire surreprésentation de fonctionnaires d’Etat dans l’autre (France). L’occasion de souligner qu’aussi brillants que soient nos énarques, ils n’ont pas toujours le sens des réalités. Sans compter que les deux personnalités chargées de présider la commission sur l’emprunt sont deux “vieux grognards” qui ne sont certainement pas les mieux placés pour offrir une vision d’avenir…

Dans son fonctionnement ensuite: le “Forum de la croissance” ne rendra pas de rapport. Composé de personnalités aux orientations politiques très variées, son but est de tester les idées et propositions de chacun des intervenants.

La France est donc plus que jamais prisonnière de ses vieux shémas de pensée. L’élection, en 2007, du locataire actuel de l’Elysée, est d’autant plus regrettable qu’elle n’a fait qu’accentuer les traits culturels et les habitudes néfastes à la base des difficultés rencontrées par notre pays. Le plus longtemps nous éviterons de nous regarder dans le miroir, plus dure sera la chute…

(1) https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/10/05/france-2025-versus-danemark-2015/

(2) http://www.amkom.dk/media/22520/2k_pixi_velfaerd_kraever_arbejde.pdf

(3) http://www.su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx

(4) http://stm.dk/_p_12918.html

(5) http://www.globalisering.dk/page.dsp?page=259

(6) http://www.liberation.fr/politiques/0101587131-la-composition-de-la-commission-sur-l-emprunt

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Une rentrée sociale délicate en France et au Danemark

SPM_A0502Après la crise financière et la crise économique, que beaucoup estiment désormais (mais doit-on y croire?) surmontées, reste à faire face à la crise sociale, symbolisée par l’inévitable poursuite, dès la rentrée, de la hausse du chômage dans nos deux pays. Une perspective à laquelle la France et le Danemark ne sont pas préparés de la même manière, alors que l’écart constaté en termes de taux de chômage est à la base non négligeable (selon les statistiques fournies par Eurostat, le taux de chômage était au mois de juin de 9,4% en France contre 6,2% au Danemark) (1).

Au-delà des difficultés actuellement rencontrées sur le front de l’emploi, l’entrée en vigueur, depuis le 1er août, de la communalisation des jobcenter, dont les communes danoises héritent désormais entièrement de la gestion (cette dernière était jusqu’ici avant tout assurée par des employés d’Etat, chargés de s’occuper de l’accompagnement des demandeurs d’emplois assurés contre le chômage, des employés des communes s’occupant seulement de ceux non-assurés), peut être jugée risquée. Adoptée, d’une manière surprenante, sans aucune concertation, cette réforme est en effet critiquée pour plusieurs raisons:

– Les 14 jobcenter “pilotes” mis en place en 2007 et uniquement composés d’employés des communes, auraient, selon certaines études, des résultats inférieurs à ceux administrés par des employés des communes et du secteur étatique.

– Il est craint que les communes se recentrent de manière trop marquée sur “leurs” demandeurs d’emplois et “leurs” entreprises, contribuant ainsi à affaiblir significativement la coopération inter-géographique actuelle et à créer 91 marchés de l’emploi de taille trop réduite.

– Les communes pourraient éviter d’accueillir sur leur sol des entreprises jugées sensibles aux variations conjoncturelles.

– Le terme de communalisation des jobcenter va de pair avec un contrôle accru de la part de l’Etat de l’ensemble du système. En confiant progressivement le financement des allocations chômage aux communes, leur rôle s’accroît au détriment des caisses-d’assurance chômage dont une bonne partie est contrôlée par les organisations syndicales.

– Les communes étant désormais tenues de financer les allocations chômage, elles seraient incitées, en cas de crise, à “couper” sur certains autres budgets ayant trait à l’Etat-providence.

En maintenant les effectifs, le nombre de demandeurs d’emploi par agent reste toutefois encore sous la barre des 40, contre 90 dans le cadre de Pôle Emploi (2). La stricte séparation entre aide à la recherche d’emploi et indemnisation du chômage est maintenue, de même que les prérogatives des caisses d’assurance-chômage en termes d’accompagnement des chômeurs. L’entrée en vigueur de la réforme s’est effectué en douceur, aucun incident notable n’ayant été relevé. Le timing de cette réforme est enfin critiquable, mais elle a le mérite de s’inscrire dans la logique de la réforme des collectivités territoriales de janvier 2007, qui vise à rationaliser l’organisation administrative du pays en faisant des communes l’acteur incontournable pour le citoyen danois.

Difficile de trouver de quelconques motifs de satisfaction en ce qui concerne Pôle Emploi. L’organisme issu de la fusion ANPE-Unedic est aujourd’hui plus que jamais le symbole de la présidence Sarkozy: beaucoup d’activisme pour rien ou si peu. Il faut dire que vouloir fusionner deux organismes, l’un du public, l’autre du privé, aux cultures de travail différentes, représentait déjà un véritable défi. Le problème est que cette réforme, à l’inverse de ce qui se passe au Danemark, est totalement déconnectée de celle à venir des collectivités territoriales (marquée par la création d’un nouvel échelon administratif!) et que la conjoncture actuelle sur le marché du travail la transforme en véritable cauchemar. Privatisation rampante, comme l’illustre la décision prise cet été de confier à des opérateurs du privé la gestion du dossier de 320 000 demandeurs d’emploi, carences dans la formation des agents en termes d’indemnisation des chômeurs (à quand une simplification du système?), disparités salariales entre agents, suppression du suivi mensuel des chômeurs…La liste des manquements est longue.

Au-delà de la situation prévalant sur le marché du travail, que le gouvernement danois anticipe dégradée jusqu’au moins la fin de l’année 2010 (pas d’admission de la sorte dans notre pays…), il est intéressant de constater l’ampleur des différences dans les mesures prises par nos pays respectifs afin de faire face aux conséquences sociales de la crise, notamment en termes de soutien au pouvoir d’achat.

Les Danois bénéficient pourtant de conditions initiales plus favorables. Même si la part de la main-d’oeuvre qui s’assure contre le chômage tend à baisser ces dernières années, elle atteint tout de même 70%. Autrement dit, 70% des Danois sont en mesure de percevoir, en cas de chômage, une allocation d’un peu plus de 2000 euros par mois équivalente, à peu de choses près (après impôts), au salaire médian dans notre pays

Surtout, le gouvernement danois a adopté des mesures allant dans le sens d’un renforcement sensible du pouvoir d’achat, à travers l’autorisation donnée aux Danois de recourir à une partie de leur épargne-retraite (cadeau de 2000 euros  par individu en moyenne) et la réforme de la fiscalité, qui entrera en vigueur au 1er janvier. Résultat: une croissance attendue du revenu disponible de ménages de l’ordre de 4,4% en 2010. Sans compter les évolutions salariales, qui ne connaissent pas la crise au sein du secteur public, suite à la conclusion, l’année dernière, de nouvelles conventions collectives pour la période 2008-2011.

Evolution des salaires au sein du secteur privé (vert), du secteur étatique (bleu) et des communes et des régions (rouge)

image Source: Danmarks Statistik

Par contraste, le soutien à la consommation n’est clairement pas une priorité du locataire actuel de l’Elysée. En comptant les allègements d’impôt sur le revenu accordés aux classes moyennes et aux classes les plus défavorisées ainsi que les quelques primes consenties, on arrive à près de 14 milliards d’euros entre 2009 et 2010 dans notre pays (3). En ajoutant les sommes mises à disposition des ménages danois au titre du dispositif d’épargne-retraite et le sous-financement initial de la réforme de la fiscalité, on arrive à environ 8 milliards d’euros au Danemark. Rappelons que le pays est douze fois plus petit…

Résultat, les représentants de l’Etat français, bien aidés en cela par des relais utiles au sein du monde de l’entreprise, n’ont pas d’autre choix que de recourir à de grossières manipulations afin de convaincre que la rentrée scolaire ne coûte décidément pas cher au panier de la ménagère (4). Et quand ce n’est pas le monde de l’entreprise, c’est au tour de certains médias de devenir des organes de propagande gouvernementale. Le Figaro relevait ainsi récemment que le revenu médian s’est accru, en France, de 2,1% entre 2006 et 2007, mais conjointement à une hausse plus marquée du nombre d’individus vivant sous le seuil de pauvreté. Ce qui ne l’empêchait pas  d’intituler l’article en question “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré”…(5).

Le Danemark est aujourd’hui confronté à de sérieux défis ayant trait au financement  à moyen terme de son Etat-providence. Ces défis sont toutefois bien identifiés et la population en est bien informée, notamment sur la base des conclusions, rendues cette semaine, par la commission emploi (6). Par contraste (encore une fois!), une enquête Eurobaromètre soulignait, quelque temps avant le déclenchement de la crise actuelle, la méconnaissance dont fait l’objet la notion d’Etat-providence par une bonne partie des Français (7). La question est donc la suivante: comment parvenir à sauvegarder les vestiges d’un monde visiblement oublié?

A plus court terme, les prévisions de déficit budgétaire pour 2010 (-4,9%) suscitent un véritable émoi au Danemark. Il est impensable de le creuser davantage, même si la dette publique reste pour le moment sous la barre des 40% du PIB. Les différences s’accentuent donc avec la France, qui fait aujourd’hui, en dépit d’une situation plus dégradée, le pari d’un emprunt national lorsque les premiers signes de faillite (l’état lamentable et honteux de nos prisons pour ne citer qu’un exemple) apparaissent. Un avenir pas si lointain nous dira lequel de nos deux pays a fait les bons choix…

(1) Les autorités danoises avancent le chiffre de 3,8%, la différence constatée avec Eurostat s’expliquant par le fait que les personnes non-assurées contre le chômage (dont le nombre a quelque peu augmenté ces dernières années) et qui n’ont pas droit à l’allocation, conditionnelle, de remplacement versée par les communes, ne sont, en cas de perte d’emploi, pas comptabilisées dans les statistiques officielles.

(2) “L’incroyable gâchis Pôle Emploi” Capital, août 2009 http://www.capital.fr/le-magazine/magazine-n-215

(3) “Le pouvoir d’achat progresse malgré la crise” Le Monde, 18 août 2009 http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/08/18/le-pouvoir-d-achat-des-francais-resiste-a-la-crise_1229490_0.html

(4) “Intermarché fait étalage de sa mise en scène UMP” Libération, 20 août 2009 http://www.liberation.fr/politiques/0101586155-intermarche-fait-etalage-de-sa-mise-en-scene-ump

(5) “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré” Le Figaro, 6 août 2009 http://www.lefigaro.fr/economie/2009/08/06/04001-20090806ARTFIG00267-le-niveau-de-vie-des-francais-s-est-sensiblement-ameliore-.php

(6) http://www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

(7) Eurobaromètre 67, printemps 2007, page 12 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb67/eb67_fr_nat.pdf

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La France et le Danemark face à la montée du chômage

IMG_0308Signe que le Danemark n’échappera pas aux effets économiques et sociaux de la crise actuelle, la publication des mauvais chiffres du chômage pour le mois de mars. Le taux de chômage est ainsi passé, en un seul mois, de 2,5 à 2,9% (1). Deux facteurs avaient jusqu’ici retardé la hausse du chômage dans le pays: la relative facilité de licenciement donnée aux entreprises, qui fait qu’elles ont pu attendre quelque peu avant de se résoudre à se séparer d’une partie de leurs employés, et le manque de main-d’oeuvre dans le secteur public, qui permet d’absorber une partie des nouveaux demandeurs d’emploi (2).

Les prévisions les plus pessimistes tablent désormais sur un taux de chômage de l’ordre de 5 à 6% d’ici la fin 2010. Une sévère dégradation de la situation de l’emploi qui suscite des inquiétudes, puisque la plupart des personnes non-assurées contre le chômage (30% de la main-d’oeuvre totale) ne remplissent pas les critères pour percevoir l’aide sociale de remplacement versée par les communes en cas de perte soudaine d’emploi (3). Dans l’esprit danois, la responsabilité de cette situation n’incombe toutefois pas à l’Etat, mais à l’individu, qui dispose du choix d’adhérer ou pas à une caisse d’assurance-chômage.

La situation est donc  un peu plus délicate (un taux de chômage de 2,9% reste toutefois enviable),  mais elle ne remet pas fondamentalement en cause la confiance accordée au modèle de flexicurité. On l’oublie en effet trop souvent, mais le modèle repose au moins autant sur un état d’esprit que sur un système de règles bien établies. Le journal Jyllands-Posten le présentait ainsi récemment comme un atout, particulièrement dans le contexte actuel: “La main-d’oeuvre danoise est qualifiée et notre marché du travail assure un certain degré de flexibilité, de sorte que les entreprises peuvent embaucher et licencier relativement rapidement en fonction de leurs besoins. Le marché du travail est aussi caractérisé par un ton informel qui fait que n’importe quel individu avec de bonnes idées n’a pas besoin d’avoir un titre de docteur ou un poste élevé dans la hiérarchie pour que la direction daigne écouter ce qu’il a à dire. Cela renforce la capacité d’innovation pour laquelle nous sommes connus” (4).

Une capacité à faire bouger les lignes qui tranche donc avec notre marché de l’emploi, caractérisé notamment par un chômage des jeunes atteignant 21,5% (5). Comme le soulignait Le Monde, “les jeunes, à condition d’être diplômés, entrent sur le marché du travail mais par le CDD, qui constitue 73 % des embauches dans les entreprises de plus de 10 salariés. Le chômage des jeunes est plutôt de courte durée et souvent récurrent : la fin du contrat les renvoie au chômage, dont ils sortent à nouveau par un CDD. Le diagnostic est donc bien celui d’une précarité de l’emploi, avec une nette tendance à l’allongement des parcours vers l’emploi stable” (6).

D’où l’aspect structurellement figé de notre marché de l’emploi: le CDD étant pour les jeunes la norme subie, “l’emploi stable” est recherché et la sécurité de l’emploi devient naturellement la panacée, alors que seule la mobilité, qui n’est en rien contradictoire avec la signature d’un CDI, permet à l’individu (et donc à la société) de s’épanouir…A titre de comparaison, la part des CDD au Danemark ne représente que 8,9% des contrats, contre près de 15% en France (7).

Mais plutôt que d’apporter un zest de dynamisme à notre marché du travail, on préfèrera vous dire, comme Laurent Wauquiez, Secrétaire d’Etat à l’Emploi, que “la France résiste mieux que ses voisins”, puisque “sur un an, le chômage a augmenté de 16% dans notre pays (depuis le mois de mars le véritable chiffre est de 22%), contre 30% au Royaume-Uni et 107% en Espagne” (8). Une manière pour le moins fourbe de présenter les choses: sur un an, le chômage a augmenté 55% au Danemark (9). Pour un peu, on pourrait nous faire croire que les Danois ont des leçons à recevoir de notre part alors que le taux de chômage en France n’est pas meilleur que celui constaté dans la zone euro (8,9%).

Sans compter que deux gros handicaps viennent altérer le bon fonctionnement de notre marché du travail: l’incompréhensible séparation entre Ministère de l’Emploi et du Travail et le très mauvais timing de la fusion ANPE-Unedic. Aux dernières nouvelles, les salariés de Pôle Emploi, entité née de cette fusion, seraient “au bord de la crise de nerfs” (10). Gageons que les Danois tiendront compte de la situation vécue à Pôle Emploi pour repousser la communalisation des jobcenter (prévue à partir du 1er août), qui suscite l’unanimité contre elle.

Finalement, ce qui choque encore une fois, c’est notre rapport avec l’autre. « On ne sait pas ce qui se passe à l’étranger », s’exclamait récemment un des conseillers du Président, en faisant allusion à la situation économique (11). Et  Nicolas Sarkozy, faisant allusion à ses deux années passées à l’Elysée, de tenter de rattraper le coup: « Je ne me contorsionne pas. Je suis en phase avec le pays. Mon rôle est d’être un point fixe et un repère, de mettre de la perspective. Objectivement, la France souffre moins que nos voisins” (12). Résumons donc: on ne sait pas ce qui se passe ailleurs mais c’est sûr, on s’en sort mieux que les autres. Nous voilà donc rassurés…

(1) Donnée Danmarks Statistik http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2009/NR195.pdf

(2) “Et hit at være offentligt ansat” Politiken, 8 avril 2009 http://politiken.dk/erhverv/article687698.ece

(3) “318 000 kan ikke få kontanthjælp” DR, 21 avril 2009 http://www.dr.dk/Nyheder/Penge/2009/04/21/063225.htm?rss=true L’aide en question est conditionnelle à des critères tels que la fortune personnelle où le fait que son conjoint dispose ou non d’un emploi.

(4) “Danmark står godt rustet til den internationale krise” Jyllands-Posten, 17 avril 2009.

(5) “Chômage: les jeunes premières victimes de la crise” France Soir, 25 mars 2009 http://www.francesoir.fr/enquete/2009/03/25/chomage-les-jeunes-premieres-victimes-de-la-crise.html

(6) “La politique de l’emploi doit être repensée dans son ensemble” Le Monde, 24 avril 2009 http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/24/la-politique-de-l-emploi-doit-etre-repensee-dans-son-ensemble_1185210_3224.html#ens_id=1184388

(7) Rapport sur la flexicurité en Europe, page 40, Eric Besson, février 2008 http://www.premier-ministre.gouv.fr/IMG/pdf/FLEXICURITE.pdf

(8) “Les chiffres du chômage seront mauvais au moins jusqu’à la fin de l’année” Libération, 25 avril 2009 http://www.liberation.fr/depeches/0101564047-wauquiez-mauvais-chiffres-du-chomage-au-moins-jusqu-a-la-fin-de-l-annee

(9) Donnée Danmarks Statistik http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2008/NR180.pdf

(10) “Agents de Pôle Emploi au bord de la crise de nerfs”, le Monde, 28 avril 2009 http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/28/agents-de-pole-emploi-au-bord-de-la-crise-de-nerfs_1186420_3224.html#ens_id=1115932

(11) “L’Elysée n’entrevoit pas encore de sortie de crise” Le Monde, 20 avril 2009 http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2009/04/20/l-elysee-espere-repousser-a-2010-le-debat-sur-les-deficits-publics_1182879_1101386.html

(12) “Deux ans après, la sérénité affichée de Sarkozy”, le Figaro, 27 avril 2009 http://www.lefigaro.fr/politique/2009/04/28/01002-20090428ARTFIG00011-deux-ans-apres-la-serenite-affichee-de-sarkozy-.php

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Le secret derrière la flexicurité

SP_A0680Alors que le locataire actuel de l’Elysée, fasciné par les Etats-Unis, s’entête, d’une manière incompréhensible, à courir derrière un “modèle” que la crise est pourtant venu renverser, le monde académique américain s’intéresse lui de près au fonctionnement du modèle danois de flexicurité (1). Certes, depuis le niveau historiquement bas atteint durant l’été 2008 (1,6%), le taux de chômage est au Danemark, comme partout ailleurs, reparti à la hausse, mais son niveau actuel (2,5% en février) reste largement enviable comparé aux autres économies européennes (2). Sans compter que le chiffre définitif du taux d’emploi sur l’année 2008 (77,4%) confirme la première place occupée par le pays au sein de l’UE (3).

Sur le point de publier un ouvrage sobrement intitulé “Flexicurity”, le Professeur Charles Sabel, de la prestigieuse Université de Columbia, énumérait il y a quelques jours dans la presse danoise les piliers sur lesquels reposent le modèle danois de marché du travail. Au-delà de ceux communément avancés (facilités de licenciement, filet de sécurité constitué par les allocations chômage, formation continue…), figurait de manière fort intéressante le concept de responsabilité individuelle, sans lequel tout début de compréhension globale des mécanismes sous-tendant le modèle reste largement hors de portée.

A la question de savoir en quoi la flexicurité constitue une véritable force motrice susceptible de guider l’évolution d’une société, le professeur Sabel répondait de la manière suivante: “Le coeur de la notion de flexicurité est la sécurité de l’employabilité, pas la sécurité de l’emploi. Chaque individu est incité à développer ses compétences et sa carrière professionnelle en allant d’un emploi à un autre, plutôt que de grimper dans la hiérarchie au sein d’une entreprise donnée, cette dernière voie pouvant devenir source de dépendance. La responsabilité donnée à chacun de développer ses compétences contribue à créer une robuste sécurité en termes d’employabilité. Le besoin de constamment développer ses compétences pousse l’individu à rechercher les emplois les plus  qualifiés et les plus épanouissants, ce qui contraint les entreprises à se concentrer sur les tâches les plus exigeantes en termes de développement, favorisant ainsi une innovation déterminante pour l’atteinte de leur succès sur tel ou tel marché”.

Beau changement de perspective en effet de ne jamais considérer l’emploi qu’on occupe comme une fin mais comme un tremplin…Un concept de responsabilité individuelle résultat d’une longue maturation institutionnelle qui se retrouve également par exemple dans le caractère volontaire de l’adhésion à une caisse d’assurance-chômage.

A la question de savoir si le modèle est exportable, le Professeur Sabel répondait de la manière suivante: “La flexicurité est exportable dans d’autres pays. Pas nécessairement sous la forme précise qu’elle prend au Danemark, mais les principes et la logique qui le sous-tendent peuvent certainement être utilisés ailleurs. Les nouvelles idées ont souvent été présentées comme culturellement uniques. Les Américains ont également prétendu, dans un premier temps, qu’il était impossible d’utiliser la méthode “lean” aux Etats-Unis, qu’ils étaient d’une nature bien trop individualiste pour cela, contrairement aux Japonais. Pourtant, cette méthode est aujourd’hui partout utilisée” (4).

Ces réflexions viendraient-elles élever le niveau des débats dans notre pays? Aux dernières nouvelles, le locataire actuel de l’Elysée promettait, la main sur le coeur, de sauver le site Caterpillar de Grenoble d’une fermeture pourtant inéluctable. Et Henri Guaino, son conseiller très spécial, de déclarer qu’il ne s’agissait pas de “paroles en l’air”, même si l’Etat ne peut pas “tout sauver” (5). Comment mieux exprimer, par une phrase disant tout et son contraire, que le gouvernement est prisonnier de shémas de pensée le condamnant à continuer de “pédaler dans la semoule” dans le domaine de l’emploi?

Heureusement, certains ne perdent pas le Nord et continuent de se concentrer sur ce qui marche. A ce propos, le professeur Sabel souligne que de nombreuses études doivent encore être menées pour prétendre percer le secret derrière la flexicurité. Et qu’à ce jeu-là, les Danois ne sont pas, selon lui, les mieux placés, n’ayant pas nécessairement le recul pour présenter, à l’aide de concepts intelligibles, un modèle qu’ils éprouvent tous les jours…

L’article se termine de cette manière: “Nous avons eu de nombreux modèles au cours des dernières décennies. Le modèle allemand, suédois, japonais, finlandais et le modèle américain. Ces modèles sont en train de fusionner. Mais nulle part ailleurs les choses ne réussissent mieux qu’au Danemark. Je pense par conséquent que le modèle danois de flexicurité sera le modèle de référence dans le cadre des débats de société au cours des dix ou quinze prochaines années. Après cela, d’autres finiront par apporter de nouvelles idées et de nouvelles solutions”. Espérons que d’ici-là, la France aura au moins rattrapé son train de retard…

(1) “Hemmeligheden bag den danske model” Berlingske Nyhedsmagasin, numéro 12, semaine du 27 mars au 2 avril 2009. http://www.business.dk/article/20090327/nyhedsmagasin/90326096/

(2) Donnée Danmarks Statistik http://dst.dk/Statistik/seneste/Arbejdsmarked/Ledighed.aspx

(3) Donnée Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(4) Pour de plus amples informations sur le concept de “Lean”, consulter le lien suivant: http://fr.wikipedia.org/wiki/Lean

(5) “L’Elysée préoccupé par une radicalisation des mouvements sociaux”, Le Monde, 3 avril 2009 http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-38921002@7-37,0.html

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Les dangereuses mutations de la flexicurité danoise

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Au Danemark comme ailleurs, la dégradation de la situation économique s’accompagne d’une inéluctable hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Le taux de chômage est ainsi passé de 1,6% durant l’été dernier à 2,1% en décembre 2008. Mais comme nous l’avons vu dans un de mes précédents articles, intitulé “Le Danemark dans l’ère post-chômage?”, la véritable problématique de long terme reste celle du manque de main-d’oeuvre.

Pour y faire face, la flexicurité danoise va devoir s’adapter. Une adaptation loin d’être favorable à ceux qui se retrouveront au chômage une fois les traces de la crise actuelle effacées. Une adaptation qui comporte en fait un risque de taille: celui de dénaturer un modèle pourtant reconnu à travers le monde.

Le modèle danois de flexicurité est en effet marqué par plusieurs évolutions préoccupantes:

1) L’affaiblissement du volet sécurité. Les allocations chômage restent relativement généreuses (environ 2050€/mois) mais pour encore combien de temps? Leur taux de couverture du salaire moyen ne cesse en effet de baisser: entre 50 et 60% aujourd’hui, soit 25 pts de moins que dans les années 80!. La croyance, pour le moins répandue, qu’elles couvrent 90% de l’ancien salaire est donc sans fondement. Seuls 15% des demandeurs d’emploi membres d’une caisse d’assurance chômage bénéficient aujourd’hui d’une couverture de ce niveau (1).

Certes, cet affaiblissement profite aux plus défavorisés (depuis 1991 existe un dispositif  retirant 0,3 points de pourcentage à l’ajustement entre allocation chômage et salaire moyen, ces 0,3 points étant affectés à des projets à forte dimension sociale), mais il n’empêche qu’une comparaison avec des pays comme la France, l’Allemagne, la Norvège ou encore les Pays-Bas indique que le plafond d’allocation est plus élevé chez ces derniers.

Autre tendance mise en lumière par la crise économique actuelle, le fait que 30% des Danois ne sont pas membres d’une caisse d’assurance chômage (l’adhésion est volontaire). 30% soit 10 pts de plus qu’en 1995…(2). Autrement dit, pas d’allocation chômage pour cette catégorie de population en cas de licenciement. Pire, l’allocation de remplacement versée par les communes, d’un montant en moyenne 40% inférieur, est strictement conditionnée, ce que semble ignorer bon nombre de Danois…

Finalement, en quoi consistera le modèle de flexicurité lorsque son volet sécurité ne reposera finalement plus que sur une durée de perception des allocations chômage toujours fixée à 4 ans? Le Danemark devrait-il s’aligner sur la Suède, qui va, à partir de 2010, rendre obligatoire l’adhésion à une caisse d’assurance-chômage?

2) La décentralisation intégrale des jobcenters. Pour tout observateur averti du marché du travail danois, cette décentralisation est singulière. Parce qu’elle n’a fait l’objet d’aucune négociation et d’aucune consultation des partenaires sociaux. Un fait surprenant lorsque l’on sait que toutes les réformes font au Danemark l’objet de négociations avec l’ensemble des formations politiques et des acteurs du monde économique et débouchent souvent sur un consensus…

Basée, d’ici le 1er août 2009, sur un désengagement de l’Etat de la gestion des jobcenters (et donc du financement des allocations chômage) confiée aux seules communes, cette évolution suscite d’ores et déjà des inquiétudes. A long terme, il s’agit pour les partenaires sociaux de s’assurer que les prérogatives aujourd’hui accordées aux caisses d’assurance-chômage en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi ne leur soient pas retirées. Que la stricte séparation, aujourd’hui gravée dans le marbre, entre indemnisation du chômage et la partie de l’accompagnement du demandeur d’emploi assurée par le jobcenter ne soit pas remise en cause. Mais comment en être convaincu lorsque le gouvernement justifie la réforme actuelle par une rationalisation à la britannique (aujourd’hui suivie en France…) de l’effort en termes d’emploi?

3) Les menaces pesant sur le système de négociation collective. On l’oublie trop souvent mais le modèle danois de marché de l’emploi ne repose pas uniquement sur les deux contractions qui sont à la base du terme de flexicurité. La flexicurité, c’est aussi un système de négociation collective qui a fait ses preuves. Or ce système est aujourd’hui soumis à des pressions. Tout d’abord parce que le taux de syndicalisation suit les mêmes évolutions à la baisse que le nombre de personnes membres d’une caisse d’assurance chômage (bien que l’adhésion à l’un n’implique pas nécessairement l’adhésion à l’autre), mais aussi parce que les dernières négociations ayant entouré le renouvellement des conventions collectives du secteur public pour la période 2008-2011 suggèrent des évolutions n’allant pas toujours dans le bon sens.

Le système repose en effet sur un dispositif de régulation, entré en vigueur au 1er octobre 1984, garantissant que les progressions obtenues par le secteur public et le secteur privé sont similaires en termes de salaires, mais aussi en termes d’avantages divers (retraites, congés payés, indemnités maladie, congés maternité…). Depuis 1987, l’alignement de ces augmentations est ainsi opéré durant la durée de validité de la convention collective à hauteur de 80%.

Premier problème, les négociations ayant eu lieu en 2008 ont montré qu’une partie encore limitée mais croissante des avantages sont négociés en dehors du cadre de régulation, certaines voix, heureusement minoritaires, s’étant même fait entendre en faveur de son abrogation. Bref, une tentative à peine voilée de remettre en cause un système basé sur la solidarité…

L’implication précoce et inédite de deux partis politiques (parti nationaliste et sociaux-démocrates) lors des dernières négociations est également de nature à dénaturer un système basé sur l’autorégulation…

Le manque de main-d’œuvre placera ensuite certaines professions (notamment les infirmières) en position de force lors des futures négociations. Des divisions catégorielles qui ne risquent pas d’être atténuées après l’accord donné récemment par le gouvernement sur le principe de l’instauration d’une commission sur les salaires dont les travaux sont censés servir de base au renouvellement des conventions collectives en 2011. D’où le risque de déboucher sur une foire d’empoigne tant les sujets abordés sont vastes (parité, différences de salaires  entre privé et public…).

Dernier point, l’expiration, au 1er mai 2009, de l’accord (« Østaftalen ») passé avec les pays récemment entrés dans l’Union Européenne. Une expiration qui signifie que les ressortissants de ces pays pourront, à partir de cette date, venir librement travailler dans le pays. Comment peut-on garantir que les nouveaux arrivants connaîtront bien leurs droits et seront effectivement couverts par des conventions collectives?

4) La concurrence en termes d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Craignant déjà qu’on leur retire le rôle important qu’elles jouent aujourd’hui en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi, les caisses d’assurance-chômage doivent depuis peu faire face à une concurrence inattendue en ce qui concerne le volet indemnisation. Elles proposent en effet, au-delà de l’assurance-chômage de base en vigueur aujourd’hui (cotisation volontaire d’un montant proche de 650€/an en moyenne donnant donc lieu en cas de chômage à une allocation d’environ 2050€/mois), une assurance complémentaire permettant de toucher jusqu’à 4000€/mois en plus de l’allocation chômage de base. C’est sur ce segment de l’assurance complémentaire qu’elles doivent désormais faire face à une offre concurrente dont le financement est assuré de manière totalement privée en dehors du cadre traditionnel de caisses d’assurance-chômage (3). L’enjeu est donc d’évaluer les conséquences de ce début de privatisation sur le système…

5) La mise entre parenthèses de la formation continue? Dans une situation de manque de main-d’œuvre comme celle vécue en 2006 et 2007, maintenir une politique de formation continue qui soit ambitieuse est un exercice difficile. L’expérience a en effet montré que le demandeur d’emploi était bien souvent poussé vers l’activité sans véritable accompagnement en termes de formation ou de réflexion spécifique sur ses qualifications. Le risque étant bien entendu que faute d’une véritable politique de formation continue, le modèle ne puisse s’adapter aussi bien qu’il ne l’a fait ces dernières années aux évolutions rapides induites par la mondialisation…

Les défis de long terme auxquels le modèle danois de flexicurité doit faire face sont donc nombreux. Connaissant les facultés d’adaptation des Danois et leur légendaire capacité à négocier, on peut raisonnablement penser que des solutions seront trouvées à ces évolutions préoccupantes. La vigilance s’impose toutefois: à quoi bon tendre vers le modèle danois de flexicurité au niveau européen si celle-ci se transforme peu à peu en un mirage ?

(1) “Danske dagpenge i bund i forhold til nabolande”, LO Ugebrev, 27 octobre 2010. http://www.ugebreveta4.dk/2008/200836/Baggrundoganalyse/Danske_dagpenge_i_bund_i_forhold_til_nabolande.aspx

(2) “Danskerne dropper a-kassen”, Børsen, 21 janvier 2009

(3) Consulter le site http://www.flexlonsikring.dk/Sider/Default.aspx. C’est le syndicat Frie Funktionærer (https://www.f-f.dk/da-DK/Sider/forside.aspx) qui possède la compagnie d’assurance proposant cette assurance complémentaire (FF Forsikring A/S).

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La décentralisation intégrale des jobcenters danois

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Attendue pour la semaine prochaine, l’adoption de la Loi de Finances 2009 ne sera sans doute commentée qu’à travers le prisme de la crise financière. Sous pression, le gouvernement danois a finalement consenti 2 milliards d’€ de dépenses supplémentaires. Mais la principale mesure annoncée est d’une toute autre nature. Elle concerne l’évolution du modèle de flexicurité à travers la “communalisation” intégrale, à compter du 1er août 2009, de la gestion des jobcenters issus de la réforme des collectivités territoriales.

Cette dernière, entrée en vigueur au 1er janvier 2007, avait débouché sur la mise en place de 91 jobcenters réunissant pour la première fois en un même lieu des employés des communes, chargés du suivi des demandeurs d’emploi non assurés contre le chômage, et des employés d’Etat, chargés, en coopération avec les caisses d’assurance chômage, du suivi de ceux (la grande majorité) assurés contre la perte de leur emploi. 14 des 91 jobcenters avaient alors été désignés comme des jobcenters “pilotes” dans la mesure où leur gestion avait été confiée aux seules communes concernées.

La décision du gouvernement d’attribuer la responsabilité de la gestion de tous les jobcenters aux seuls employés des communes et de désengager l’Etat du financement des allocations chômage n’est donc pas vraiment une surprise (1). Mais une fois n’est pas coûtume, elle n’a fait l’objet d’aucune négociation, devançant les pourparlers prévus à ce sujet avec les partenaires sociaux en 2010. Un empressement qui s’explique par l’ampleur des défis à venir en termes d’emploi mais aussi par l’échec récent des négociations entourant l’assurance chômage.

Le gouvernement souhaitait en effet abaisser la durée de perception des allocations chômage de 4 à 2 ans mais a été contraint de faire marche arrière au vu de la compensation sous forme d’une hausse des allocations chômage demandée par les partenaires sociaux et par certains partis politiques. Imposer dès 2009 une décentralisation intégrale de la gestion des jobcenters est donc une manière pour le gouvernement de garder l’initiative dans le domaine de l’emploi et de faire évoluer le modèle de flexicurité avant les incertitudes liées à la publication, d’ici juin 2009, des conclusions de la commission sur l’emploi (2).

La décision du gouvernement est basée sur deux principes. Celui de proximité du service, à la base d’une réforme des collectivités territoriales de 2007 qui avait renforcé les prérogatives des communes, et celui de rationalisation, puisque les jobcenters disposeront désormais d’une direction unique et d’un seul système administratif et informatique. Le gouvernement insiste également sur le fait que les communes étant désormais tenues de financer les allocations chômage, elles sont clairement incitées à faire de leur mieux afin de réduire le nombre de demandeurs d’emploi (3).

Bien que le gouvernement promette une supervision régionale et étatique renforcée de l’ensemble du système de l’emploi, les syndicats s’opposent aujourd’hui à ce projet, soulignant les inégalités constatées au sein des 98 communes danoises (en dépit d’un système de redistribution des communes riches vers les communes les plus pauvres) et le risque qu’en cas de hausse du chômage, certains postes budgétaires clés doivent en subir les conséquences.

Mais ce que craignent vraiment les syndicats, c’est que cette décision ouvre la voie à une remise en cause des responsabilités aujourd’hui assumées par les caisses d’assurance chômage en termes de suivi des demandeurs d’emploi. Des responsabilités pourtant élargies par l’accord sur l’Etat-Providence de 2006.

Ces évènements amènent les remarques suivantes:

Il semble encore une fois nécessaire de préciser que dans le contexte danois, il est hors de question de tendre vers une fusion entre jobcenters et caisses d’assurance chômage, au motif que les premiers doivent exclusivement se concentrer sur le suivi des chômeurs. Le moins que l’on puisse dire est que ce choix s’est jusqu’ici avéré judicieux…

La fusion ANPE-Unedic ne pouvait pas intervenir à un plus mauvais moment. La mise en place des jobcenters danois au 1er janvier 2007 a ainsi donné lieu à une période de flottement, heureusement sans grande conséquence au vu du contexte favorable constaté alors sur le marché de l’emploi. Il n’en va pas de même dans notre pays, Pôle Emploi étant loin d’être opérationnel et devant faire face à une forte montée du nombre de chômeurs, ce qui n’augure rien de bon…

Le mouvement de grève vécu au sein de l’ANPE début décembre doit être soutenu par le Mouvement Démocrate. Vouloir fusionner une institution publique (ANPE) avec des organismes privés (Assedic) est une folie illustrant une fois de plus le vide sidéral de la pensée de dirigeants obnubilés par leurs désirs de grandeur. Si la France est aujourd’hui en déliquescence, elle le doit à une floppée de politiciens qui ne jouent que sur les apparences: le logo Pôle Emploi est peut-être clinquant, suggérant un zeste de dynamisme, mais derrière, c’est le vide…Un projet qui ne va pas sans rappeler certaines autres annonces de façade comme le lancement de l’Union pour la Méditerranée ou plus récemment la création, superflue et contraire à la logique de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), d’un poste de ministre de la relance…

La complexité de la fusion est illustrée par le blog “La fusion ANPE-Unedic pour les nuls”, tenu par des employés des deux organismes. A titre d’exemple, l’extrait suivant, symbole de l’arbre qui cache la forêt: “Voilà quelques semaines, le directeur régional de l’antenne bourguignonne de l’assurance-chômage a convoqué les syndicats à la table des négociations. Objet de la réunion : l’accord local relatif aux trente-cinq heures, qui prévoit la fermeture des Assédic lors des ponts. Le hic ? Vendredi 2 janvier, alors que les bureaux des Assédic seront fermés, les agences de l’ANPE ouvriront leurs portes, service public oblige. Un décalage du plus mauvais effet, au moment où les deux organismes viendront juste d’être fusionnés” (4). Pour un premier jour, ça commence bien!

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Evolutions en termes de flexicurité, annonce d’une réforme en profondeur de la fiscalité…Le Danemark, pas moins touché par la crise financière que ses partenaires européens, continue d’avancer, loin du bourbier représenté par une fusion des activités de placement des chômeurs et de leur indemnisation. L’occasion d’appeler une nouvelle fois à de vraies réformes structurelles dans notre pays…

(1) Les communes assurent déjà une partie du financement de l’allocation appelée kontanthjælp, octroyée sous conditions à ceux non assurés contre le chômage.

(2) Des conclusions préliminaires ont été présentées fin septembre 2008. Consulter le site de la Commission sur l’Emploi (en danois): http://www.amkom.dk/nyheder/arbejdsmarkedskommissionen-fremlaegger-delrapporten-”arbejde-vaekst-og-velfaerd”-d-29-september-2008.aspx

(3) Le texte relatif à la communalisation de la gestion des jobcenters est disponible sur le site du Ministère de l’Emploi (en danois): www.bm.dk   

(4) “Les cernes sous les yeux de Christian Charpy en disent long”, 21 novembre 2008. http://www.lafusionpourlesnuls.com/

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L’emploi des séniors: un débat incontournable (1)

IMG_0233Au Danemark plus qu’ailleurs, l’emploi des séniors est une priorité nationale. La raison de ce constat est simple: avec un taux de chômage de seulement 1,6% en septembre 2008, le pays, dont le taux d’emploi est déjà le plus élevé de l’UE (76,8%), a besoin de mobiliser toutes les énergies (1).

Pour autant, les autorités danoises n’ont pas attendu d’être confronté au manque de main-d’oeuvre pour faire des efforts en termes d’emploi des séniors. Plusieurs séries de mesures ont ainsi été prises depuis le milieu des années 90 avec comme objectif ultime de maintenir le même niveau d’Etat-providence en dépit d’évolutions démographiques défavorables. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui: le plan économie 2015 vise une augmentation de la main-d’oeuvre de 20 000 personnes alors que le nombre de personnes quittant le marché du travail excède désormais chaque année le nombre d’entrants de 5 à 10 000.

Les progrès effectués dans ce domaine ont été rapides: entre 2000 et 2007, le taux d’emploi des 55-59 ans est passé de 70,4 à 77,8% (soit davantage que la moyenne nationale!), celui des 60-64 ans de 30,6 à 40,5% (2). A titre de comparaison, il n’atteint même pas 18% en France pour cette dernière catégorie.

Toute amélioration sensible du taux d’emploi des 60-64 ans est aujourd’hui exclue à court terme en raison de l’existence d’un dispositif de préretraite rassemblant près de 147 000 personnes (environ 4,5% de la population en âge de travailler). Considéré comme un véritable acquis social, ce dispositif, ouvert aux membres d’une caisse d’assurance chômage ayant versé une contribution spécifique pendant 30 ans, ne sera pas réformé en profondeur avant 2019 (élévation de 60 à 62 ans de l’âge minimum pour en bénéficier, conformément à l’accord sur l’Etat-providence de 2006).

Tout progrès semblant difficile à accomplir en termes de taux d’emploi des 60-64 ans, le gouvernement danois, afin de faire face aux défis cités précédemment, doit donc  concentrer ses efforts sur la catégorie des plus de 65 ans. Le taux d’emploi qui les entoure, bien que 4 fois plus élevé qu’en France (12,5% contre 3%) est en effet plus faible que celui constaté dans les autres pays nordiques (3).

C’est donc à la lumière de toutes les informations citées précédemment que la décision, prise récemment, d’éléver de 65 à 70 ans la mise à la retraite d’office, doit être comprise. L’ensemble des acteurs économiques sont conscients que le nombre de personnes potentiellement intéressées par le fait de travailler au-delà de 65 ans est nécessairement limité malgré les incitations proposées par le gouvernement (notamment une majoration de la pension d’Etat en cas de son report, qui peut aller jusqu’à 75 ans!). Mais dans le contexte actuel, chaque individu qui décide volontairement de rester en activité contribue à sauvegarder le modèle danois d’Etat-Providence.

Il est donc utile de préciser que le modèle danois est basé sur le principe du libre choix et que seuls ceux désirant bénéficier du dispositif de préretraite dès 60 ans sont financièrement pénalisés (il faut en effet attendre 62 ans pour pouvoir bénéficier d’une allocation préretraite complète). Autrement dit, l’introduction de la retraite volontaire à 70 ans ne modifie en rien le droit de toucher une pension d’Etat pleine à 65 ans, ce dernier principe étant gravé dans le marbre dans le cadre de l’accord sur l’Etat-Providence de 2006. A partir du moment où le principe de retraite volontaire à 70 ans n’implique pas de pénalité pour ceux qui préfèrent (on peut les comprendre) ne pas partir à la retraite après 65 ans, il ne peut être considéré comme une régression sociale”.

En France, la retraite volontaire à 70 ans est pour le moins contreversée, même du côté des employeurs. Un article du journal Les Echos avancait ainsi cette semaine que “certains employeurs estiment également que cela va dissuader l’embauche de salariés âgés, dont il sera très difficile de se séparer, sauf à trouver des astuces pour licencier” (4). Outre une dissuasion d’embaucher des salariés âgés qui n’est vérifiée dans aucun pays ayant appliqué cette mesure, puisque les taux d’emploi des séniors ne cessent d’augmenter, il faut souligner que cette dernière vise précisément à empêcher que les employeurs ne se séparent de leurs séniors en mettant fin au préjugé selon lequel la relative usure physique ne pourrait soudainement plus (disons au moment où un individu passe de 64 ans et 364 jours à 65 ans) être compensée, pour certains métiers, par l’expérience. A partir du moment où le principe de retraite volontaire à 70 ans contribue à lutter contre la discrimination dont les séniors font l’objet sur le marché du travail, il ne peut être considéré comme une “régression sociale”. La véritable “régression sociale” aujourd’hui, c’est de tolérer les taux d’emploi des séniors que nous avons en acceptant que les employeurs se débarassent des personnes âgées de plus de 55 ans.

Mais il est vrai qu’en termes de discrimination et de changement de mentalité, beaucoup reste à faire: la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) réagissait, au cours de la semaine, de cette manière à la retraite volontaire à 70 ans: “Il pourra y avoir une amicale pression du salarié sur son employeur, le salarié étant prêt à partir mais en discutant des conditions financières de ce départ. Si l’employeur lui dit non, le salarié va dire : alors je reste ! C’est la porte ouverte à toutes les dérives” (5). Il est vrai que dans le cas, finalement le plus improbable, où le salarié resterait, ce serait vraiment dommage pour l’entreprise en question…

La retraite volontaire à 70 ans ne peut être considérée comme une “régression sociale” si elle s’insère dans une politique globale envers les séniors, ce qui semble bien être le cas aujourd’hui. Rappelons que le thème de l’emploi des séniors a fait l’objet, au cours de l’année 2008, de débats entre gouvernement et partenaires sociaux. Un plan spécifique a été rendu public au mois de mai (6).

En conclusion, pour une fois que le gouvernement s’inspire réellement de ce qui se fait (et surtout, de ce qui marche) au Danemark, il est normal de ne pas s’y opposer. Ce qui pose plus problème, c’est la méthode utilisée par le gouvernement pour faire passer cette loi et sans doute également le très mauvais timing de son annonce. Mais la retraite volontaire à 70 ans n’est pas une mesure intrinsèquement mauvaise. Elle pose la question de l’approche que le Mouvement Démocrate doit avoir des grandes problématiques économiques. Il s’agit donc d’éviter de tomber dans le piège d’une posture purement idéologique et fermée aux défis qui attendent notre pays à moyen-long terme.

C’est en adoptant une telle posture qu’on en arrive à la poursuite, ridicule, de la grève des pilotes d’Air France malgré le texte du gouvernement, qui “garantit aux pilotes la possibilité de pouvoir cesser leur activité comme aujourd’hui à 60 ans» et «sur la base du volontariat, de poursuivre leur carrière entre 60 et 65 ans, avec la garantie de pouvoir, à tout moment pendant cette période, cesser leur activité aux mêmes conditions financières qu’actuellement» (7).

Plutôt que de s’attarder sur une mesure dont les conséquences sont largement surévaluées, il serait préférable de se concentrer sur le lancement d’un véritable débat sur l’emploi des séniors. Peut-être en comparant les mesures proposées par le gouvernement juste avant l’été avec ce qui a été accompli au Danemark depuis quelques années? A suivre…

(1) Données Danmarks Statistik 2007 www.dst.dk

(2) Données Danmarks Statistik 2007 www.dst.dk

(3) Données Eurostat 2006 www.ec.europa.eu/eurostat/

(4) “Mise en retraite d’office à 70 ans: le patronat divisé” Les Echos, 4 novembre 2008. http://www.lesechos.fr/patrimoine/retraite/300306254-le-patronat-divise-sur-la-fin-de-la-mise-en-retraite-d-office-a-65-ans.htm

(5) “Mise en retraite d’office à 70 ans: le patronat divisé” Les Echos, 4 novembre 2008. http://www.lesechos.fr/patrimoine/retraite/300306254-le-patronat-divise-sur-la-fin-de-la-mise-en-retraite-d-office-a-65-ans.htm

(6) Mobilisation en faveur de l’emploi de séniors: mesures retenues par le Gouvernement à l’issu de la concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre du rendez-vous 2008 sur les retraites. http://www.pdfdownload.org/pdf2html/pdf2html.php?url=http%3A%2F%2Fwww.lefigaro.fr%2Fassets%2Fpdf%2Femploi-seniors.pdf&images=yes

(7) “Air France: la grève continue” Le Figaro, 15 novembre 2008. http://www.lefigaro.fr/societes/2008/11/15/04015-20081115ARTFIG00484-air-france-la-greve-sur-le-point-de-se-terminer-.php

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La retraite volontaire à 70 ans n’est pas une régression sociale

IMG_0333On ne peut pas toujours être d’accord avec les positions adoptées par la direction du parti politique auquel on appartient. Après avoir pris connaissance de la réaction de François Bayrou à l’amendement, adopté par les députés le 1er novembre, qui laisse la possibilité aux salariés qui le souhaitent de partir à la retraite jusqu’à 5 ans plus tard, soit jusqu’à 70 ans (qualifié de “régression sociale”), je réalise que nous tenons là un véritable sujet de divergence sur le plan économique (1). Mais plutôt que de rester sur ce constat, profitons de l’occasion pour initier un débat sur les retraites et sur l’emploi des séniors, des thèmes à propos desquels le Danemark offre une nouvelle fois des éléments de comparaison utiles.

Les caractéristiques du modèle danois

1) L’accord sur l’Etat-Providence de juin 2006: l’âge minimum pour bénéficier du dispositif de préretraite passe de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022 (à raison de 6 mois par an), tandis que l’âge légal de la retraite passe de 65 à 67 ans entre 2024 et 2027 (également à raison de 6 mois par an). Après cette date, l’évolution de l’âge minimum de départ anticipé à la retraite (62 ans) suivra celle de l’espérance de vie moyenne, un écart de 19 ans et demi devant être conservé entre les deux. Autrement dit, l’espérance de vie moyenne augmentant, l’âge légal de la retraite suivra la même évolution (rappelons que tous les partis politiques qui comptent ont approuvé cette logique implaccable).

2) Pour percevoir la retraite d’Etat (Folkepension) dans sa totalité à partir de 65 ans, il suffit d’avoir vécu dans le pays pendant 40 ans entre l’âge de 15 ans et de 65 ans (2). Une personne ayant vécu seulement 35 ans dans le pays entre ces deux âges percevra donc 35/40ème de cette même retraite. La retraite d’Etat ne suit donc pas une logique d’annuités de cotisations.

3) Une nouvelle loi portant sur les discriminations vécues sur le marché du travail est entrée en vigueur au 1er janvier 2008. Elle stipule, comme aujourd’hui en France, que la mise à la retraite d’office passe de 65 à 70 ans (3). Bien qu’également adoptée à la va-vite, cette loi n’a à aucun moment été interprétée comme une “régression sociale”, tous les acteurs étant conscients de la logique anti-discrimination qu’elle porte (de la même manière, une personne de moins de 70 ans ne peut faire l’objet d’une discrimination à l’embauche sur son âge). Adoptée après l’accord sur l’Etat-Providence, elle ne signifie en aucun cas que « l’âge de la retraite est insidieusement repoussé à 70 ans » (4).

4) Accentué par le manque de main-d’oeuvre, l’effort du Danemark envers les séniors se reflète dans leur taux d’emploi. Ce dernier est ainsi supérieur à la moyenne nationale pour les 55-59 ans (78%), tandis qu’il dépasse légèrement les 40% pour les 60-64 ans malgré l’existence d’un dispositif de préretraite important (5). Pour l’ensemble de la catégorie des 55-64 ans, il atteint quasiment 60% au Danemark contre 38% en France. Il n’est donc pas possible de prétendre mener une véritable politique favorisant l’emploi des séniors sans recourir au minimum à des mesures basées sur le volontariat (nous analyserons dans un prochain article que le Danemark obtient de meilleurs résultats que la France du fait de mesures qui vont plus loin que la loi citée précédemment). Ajoutons qu’au vu des évolutions démographiques actuelles (vieillissement de la population), il n’est jamais trop tôt pour mettre en place une politique bénéfique à long terme, quand bien même le chômage repart aujourd’hui fortement à la hausse.

La retraite volontaire à 70 ans: un impératif

Le départ volontaire à la retraite à 70 ans ne peut être considéré comme une “régression sociale” lorsqu’il est regardé du point de vue de l’employé. Ne désirons-nous pas avoir le choix de prendre notre retraite quand bon nous semble? Combien ont déjà été empêchés par un système archaïque de pouvoir poursuivre leur activité après 65 ans (quand bien même leur nombre serait limité, cette situation a un coût qui ne peut être toléré au vu de l’état de nos finances publiques)?

Il n’y a qu’à voir la réaction de la partie employeur pour se convaincre des bienfaits de cet amendement pour les employés: la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) déclarait ainsi au cours de la semaine qu’ “imposer le maintien d’un salarié contre la volonté de son employeur, c’est ouvrir à la porte à toutes les dérives » (6). Sans jamais préciser lesquelles…

Dans un des mes précédents articles, intitulé “Offre raisonnable d’emploi: le Danemark mis hors jeu”, je fustigeais la philosophie du projet de loi adopté par le gouvernement dans ce domaine. Mais il faut reconnaître qu’une des dispositions adoptées est toutefois bénéfique si nous voulons faire des séniors des employés comme les autres: la levée progressive, à partir de 2009, de la dispense de recherche d’emploi (DRE) accordée jusqu’ici aux chômeurs de plus de 57 ans et demi. Dans cette optique, soumettre ceux de plus de 57 ans et demi aux mêmes conditions que tous les autres demandeurs d’emploi tout en laissant perdurer, en s’opposant notamment à l’idée d’une retraite volontaire à 70 ans, un système caractérisé par la forte discrimination dont sont victimes les séniors sur le marché de l’emploi, c’est de la pure hypocrisie.

En conclusion, peut-être faudrait-il arrêter de raisonner en termes d’avancée ou de régression par rapport à un modèle social français qui n’est plus qu’une illusion. Le plus tôt nos dirigeants le comprendront, le plus loin ils iront dans les réformes et le mieux notre pays se portera. La retraite volontaire à 70 ans n’est ni une avancée, ni une régression, c’est un impératif.

La régression sociale de la semaine: les déclarations de Xavier Bertrand sur la GB

La régression sociale de la semaine n’est peut-être finalement pas celle que l’on croit. En visite cette semaine en Grande-Bretagne, Xavier Bertrand, le Ministre du Travail, ne tarissait pas d’éloges sur un “modèle” britannique de l’emploi marqué selon lui par une “approche globale” et une volonté “d’aider à trouver un emploi et à le conserver” (7). Une conception bien limitée de “l’approche globale” lorsque l’on sait qu’au vu du manque de main-d’oeuvre, certaines caisses d’assurance chômage danoises proposent désormais d’intervenir à l’avance afin d’éviter que leurs membres perdent leur emploi (voir “Le Danemark dans l’ère post-chômage”).

Et le Ministre d’ajouter, toujours à propos du “modèle” britannique, que “leur seule logique, c’est celle du client, du demandeur d’emploi. C’est de lui offrir les prestations, les services nécessaires pour qu’il retrouve un emploi et qu’il le garde, grâce à une logique de guichet unique”. Une manière de légitimer une nouvelle fois la fusion ANPE/Unedic…

Autant dire que malgré les engagements pris au niveau européen de suivre le modèle dit de flexicurité (qui n’est pas britannique, à moins que quelque chose m’ait échappé), la France s’en éloigne chaque jour davantage. Dans ce contexte, le véritable combat que le Mouvement Démocrate doit mener n’est pas celui sur l’amendement, somme toute pragmatique, adopté sur la retraite volontaire à 70 ans, mais celui sur le refus du « modèle » de l’emploi britannique au bénéfice d’un autre, basé sur les expériences danoises et nordiques.


(1) “Travail jusqu’à 70 ans: une régression sociale” François Bayrou, 7 novembre 2008. http://www.mouvementdemocrate.fr/actualites/bayrou-deplacement-epinal-061108.html

(2) La retraite d’Etat est composée d’un montant de base de 680€ par mois et d’un montant additionnel pouvant atteindre jusqu’à 690€, dépendant de critères comme la fortune personnelle ou la situation familiale.

(3) “Automatisk pensionsalder blev hævet fra 65 til 70” Dansk Erhverv, 28 novembre 2007. http://www.danskerhverv.com/1+JuraRaadgivning/1.13+Ansaettelsesvilkaar/1.13.08+Forskelsbehandling/2007.01.18+Automatisk+pensionsalder+haevet+fra+65+til+70.htm?mode=Print

(4) “La retraite à 70 ans, nouvelle entaille dans notre modèle social” Rue 89, 2 novembre 2008. http://www.rue89.com/2008/11/02/la-retraite-a-70-ans-nouvelle-entaille-dans-notre-modele-social

(5) Données Danmarks Statistik www.dst.dk

(6) “Retraite à 70 ans?” Le Monde, 4 novembre 2008. http://www.lemonde.fr/opinions/article/2008/11/04/retraite-a-70-ans_1114469_3232.html

(7) “Emploi: Xavier Bertrand séduit par la GB” Le Figaro, 6 novembre 2008. http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2008/11/06/01011-20081106FILWWW00673-emploi-bertrand-seduit-par-la-gb.php

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Le plan emploi ou l’échec programmé d’un gouvernement

IMG_0328 Présenté au cours de la semaine par Nicolas Sarkozy, le plan emploi, destiné en partie à faire face à la remontée du chômage induite par la crise financière, était l’occasion de faire le point sur la logique qui sous-tend aujourd’hui l’action du gouvernement dans ce domaine. Un plan caractérisé par le recours à de vieilles recettes, la formulation de promesses infondées, la présentation tendancieuse des expériences vécues au Danemark dans le but de convaincre de l’efficacité d’une orientation par avance décidée (fusion ANPE-Unedic)…Un bilan consternant.

Les vieilles recettes ou une politique sans inspiration

Comme le faisait remarquer cette semaine André Zylberberg, Directeur de recherche au CNRS et membre de l’Ecole d’économie de Paris, à propos des 100 000 contrats aidés supplémentaires promis par le gouvernement, “C’est le retour à un traitement social du chômage bête et méchant comme on ne pouvait plus l’imaginer. Toutes les études montrent que cela ne marche pas et la plupart de nos voisins ont abandonné ce type de mesures artificielles et déconnectées du marché de l’emploi” (1).

Mais peut-on vraiment parler de 100 000 contrats supplémentaires? On peut en douter en parcourant le blog Déchiffrages, citant Raymond Soubie, Conseiller du Président pour les affaires sociales: “Avec les mesures annoncées hier, le nombre des contrats aidés de l’économie française sera le même nombre que celui qu’on a enregistré en 2006 et en 2007. Simplement, les projets de budget envisageaient une baisse énorme des contrats aidés ; et il est apparu qu’en situation de stabilisation ou de hausse prévisible du chômage, il n’était pas logique de le faire. Donc la mesure n’est pas un retour en force du traitement social du chômage” (2).

Autrement dit, un immobilisme pur et dur que le PS, avec de prétendues contre-propositions (réintroduction de 350 000 emplois jeunes), ne fait que conforter (3). Un immobilisme qui prend racine dans l’incapacité de nos dirigeants à se défaire de certains modes de pensée et à prendre en compte le fait qu’il existe un monde au-delà de nos frontières. Pour preuve, la déclaration suivante de Nicolas Sarkozy à propos de l’instauration d’une véritable sécurité sociale professionnelle: “Nous devons aller plus loin parce que notre droit du travail est supposé l’un des plus protecteurs du monde, mais nous sommes depuis longtemps le pays où le sentiment d’insécurité de l’emploi est le plus élevé” (4).

Un commentaire qui appelle les questions suivantes: désirons-nous vraiment un marché du travail dont le fonctionnement serait basé sur le principe de sécurité de l’emploi, autrement dit sur un principe affaiblissant le dynamisme de notre société?  Ne serait-il pas souhaitable de se battre pour la mise en place d’un modèle basé sur des allocations chômage d’un niveau suffisant pour ne pas faire du chômage une expérience plus traumatisante qu’elle ne doit l’être, sur une formation continue qui ne soit pas uniquement réservée à une élite et sur un réel accompagnement des demandeurs d’emploi, bref sur des principes favorisant au contraire une certaine mobilité?

Les promesses du gouvernement ou l’art de prendre des vessies pour des lanternes

La fusion ANPE-Unedic parviendra peut-être à améliorer le fonctionnement des services publics de l’emploi. Mais elle ne saurait suffire à résoudre les problèmes posés par l’accompagnement des chômeurs et par l’inadéquation entre offre et demande d’emploi. Dans ce contexte, l’avalanche de promesses faites par le gouvernement n’est pas sérieuse.

Au moment de la présentation de cette réforme, Christine Lagarde assurait de son efficacité: «Cette fusion doit nous permettre de ramener le taux de chômage à 5% avant la fin du quinquennat et nous rapprocher d’un taux d’emploi de 70%» (5). Et Laurent Wauquiez, au mois d’octobre 2008, de renchérir: « à l’horizon de trois ans, la France doit bénéficier du service public de l’emploi le plus moderne et le plus efficace d’Europe » (6). Une question s’impose: nous promettra-t-on le plein emploi la prochaine fois que de nouvelles mesures seront présentées dans ce domaine?

Le guichet unique danois ou la déformation d’un modèle

Pour convaincre de l’efficacité de la fusion ANPE-Unedic, rien de plus de simple que de prendre le meilleur élève de la classe, à savoir le Danemark, de prétendre en étudier le modèle et de le présenter de telle manière qu’il s’accorde avec vos intentions…C’est ce que fait le rapport Besson, intitulé “Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni” et publié en juillet 2008.

Page 15 on peut y lire l’analyse suivante: “En 2007, dans le cadre d’une vaste réorganisation administrative (Strukturreform), le nombre de communes a été réduit à 98. Dans chacune de ces municipalités, un jobcenter regroupe désormais l’agence locale de l’emploi, en charge des prestations d’assurance et le bureau municipal qui gérait auparavant l’allocation d’assistance. Ce “guichet unique” constitue le lieu d’accueil unique de l’ensemble des demandeurs d’emploi de la commune pour les activités de suivi et de placement. Les caisses d’assurance-chômage et les bureaux communaux continuent de verser les allocations, mais les demandeurs d’emploi ont très peu de contacts avec ces organismes” (7).

Page 18, le rapport enfonce le clou: “Depuis la réforme de 2007, le demandeur d’emploi s’adresse exclusivement au jobcenter de sa commune de résidence pour toutes les démarches relatives au suivi et au placement. Ce jobcenter regroupe en un même lieu les équipes en charge des bénéficiaires de l’assurance-chômage (Agence Nationale de l’Emploi) et de l’assistance (bureau communal)”.

Des propos pour le moins étranges lorsqu’il apparaît qu’en réalité le suivi des chômeurs est certes uniquement assuré par le jobcenter dans le cas où le demandeur d’emploi n’est pas assuré contre le chômage mais qu’il est partagé avec les caisses d’assurance-chômage, lorsque le demandeur d’emploi est assuré contre le chômage, en sachant que 73% de la main-d’oeuvre totale se trouve aujourd’hui dans cette catégorie…Ajoutons que les caisses d’assurance-chômage, avec lesquelles les demandeurs d’emplois n’auraient soit disant que “très peu de contacts”, ont vu leur rôle en termes de suivi des chômeurs renforcé par l’accord sur l’Etat-Providence de 2006, preuve que l’efficacité du modèle danois repose aujourd’hui plus que jamais sur une dualité que l’on tente de nous dissimuler…

Preuve de ce partage des responsabilités en termes de suivi des chômeurs, le texte de l’accord lui-même: “Les caisses d’assurance-chômage sont un acteur central de la politique de l’emploi en raison de la connaissance approfondie qu’elles ont des profils et des possibilités d’emploi de leurs membres. Cette situation leur donne de bonnes chances de faire correspondre l’offre et la demande. Le rôle des caisses d’assurance-chômage est donc renforcé dans une série de domaines de sorte que leurs ressources soit mieux utilisées qu’elles ne le sont aujourd’hui” (8).

Til forsiden

Parmi les responsabilités qui leur sont confiées:

– 1er contact avec tous les demandeurs d’emploi assurés contre le chômage. Entretien centré sur le CV du demandeur d’emploi. Les caisses d’assurance-chômage sont tenues, dans un délai d’un mois, de faire un tour d’horizon individuel des possibilités d’emploi, de réaliser un examen de compétences et de fournir une aide à la rédaction du CV.

– Propositions d’emploi

– Entretien de disponibilité avec le demandeur d’emploi (tous les 3 mois) afin de vérifier que ce dernier recherche effectivement du travail.

(1) “On a rien appris de nos erreurs” Libération, 29 octobre 2008. http://www.liberation.fr/economie/0101165501-on-n-a-rien-appris-de-nos-erreurs

(2) “Des contrats aidés en nombre égal quoique moins nombreux” Blog Déchiffrages, 30 octobre 2008. http://dechiffrages.blog.lemonde.fr/2008/10/30/des-contrats-aides-en-nombre-egal-quoique-moins-nombreux/

(3) “Le contre plan emploi dépassé du PS” Blog Les dessous du social, 31 octobre. http://blog.lefigaro.fr/social/2008/10/le-ps-sait-comment-sauver-lemp.html

(4) “Emploi: Sarkozy prêt à lever les tabous” Le Figaro, 29 octobre 2008. http://www.lefigaro.fr/economie/2008/10/29/04001-20081029ARTFIG00334-emploi-sarkozy-pret-a-lever-les-tabous-.php

(5) “La fusion ANPE-Unedic effective dans six mois ou un an”, La Tribune, 2 octobre 2007: http://www.latribune.fr/info/La-fusion-ANPE-Unedic–effective-dans-six-mois-ou-un-an—selon-Christine-Lagarde-~-ID7DFE03B60E1CE0CBC125736800307C76-$RSS=1

(6) “Pôle Emploi, le service public de l’emploi” Site du Premier Ministre, 17 octobre 2008. http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/travail_859/pole_emploi_service_public_61387.html

(7) “Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni” Rapport Besson, juillet 2008 pages 15 et 18. www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000461/

(8) “Aftale om fremtidens velstand og velfærd og investeringer i fremtiden” Accord sur l’Etat-Providence, juin 2006, page 42. www.fm.dk/db/filarkiv/15159/velfaerdsaftale.pdf

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Le Danemark dans l’ère post-chômage?

IMG_0227En affirmant récemment, d’une manière bien maladroite, que l’économie danoise tirerait bénéfice d’un taux de chômage plus élevé, Niels Bernstein, Directeur de la Banque Nationale, traduisait bien la situation de l’emploi inédite à laquelle le Danemark semble devoir s’habituer: le manque de main-d’oeuvre (1).

Trois données viennent illustrer ce constat: un taux de chômage de seulement 1,6%, un nombre d’offres d’emplois non pourvues estimé à 39 000 et surtout l’exigence, formulée par la commission sur l’emploi, d’accroître la main-d’oeuvre de 50 à 100 000 personnes afin de parvenir à maintenir le niveau actuel d’Etat-Providence à l’horizon 2015.

Le fort ralentissement économique qui prévaut à l’heure actuelle (le taux de croissance ne pourra excéder 1% cette année et ne devrait atteindre que 0,5% en 2009) ne saurait remettre en cause le manque de main-d’oeuvre à moyen-long terme, même si les économistes prédisent logiquement une légère remontée du chômage d’ici la fin de l’année.

L’équation semble en tous les cas difficile à résoudre. Le recours à la main-d’oeuvre étrangère devrait être quelque peu facilité par la liberté totale donnée aux ressortissants des nouveaux pays membres de l’UE de venir travailler au Danemark à partir du 1er mai 2009 mais également limité pour des raisons politiques (présence du parti nationaliste danois dans la coalition parlementaire au pouvoir). Le dispositif de préretraite, considéré comme un droit qu’aucun gouvernement ne semble pouvoir remettre en cause (qui rassemble aujourd’hui 146 000 personnes) a de plus déjà fait l’objet d’un durcissement dans le cadre de l’accord sur l’Etat-Providence de 2006 (l’âge pour en bénéficier doit en effet passer de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022)…Une chose reste certaine: le taux d’emploi des 55-59 ans atteignant le même niveau, pour le moins élevé, que la moyenne nationale (environ 77%), tout accroissement significatif de la main-d’oeuvre passe par l’élévation du taux d’emploi des 60-64 ans (40,5%) (2).

Dans ce contexte, outre les entreprises danoises, dont la compétitivité prix est affectée par la hausse des salaires résultant du manque de main-d’oeuvre, les caisses d’assurance chômage perdent des membres (150 000 depuis 2000), également victimes de la baisse du taux de couverture des allocations chômage par rapport au salaire moyen (environ 60%). Tenues de regrouper au moins 10 000 membres pour poursuivre leurs activités, elles n’ont d’autre choix que d’élargir leur offre de services et de multiplier les avantages liés à une adhésion. La caisse d’assurance chômage CA a-kasse vient ainsi de lancer une campagne dans ce sens (3). Parmi les avantages proposés, en plus de frais d’adhésion déjà parmi les moins élevés du marché (50€ par mois):

– 50% de réduction sur deux des plus grands quotidiens du pays (Jyllands-Posten et Politiken).

– Des rencontres gratuites avec les conseillers de la caisse d’assurance chômage (conseil personnalisé, coaching, préparation à des entretiens d’embauche, participation à des formations/cours…).

– Des rencontres gratuites dites de networking avec des membres de la caisse d’assurance chômage appartenant à un même secteur d’activité.

– Une analyse gratuite de personnalité/profil.

– Un entretien gratuit avec un bureau de recrutement.

– Des réductions allant jusqu’à 50% sur les prix de formations proposées par des intervenants extérieurs dans les domaines de la communication, du développement personnel, du marketing, de l’économie, de la vente ou de l’informatique.

– Des réductions sur les livres.

– Des prix réduits dans le domaine des banques et des assurances (taux d’intérêts attractifs, commissions réduites, assurance complémentaire contre le chômage qui peut, dans certains cas, venir compléter de plus de 4 000€ les quelques 2 040€ correspondant au plafond actuel des allocations chômage.

CA a-kasse

Selon Christian Friis, Directeur de CA a-kasse, le but de cet activisme est clair: “L’idée est de proposer une aide lorsque nos membres en ont besoin. Stress, problèmes avec la direction, développement des compétences trop limité…Il y a des choses qui partent de rien mais qui peuvent déboucher sur la perte d’emploi. Nous proposons notre aide afin de remédier immédiatement aux problèmes, de sorte que nos membres puissent relever les défis auxquels ils sont confrontés et aller plus loin dans leur carrière sans passer par la case chômage” (4). Preuve s’il en est que le Danemark est entré dans une nouvelle ère…

Le marché du travail danois étant l’un des plus flexibles et des plus efficaces au monde, il n’est pas étonnant de le voir arriver parmi les premiers dans cette situation inédite,  favorisée par un vieillissement de la population auquel aucun pays européen n’échappe et dont une des autres conséquences est l’accroissement de la pression sur les quelques milliers de chômeurs restants (44 000 au mois d’août). La baisse de la durée de perception des allocations chômage de 4 à 2 ou 2 ans et demi est ainsi acquise pour 2009 alors qu’elle était encore d’une dizaine d’années à la fin des années 90.

Les politiques mises en oeuvre au Danemark envers les séniors sont aujourd’hui cruciales et doivent donc être suivies attentivement dans notre pays, en ayant bien à l’esprit que cette catégorie de population constitue l’axe essentiel de la préservation de nos Etats-Providence. Avec un taux d’emploi des 55-64 ans de seulement 38% (contre environ 60% au Danemark), nous avons en effet tout intérêt à nous inspirer au plus vite des pratiques danoises dans ce domaine.

(1) “Bernsteins bommert” Berlingske Tidende, 12 juin 2008.

http://www.berlingske.dk/article/20080612/ledere/706120028/

(2) Données Danmarks Statistik, www.dst.dk

http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1024

(3) CA a-kasse compte aujourd’hui 31 000 membres, la plupart diplômés en économie. www.ca.dk

(4) “A-kasse vil stoppe flugt med rabatter” Berlingske Tidende, 5 septembre 2008.

http://www.business.dk/article/20080904/karriere/709040044/

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Des allocations chômage relativement généreuses

IMG_0203Les réformes en cours dans notre pays dans le domaine de l’emploi rendent tout débat sur le niveau des allocations chômage inévitable. A ce propos, deux propositions formulées par Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle méritent le détour : « Comme souvent en France, en matière de chômage ou en matière de minima sociaux, on indemnise chichement, mais longtemps. Alors qu’il faudrait indemniser fortement, mais brièvement pour que chacun soit incité à reprendre rapidement un emploi », ou encore: « Je propose que l’allocation chômage ne puisse pas être inférieure au salaire minimum, mais que nul ne puisse refuser plus de trois offres d’emploi correspondant à ses compétences » (1).

Outre que l’on est passé depuis lors à deux offres d’emploi accompagnées de l’adjectif « raisonnable », qui sacrifient dans certains cas les conditions salariales de retour à l’emploi sur l’autel de la baisse du nombre de chômeurs, force est de constater que la philosophie du discours semble être tombée aux oubliettes. Pour preuve, l’augmentation des allocations chômage au 1er juillet 2008 (+2,5%), finalement inférieure à celle du coût de la vie…

Une présentation succincte du système danois s’impose : l’adhésion à une des 29 caisses d’assurance chômage est facultative et coûte en moyenne 650€ par an (déductible d’impôt). Ces caisses ont un statut privé et sont agréées par l’Etat. Depuis une réforme intervenue en 2002, certaines d’entre elles exercent une activité interprofessionnelle et couvrent donc plus qu’un métier ou une branche, ce qui a affaibli (mais pas pour autant remis en cause) la gestion dont elles font traditionnellement l’objet par les syndicats. L’adhésion à une caisse d’assurance chômage n’implique pas nécessairement d’adhésion à un syndicat (en moyenne 650€ par an, également déductible d’impôt). Enfin, tous les membres d’une caisse d’assurance chômage peuvent, s’ils le désirent, cotiser à hauteur de 660€ par an (montant fixe) pendant 30 ans (déductible d’impôt) à un dispositif de préretraite ouvert aux personnes de 60 à 64 ans (2).

Selon les chiffres du Ministère de l’Emploi, 77% de la population active était  membre d’une caisse d’assurance chômage en juin 2008 (72% étant effectivement assurés contre le chômage, la différence correspondant aux personnes en préretraite) (3).

Une fois les conditions de perception des allocations remplies (être membre d’une caisse depuis au moins un an, avoir travaillé pendant une période minimale au cours des trois années précédant le début du chômage…), les travailleurs salariés assurés à plein temps touchent une allocation plafonnée en pourcentage (90% du salaire antérieur) et en montant : 95€ par jour, 470€ par semaine, 2040€ par mois ou encore 24500€ par an (4). Il n’existe pas de salaire minimum légal au Danemark, mais ces allocations s’approchent indéniablement des salaires les plus bas pratiqués.

Comme tout revenu au Danemark, ces allocations sont toutefois soumises à l’impôt. Un rapide calcul révèle qu’une personne seule vivant à Copenhague dispose au final d’environ 17400€ en cas de chômage  pendant un an (la durée moyenne de chômage est aujourd’hui de 3 mois) (5). Un élément vient de plus relativiser la générosité des allocations chômage danoise : la baisse constante de leur taux de couverture du salaire précédemment perçu. Le plafond de 90% ne vaut plus que pour une infime partie de la main-d’œuvre, LO, la principale confédération syndicale danoise, ayant souligné que ces allocations ont été réduites de 25% par rapport au revenu moyen depuis les années 80 (6). Le taux de couverture moyen tourne donc aujourd’hui autour de 60%.

Une partie du décrochage s’explique par l’existence, depuis 1991, d’un dispositif retirant 0,3 points de pourcentage à l’ajustement entre allocation chômage et salaire moyen, ces 0,3 points étant affectés à des projets à forte dimension sociale (handicap, exclusion, intégration…).

En dehors du fait que l’indemnisation du chômage au Danemark correspond (correspondait ?) à l’idéal dépeint par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle (d’autant plus qu’au Danemark la réduction de la durée de perception de 4 à 2 ans semble désormais acquise pour 2009), quelles autres remarques peut-on tirer de l’expérience danoise dans ce domaine ?

– Les allocations chômage danoises, bien que moins généreuses que ce qui est souvent avancé, ne sont pas dégressives et offrent tout de même un bon filet de sécurité. Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’en dépit d’une situation de l’emploi florissante, 14,2% de la population active ait été à un moment donné touchée par le chômage en 2007 (7). Leur niveau est donc à n’en pas douter à la base de la forte mobilité de la main-d’oeuvre, les danois changeant en moyenne d’emploi tous les trois ou quatre ans. Ce dynamisme n’est-il pas préférable à la peur qui existe en France de perdre son emploi et à l’immobilisme qui en découle ?

– Le système danois est basé sur un plafonnement plus strict (2040€ par mois) qu’en France (jusqu’à 5640€ par mois!) mais il est au final plus juste socialement.

– Depuis les années 80, la baisse du taux de couverture des allocations par rapport au revenu moyen s’est effectuée à l’avantage des plus défavorisés.

– Les allocations chômage sont financées par les cotisations des membres (1/3) et l’impôt sur le revenu (2/3). Les employeurs ne contribuent donc pas au régime d’assurance chômage.

– Depuis l’accord sur l’Etat-Providence de 2006, les caisses d’assurance chômage ont hérité de davantage de responsabilités dans l’accompagnement des chômeurs (entretiens relatifs aux CV, conseils, entretien bilan après treize semaines de chômage, possibilité de proposer un emploi). Si l’indemnisation du chômage est du ressort exclusif des caisses d’assurance chômage, l’effort en termes d’accompagnement des chômeurs est donc partagé avec les jobcenters (comme quoi la solution du « guichet unique » n’est pas nécessairement la panacée…).

– Force est de constater le niveau de satisfaction élevé des demandeurs d’emploi vis-à-vis de leurs caisses respectives (85%), un niveau d’ailleurs égal à celui constaté en 2001 lors de l’arrivée au pouvoir de la coalition libérale…

N’est-il donc pas temps 1) de simplifier les règles entourant notre système d’assurance chômage et 2) de mettre en pratique ce que préconisait Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle lorsque l’on sait que l’assurance chômage indemnise aujourd’hui  de toute manière moins de 50% des chômeurs?

(1) Discours de Nantes du 15 mars 2007 et de Charleville-Mézières du 18 décembre 2006 http://www.u-m-p.org/propositions/index.php?id=allocations_chomage

(2) Pour toute information relative aux caisses d’assurance chômage, Arbjedsmarkedsdirektoratet (Agence Nationale du Travail), Benchmarking af a-kasserne 2007.

http://www.adir.dk/graphics/informationsprodukter/rapporter/2007/12_benchmarking_a-kasserne_2007/pdf/benchmarking_a-kasserne_2007.pdf

Pour la cotisation préretraite, consulter http://www.ca.dk/efterloen/3100.html

(3) ”Konjunktur og Arbejdsmarked Uge 26”, 23-27 juin 2008, www.bm.dk/sw27381.asp

(4) Ministère de l’Emploi, http://www.bm.dk/sw23340.asp A noter qu’en cas de non-assurance contre le chômage, le montant de l’allocation , versée par la commune et remboursée en partie par l’Etat, dépend de la situation familiale et financière. Elle est donc d’un montant 20 à 40% inférieur.

(5) Ministère des Impôts, www.tastselv.skat.dk

(6) ”Dagpengesystemet: en analyse af dagpengesystemets dækning”, LO, janvier 2006 http://www.lo.dk/upload/LO/Documents/D/Dagpengesystemet,%20en%20analyse.PDF

(7) Danmarks Statistik http://www.dst.dk/Statistik/Nyt/Emneopdelt.aspx?psi=204

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