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Gestion de la crise: leçons danoises à tous les étages

PC275459Rien de tel qu’un début d’année pour se livrer au jeu des pronostics. De la même manière qu’il ne fallait pas être devin pour prévoir que 2009 serait une « année grise », il n’est pas difficile de prédire que 2011 sera une année de vérité : celle où les masques finiront par tomber. Pour l’UE, les difficultés actuelles pourraient bien se traduire par une implosion de fait en deux groupes bien distincts. Ceux (pays nordiques et Allemagne) qui auront pris la mesure des défis nés de la crise et les autres, condamnés à une interminable gueule de bois.

En annonçant, lors de son discours du Nouvel An, la  suppression progressive de la préretraite, le Premier Ministre danois a peut-être renversé une situation qui, dans les sondages, semblait désespérée dans la perspective des élections, attendues pour le printemps. Pas seulement parce qu’une claire majorité de la population, consciente des enjeux actuels, soutient précisément cette réforme, mais parce que cette dernière a subitement donné à une frange encore indécise de l’électorat un sens et une cohérence à l’ensemble de l’action gouvernementale depuis le déclenchement de la crise. Parmi les principes élémentaires suivis:

1) La mise à profit de la période 2004-2007, particulièrement favorable, pour diviser la dette publique par deux, permettant l’adoption d’un plan de relance ayant compté, en proportion du PIB, parmi les plus importants du monde développé.

2) La mise à profit des exercices de prospective lancés à intervalles réguliers (dans ce cas précis le “plan économie 2015”) pour relancer l’économie. Programmée dès 2007, la réforme de la fiscalité, entrée en vigueur au 1er janvier 2010, est sous-financée dans un premier temps tout en consolidant les finances publiques à plus long terme.

3) L’implication de l’ensemble de la population dans le plan de redressement des finances publiques (réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, plafonnement des allocations familiales, repoussement des allègements d’impôt accordés aux plus hauts revenus, réduction du salaire des ministres…).

4) L’annonce, depuis l’automne 2010, de réformes structurelles de long terme visant l’expansion du marché du travail, face au retour annoncé du manque de main-d’oeuvre: pension d’invalidité et aujourd’hui préretraite.

5) Le lancement complémentaire d’un nouvel exercice de prospective, le “plan économie 2020” incorporant ces réformes structurelles et appelé à inclure d’autres initiatives destinées à s’assurer de l’atteinte d’objectifs par avance définis. Une manière efficace de renforcer la cohésion nationale en mettant au point une cartographie des obstacles à surmonter sur le chemin menant à la préservation du niveau actuel d’Etat-providence…

En résumé, face à l’incontournabilité du “travailler plus nombreux, plus et plus longtemps”, les autorités danoises ont, en l’espace d’un an et demi, remis à plat le fonctionnement du service de l’emploi (communalisation des jobcenter, réforme du mode de placement des demandeurs d’emploi), incité au travailler plus en abaissant la fiscalité sur le travail, réduit de moitié la durée de perception des allocations chômage et annoncé leur intention d’interdire l’octroi d’une pension d’invalidité pour les personnes de moins de 40 ans et de supprimer la préretraite pour les personnes aujourd’hui âgées de moins de 45 ans (avec comme objectif final d’augmenter l’âge de départ effectif moyen à la retraite, aujourd’hui de 61,3 ans).

Ces efforts ne seront pas suffisants pour assurer la soutenabilité des finances publiques danoises à plus long terme. Le Conseil des Sages pointait cette semaine du doigt le risque d’un déficit public augmentant de manière constante entre 2020 et 2050, date à laquelle il serait proche de 3%. “Nous ne croyons pas qu’un déficit continuel évoluant autour de 3% du PIB pendant 30 ans soit tenable” estimait son directeur dans la presse (1). D’où l’utilité du “plan économie 2020”…

Les réflexions sont donc désormais clairement orientées sur le long terme et la correction des déséquilibres qui risquent de survenir. Par contraste, a t-on une idée des défis budgétaires que la France rencontrera après 2013, année marquée par le très hypothétique retour du déficit budgétaire sous la barre des 3%? A t-on une idée sur la manière de réduire l’écart de près de 200 milliards d’euros constaté avec l’Allemagne en termes de solde de la balance commerciale (2)?

(1) http://www.business.dk/oekonomi/underskud-forsvinder-ikke-med-efterloennen

(2) http://bercy.blog.lemonde.fr/2011/01/07/commerce-exterieur-france-457-milliards-allemagne-141-milliards/

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Défense de la retraite à 60 ans (France) versus défense de la préretraite à 60/62 ans (Danemark)

P7251849Avant de poursuivre la revue (presque inépuisable une fois admise la thèse du délitement accéléré de notre pays) de ce que les Danois ont à nous apprendre, il peut sembler utile, à l’heure où la France est une nouvelle fois paralysée par la grève, de faire un dernier point sur le thème des retraites. Histoire de bien comprendre l’absurdité de la situation actuelle.

Pendant qu’une majorité de nos concitoyens apporte son soutien à un mouvement social dont les formes d’action sont en grande partie inacceptables en sans égal en Europe, une majorité de Danois se dit convaincue de la disparition, d’ici une dizaine d’années, du dispositif de préretraite. Autrement dit, au moment même où les organisations syndicales, non-représentatives, et le parti socialiste, décidément arriéré dans ses prises de position, s’accrochent au principe intenable de la retraite à 60 ans, une partie non négligeable de la population danoise se prépare à la suppression de la préretraite, dont il est aujourd’hui possible de bénéficier à partir de…60 ans.

Sous certains aspects, la réforme des retraites aujourd’hui proposée en France est critiquable. Le Mouvement Démocrate en a d’ailleurs pointé les injustices. La taille de la pilule à avaler est toutefois proportionnelle à l’inactivisme des gouvernements successifs, de droite comme de gauche, sur le sujet. La réforme actuelle est loin de régler les problèmes de manque de financement…D’où le retour du thème des retraites dès 2013 (1).

D’un autre côté, on ne peut s’empêcher de souligner le cruel manque de pédagogie de la part du gouvernement: les expériences vécues à l’étranger, y compris au Danemark, n’ont été véritablement mises en avant qu’une fois le conflit déclenché. Les carences habituelles de nos gouvernants sont d’autant plus criantes dans le contexte actuel: pas de véritable prise en compte de ce qui marche à l’étranger (dans le domaine des retraites, il aurait fallu davantage se pencher sur le modèle suédois…), absence de tout débat sur les sujets inséparables du thème des retraites (emploi des jeunes, emploi des séniors…).

Courrier Danemark s’efforce depuis plus de deux ans de mettre en lumière la répétition de travers qui sautent aux yeux vus de l’étranger. La situation actuelle dans notre pays est si mauvaise que la réforme actuelle des retraites cristallise à elle seule tous les mécontentements. Ce sera le cas tant que l’on nous reservira les mêmes plats.

Un autre exemple pour la route? La Commission Attali. Pourquoi toujours choisir la même personne pour diriger une commission dont les 42 autres membres sont invariablement mis dans l’ombre en raison de la personnification excessive du travail accompli? Le résultat est pourtant prévisible: aussi intéressantes que puissent être les propositions émises (par exemple la TVA sociale), elles ne trouveront que très peu d’écho dans la mesure où nos concitoyens ne se reconnaissent plus dans le “modèle” du navire à un seul capitaine.

Pour la petite histoire, ni les 71% de Français qui soutiennent le mouvement social actuel, ni les Danois se déclarant pour la suppression immédiate de la préretraite, n’ont raison. Les premiers parce qu’ils ne saisissent plus la marche du monde, empêtrés dans des réflexes idéologiques totalement dépassés, les seconds parce que les économies promises par une telle mesure (le coût du dispositif est d’environ 3 milliards d’euros par an) ne sont qu’une illusion: dans le contexte actuel, marqué par une timide amélioration de l’emploi, les quelque 130 000 bénéficiaires de la préretraite seraient dans leur majorité contraints de toucher l’allocation chômage, ce qui ne profiterait absolument pas aux finances publiques (en nette amélioration par ailleurs, un retour sous la barre de 3% de déficit étant envisageable dès 2012). Sans compter que la préretraite permet de prendre en compte le facteur de la pénibilité du travail.

A l’arrivée, les blocages actuels, qui résultent en partie de notre refus de prendre en compte la réalité des évolutions démographiques, nous empêchent logiquement d’exploiter les opportunités qui y sont associées. Un rapport publié au Danemark dès 2006, au moment même où les formations politiques parvenaient à un accord en termes d’élévation progressive de l’âge de départ en préretraite (de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022) et en retraite (de 65 à 67 ans entre 2024 et 2027), les pointait justement du doigt en appelant à l’avènement d’une société dans laquelle le rôle joué par individu dans la société n’est pas déterminé par son âge, mais par ses capacités physiques et psychologiques (2).

Le Danemark n’a certes pas encore integré toutes les promesses des travaux menés au cours de ces dernières années, mais comment ne pas faire le lien entre ces réflexions et son très bon placement en termes de “velfærdsteknologi” (solutions technologiques principalement centrées sur les personnes âgées), par ailleurs nouveau succès à l’export?

(1)http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/10/22/pour-le-vrai-debat-rendez-vous-en-2013_1429763_3232.html

(2) Det Strategiske Forskningsråd www.fi.dk/…aldrendesamfund…/det-aldrendesamfund-2030.pdf Autre recommandation du rapport en question, la généralisation du rôle de mentor joué par les séniors sur le marché du travail, en direction notamment des étrangers. Une manière de transmettre ses connaissances et son expérience aux jeunes générations.

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La flexicurité danoise, encore et toujours

20100612_163203_363La critique des pays scandinaves et devenu pour certains un véritable sport. On feint ainsi de découvrir que la crise ne les aurait pas épargnés (comme l’aurait-elle pu au vu du degré d’ouverture des économies concernées?). Mais le comble est que cette critique, au lieu de pointer les véritables zones d’ombre des modèles en question, préexistantes aux difficultés du moment, se concentre malencontreusement sur leurs points forts, dont il n’est jamais trop tard de s’inspirer. C’est ainsi qu’après avoir, sans analyse aucune, décerné au Danemark le titre de « premier gréviculteur de l’UE », Philippe Askenazy, directeur de recherches au CNRS, en remet une couche, cette fois-ci sur le thème de la flexicurité (1).

L’article en question, intitulé « La flexsécurité à la peine », et basé sur les seules statistiques d’Eurostat, suggère que la crise au Danemark, marquée par un taux de chômage proche de 7% au niveau national (12% pour les moins de 25 ans), vient à ce point confirmer les doutes sur l’efficacité réelle du modèle de flexicurité qu’il y a « de quoi interroger le sens des réformes menées en France depuis dix ans », réformes qui s’en seraient prétendument inspirées.

Il est vrai que la dégradation de la situation de l’emploi est particulièrement marquée au sein des pays nordiques en général et au Danemark en particulier. A 6,9% en juillet 2010, le taux de chômage danois a fait plus que doubler depuis l’automne 2008. Un constat qui ne doit pas étonner. C’est en effet le propre du modèle de flexicurité d’être particulièrement sensible aux évolutions conjoncturelles, quelles qu’elles soient. Entre 1993 et 2008, les statistiques officielles danoises indiquent ainsi que le taux de chômage est passé de 12,5 à 1,6%. Ne serait-il pas instructif d’analyser les raisons d’une évolution aussi favorable?

Les statistiques de l’emploi actuelles indiquent par ailleurs que les séniors danois ont été largement épargnés par la crise. Le taux d’emploi des 55-59 ans (80,3%) reste ainsi supérieur à la moyenne nationale (76,9%). Le taux d’emploi des 60-64 ans, plus faible (43,4%), a même légèrement progressé entre 2008 et 2009 (2). Il faut dire que l’emploi des séniors a fait l’objet ces dernières années à l’adoption d’une large palette de mesures: retraite volontaire à 70 ans, amélioration des conditions de cumul emploi-retraite, incitations fiscales, meilleure prise en compte dans le cadre des conventions collectives, campagnes de sensibilisation…

Le chômage des jeunes est certes en progression mais le Danemark reste le meilleur élève de l’UE dans ce domaine. Dans une note publiée en février 2010, l’OCDE attribuait ce résultat à l’habitude prise par les étudiants danois de combiner emploi et études (ce qui renforce leur employabilité), à l’efficacité du système de formation professionnelle, notamment basé sur une interaction constante entre employeurs et partenaires sociaux, et à l’accent mis par les autorités danoises, depuis le début de la crise, sur les jeunes sans qualifications (3).

La stabilité de la part représentée par les emplois dits « atypiques » (CDD, intérimaires, indépendants), environ 15% du total de la main-d’œuvre présente sur le marché du travail, s’accompagne de plus d’un niveau de protection et d’avantages similaire aux emplois « normaux » dans la mesure où ce type d’emplois est souvent en partie régulé par les conventions collectives (4). La part représentée par les CDD est même orientée à la baisse.

Le niveau des salaires est tel qu’il permet de contenir le nombre de travailleurs pauvres, tandis que celui de l’allocation chômage (2180 euros avant impôt) tend à dédramatiser la période passée sans emploi. Enfin, si l’emploi à temps partiel est orienté à la hausse (27% de la main-d’œuvre est concernée), il n’est que faiblement subi (5).

Selon Philippe Askenazy, « même si le chômage de longue durée demeure contenu, les institutions ne semblent pas capables de tenir la promesse d’assurer une fluidité du marché du travail ». C’est en partie vrai à court terme, mais entièrement erroné face à la perspective du retour du manque de main-d’œuvre qualifiée, qui pourrait, pour certaines professions (secteur de la santé, ingénieurs…) s’avérer très rapide. Selon AErådet, groupe de réflexion rattaché à LO, la principale confédération syndicale danoise, il manquera quelque 105 000 diplômés de l’enseignement supérieur au Danemark en 2019…

C’est en prévision de cette entrée attendue dans une ère post-chômage, dont le pays a eu un avant-goût en 2007 et en 2008, que doivent être appréhendées les récentes réformes entourant le fonctionnement du service public de l’emploi. La décision de confier aux seules communes la gestion des jobcenter (août 2009) et la simplification du mode de placement des chômeurs (premier trimestre 2010) débouchent en effet sur la rationalisation de l’effort accompli en termes d’aide au retour à l’emploi, l’objectif final étant de favoriser l’expansion du marché du travail.

En laissant entendre que la « flexicurité à la française » est en ce moment même en construction, Philippe Askenazy fait l’erreur, emprunte de naïveté, de confondre le discours de nos hommes politiques avec leurs actes. La fusion ANPE-Unedic est ainsi inspirée du « modèle » anglais (les jobcenter danois ne s’occupent en aucun cas des questions d’indemnisation, confiée aux caisses d’assurance-chômage, afin de consacrer toutes leurs ressources l’aide au retour à l’emploi). Deuxième exemple, l’offre raisonnable d’emploi. Alors que les autorités françaises ont tenu, en 2008, à en préciser la définition, le Danemark avait, depuis quelques années déjà, initié le mouvement inverse. La réforme de la représentativité syndicale n’incitera enfin pas nécessairement les organisations françaises à faire preuve de davantage de responsabilité, comme l’indique le débat actuel sur les retraites. On ne peut à ce titre que déplorer le gouffre constaté en termes de taux de syndicalisation entre nos deux pays (environ 60 pts de pourcentage!).

Il reste donc à espérer de la part de nos élites, notamment celles appartenant au monde académique, une attitude plus constructive. Dénoncer un modèle sur la base de bien maigres statistiques afin de mettre en garde contre des politiques menées au niveau national qui ne s’en inspirent que de manière très marginale n’a en effet pas beaucoup de sens. La flexicurité danoise a bien évidemment des limites (le taux de couverture moyen des allocations chômage n’est plus que de 50%, les politiques visant à réduire le nombre de bénéficiaires de la pension d’invalidité, qui regroupe 7% de la population en âge de travailler, ont échoué, le dispositif de préretraite pèse sur les finances publiques…), mais aussi des forces qui valent plus que jamais la peine d’être étudiées.

Les Danois ne semblent en tous les cas pas douter du bien-fondé de leur modèle de marché du travail. Selon Christian Lyhne Ibsen, Chercheur au Centre de recherche sur les relations de travail (FAOS) de l’Université de Copenhague, « les Danois ne manifestent, dans une très grande majorité, aucune inquiétude au sujet de l’emploi, ce sentiment de sécurité étant, somme toute, une preuve tangible du bien-fondé de la flexicurité » (6).

(1) www.lemonde.fr/idees/article/2010/08/24/la-flexsecurite-a-la-peine_1402141_3232.html

(2) Données Danmarks Statistik (Statistikbanken)

(3) www.oecd.org/document/40/0,3343,fr_33873108_33873309_44290024_1_1_1_1,00.html

(4) Flexicurity and atypical employment in Denmark, CARMA 2009. www.epa.aau.dk/fileadmin/user…/2009-1-Kongshoej_m-fl.pdf

(5) Danmarks Statistik, Arbejdskraftundersøgelsen, 2 septembre 2010

(6) http://ldf-acc-front1.heb.fr.colt.net/revues/grande-europe/focus/15/danemark.-flexicurite-prise-revers-par-crise.shtml

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Comment va le Danemark?

20100612_162348_343C’est la question posée par la plus grande confédération syndicale danoise, LO. Inquiète des conséquences de la crise, cette dernière lance depuis le 15 août une campagne intitulée “Prends le Danemark sérieusement”, campagne qui vise à prendre le pouls de la société danoise et à faire des propositions concrètes (1). Il est vrai que la crise, illustrée par la forte chute du PIB en 2009 (-4,9%), a laissé des traces. Les destructions d’emploi ont été fortes, le taux de chômage a presque triplé (de 1,6 à 4,2%) entre l’automne 2008 et juin 2010, tandis que la soutenabilité des finances publiques reste à assurer à partir de 2015, comme indiqué dans le dernier rapport du Conseil des Sages (2). Le tout dans un contexte économique encore fragile, caractérisé de manière très laconique par le ministre des Finances comme une “reprise stable” (3).

imageCette campagne est pour LO une manière de reprendre du poil de la bête face au gouvernement. Il faut dire que depuis l’arrivée des libéraux et des conservateurs au pouvoir, en 2001, la confédération doit faire face à une certaine perte d’influence. Le nombre de membres est depuis peu passé sous la barre symbolique du million. De nombreuses réformes ont de plus affaibli le rôle qu’elle joue sur le marché du travail danois: introduction du principe de concurrence au sein des caisses d’assurance-chômage (2002), censée remettre en cause leur structuration par branche, durcissement des devoirs des demandeurs d’emploi (2003), réforme des collectivités territoriales (2007), qui n’accorde plus qu’un rôle consultatif aux organisations syndicales au sein des organes de supervision du marché du travail, communalisation intégrale des jobcenter (2009), adoptée sans son aval…La liste commence à être longue.

La récente réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage, adoptée dans le cadre du plan de redressement des finances publiques, a également suscité la colère de LO. Il semble toutefois que la mesure était incontournable dans l’optique d’atteindre l’objectif numéro un de l’économie danoise au cours des prochaines années, à savoir la préservation du niveau d’Etat-providence à travers l’expansion du marché du travail. La commission sur l’emploi, qui avait rendu l’année dernière un rapport faisant une série de propositions sur ce thème, avait ainsi mis en évidence une augmentation notable du retour à l’emploi des bénéficiaires de l’allocation chômage dès lors que s’approchait la fin de la durée légale de sa perception (4).

Les relations entre le gouvernement actuel et LO sont donc pour le moins tendues, mais cela n’empêche pas cette dernière continuer, après le renouvellement réussi des conventions collectives encadrant le secteur privé, de faire preuve de responsabilité en lançant une campagne qui ne peut être que constructive et salutaire. Nous sommes donc bien loin d’un contexte dans lequel les organisations syndicales ne défendent que leurs intérêts propres et n’ont pour seule politique que la grève…

(1) www.tagdanmarkalvorligt.dk

(2) www.dors.dk/sw403.asp

(3) www.business.dk/oekonomi/hjort-danmark-i-stabilt-opsving

(4) www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

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Le Danemark et la rigueur

P1010001Dans le cadre de l’effort de redressement des finances publiques mené actuellement dans de nombreux pays européens, le Danemark vient de franchir une première étape. La perspective d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 n’est en effet qu’un objectif secondaire. Si la dette publique a pu être divisée par deux entre 2001 et 2007, c’est parce que les Danois ne se sont jamais contentés de respecter les critères en vigueur au sein de l’UE. Le véritable objectif est ainsi de ramener le solde structurel à l’équilibre en 2015 et de sauvegarder le niveau actuel d’Etat-providence. Parmi les mesures aujourd’hui annoncées, qui viennent s’ajouter au principe de croissance réelle nulle de la consommation publique au cours de la période 2011-2013 (1):

– La réduction de 4 à 2 ans de la durée de perception des allocations chômage à compter du 1er juillet 2010.

– Le report au 1er janvier 2014 d’une partie des baisses d’impôt accordées aux plus hauts revenus dans le cadre de la réforme de la fiscalité (“paquet de printemps 2.0”) entrée en vigueur au 1er janvier 2010.

– Le plafonnement des allocations familiales à 4700 euros par an à compter du 1er janvier 2011 et la baisse de leur montant de 5% d’ici 2013.

– Le gel du montant consacré à l’aide au développement sur la période 2011-2013.

– Le plafonnement à 400 euros de la déductibilité du revenu imposable de la cotisation d’adhésion à une organisation syndicale.

En débat depuis déjà quelques mois, la réduction de la durée de perception des allocations chômage est permise par l’amélioration des perspectives entourant le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 4,1% en avril). Elle répond de plus à la priorité numéro un de l’économie danoise: l’expansion du marché du travail. La mesure est toutefois critiquée car adoptée sans concertation avec les partenaires sociaux. Elle pourrait de plus décourager certains de s’assurer contre le chômage, la cotisation versée à une caisse d’assurance-chômage (600 euros par an en moyenne) voyant en effet son montant inchangé pour une durée d’indemnisation qui devient donc deux fois moins longue.

Une bonne partie de la population danoise contribue à l’effort de redressement des finances publiques: demandeurs d’emploi, familles, revenus les plus élevés…A l’exception notable des retraités.

Ce plan ne semble pas être de nature à remettre en cause le redémarrage de l’économie (croissance du PIB de 0,6% au 1er trimestre). La plupart des indicateurs sont en effet revenus au vert: taux de chômage, exportations (+10% entre février et mars) consommation et confiance des ménages (à son niveau le plus élevé depuis la fin 2007)…Le gouvernement danois peut désormais se consacrer entièrement à la traduction concrète des réflexions menées dans le cadre du Forum de la Croissance, structure informelle de prospective ayant pour but de mettre un terme au glissement relatif du pays dans les classements internationaux, et d’adapter le modèle danois aux défis à venir.

Et la rigueur en France? Plutôt que de s’engager sur l’élaboration de plans de prospective permettant une certaine continuité dans l’engagement de réduire les déficits publics (plans non juridiquement non-contraignants mais repris par l’opposition en cas d’alternance), notre pays privilégie aujourd’hui la voie de l’inscription dans la constitution d’une règle budgétaire certes contraignante, mais qui n’empêcherait en rien un gouvernement de viser un déficit budgétaire en fin de législature (2). Le choix entre les deux formules est pourtant évident…

(1) http://fm.dk/Publikationer/2010/Aftale%20om%20genopretning%20af%20dansk%20oekonomi.aspx

(2) http://blogs.lesechos.fr/article.php?id_article=4010

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Le Danemark, la sortie de crise et la préretraite

SPM_A1360En France comme au Danemark, aucune mesure d’austérité ne sera prise cette année afin de ne pas affaiblir une reprise encore bien fragile. C’est donc à partir de 2011 que l’envolée des déficits budgétaires et des dettes publiques de nos deux pays devra, d’une manière ou d’une autre, être corrigée. Seule certitude pour le moment, les prélèvements obligatoires ne seront pas augmentés, en tous les cas pas avant les prochaines élections. C’est plutôt du côté de la dépense qu’il faudra donc, au moins dans un premier temps, faire des efforts. A ce propos, l’objectif d’un retour du déficit budgétaire sous la barre des 3% en 2013 passerait par une progression des dépenses des administrations publiques limitée à celle de l’inflation entre 2011 et 2013.

Mais aucun Etat membre de l’UE ne fera l’économie de réformes structurelles visant à assurer la soutenabilité des finances publiques à moyen/long terme. 3 des économistes danois les plus distingués viennent ainsi de lancer un appel visant à se concentrer sur cette problématique, plutôt que d’être obnubilé par le seul objectif d’un retour sous la barre des 3% en 2013.

imageDepuis que l’ampleur des défis nés de la crise en termes de préservation du niveau d’Etat-providence est à peu près connue, un des thèmes qui revient souvent dans les débats au Danemark est celui de la préretraite, dont il est aujourd’hui possible de bénéficier à partir de l’âge de 60 ans. Pour certains, la suppression pure et simple du dispositif est le prix que le Danemark devrait payer pour la crise (le PIB a reculé de 5,1% en 2009, soit autant qu’avec son premier partenaire commercial, l’Allemagne, mais davantage que la moyenne UE). La préretraite serait ainsi un luxe que le pays ne pourrait plus se permettre dans l’optique de sauver son modèle social.

Les résultats obtenus en termes de taux d’emploi des séniors sont satisfaisants, mais restent moins bons que dans les autres pays nordiques en raison de l’existence, depuis 1979, de ce dispositif de préretraite, qui rassemblait, en janvier 2010, près de 138 000 personnes. Les deux tiers des bénéficiaires seraient en mesure de travailler (1).

Or, continuer à proposer (pour un montant équivalent à 90% de l’allocation chômage pour ceux désirant bénéficier du dispositif entre 60 et 62 ans, à 100%, soit 2200 euros par mois, à partir de 62 ans, pour un coût total annuel proche de 2,5 milliards d’euros), à des individus souvent en bonne santé, de quitter la vie active a d’autant moins de sens, à un niveau purement économique, que chacun s’accorde sur le fait que la sauvegarde de l’Etat-providence passe par l’expansion du marché du travail (2).

image

Les autorités danoises ont récemment estimé le besoin de consolidation des finances publiques à 3,3 milliards d’euros afin de revenir à un déficit budgétaire inférieur à 3% d’ici 2013 (3). La suppression du dispositif de préretraite permettrait donc d’accomplir une bonne partie du chemin. Comment alors expliquer le refus d’une majorité, tant au sein du gouvernement qu’au sein de l’opposition, de franchir le pas?

– L’accord sur l’Etat-providence de 2006 est notamment basé sur le relèvement, entre 2019 et 2022, de l’âge minimum de départ en préretraite de 60 à 62 ans (à raison de 6 mois par an). Or, l’accord intervenu fut le résultat de ce qui passe dans notre pays comme une anomalie: un large consensus. Les partis signataires de cet accord (ceux formant la coalition parlementaire au pouvoir et les sociaux-démocrates) estiment avoir pris auprès des Danois un engagement que la crise actuelle ne saurait remettre en cause.

– La population danoise considère quant à elle la préretraite comme un acquis social que les durcissements législatifs intervenus depuis 1979 ne sont pas parvenus à remettre en cause. Surtout, le principe du libre choix de l’âge de départ à la retraite est aujourd’hui largement partagé. C’est dans ce cadre que doivent être appréhendés l’adoption de la retraite volontaire à 70 ans et la possibilité donnée de repousser l’âge à partir duquel il est possible de percevoir la retraite d’Etat (Folkepension) et la retraite complémentaire (ATP) jusqu’à 75 ans, moyennant des montants plus avantageux.

– La situation actuelle des finances publiques (la dette publique est proche de 40%) laisse encore des marges de manoeuvre au gouvernement actuel et ne justifie pas de prendre un trop grand risque à un an et demi des prochaines élections. Le bilan d’Anders Fogh Rasmussen est controversé, mais beaucoup se félicitent aujourd’hui du fait que la dette publique ait été divisée par deux entre 2004 et 2007, avec l’aide des recettes tirées de l’exploitation du pétrole en Mer du Nord, mais pas seulement. La période 2004-2007 est d’ailleurs à bien des égards particulièrement riche d’enseignements.

Dans ce contexte, c’est plutôt la pension d’invalidité, qui rassemble encore plus bénéficiaires (environ 245 000), qui fera bientôt l’objet de toutes les attentions. Il s’agirait de ne plus l’accorder que sur une base temporaire. Mais quelle que soit la décision prise, d’autres thèmes ne manqueront pas d’être abordés (allocation chômage, allocation étudiante…). La sauvegarde du modèle danois passe plus que jamais par la poursuite du principe de réforme permanente. Raison de plus de suivre le Danemark de près au cours des prochains mois…

(1) Données ministère de l’Emploi http://bm.dk/Tal%20og%20tendenser/Noegletal.aspx

(2) Il faut rappeler que pour pouvoir bénéficier de la préretraite au Danemark, il faut avoir été membre d’une caisse d’assurance-chômage et avoir versé, pendant trente ans, une cotisation spécifique d’un montant annuel proche de 670 euros en 2010 http://www.ca.dk/efterloen/3100.html

(3) Programme de convergence 2009 du Danemark http://fm.dk/Publikationer/2010/Danmarks%20konvergensprogram%202009.aspx

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L’activation des demandeurs d’emploi au Danemark: un droit et un devoir

SPM_A0663Du modèle danois de flexicurité, on retient souvent les deux premiers piliers. A savoir principalement la flexibilité entourant les préavis de licenciement (par exemple de 3 jours à 3 mois après un an d’ancienneté et de 5 jours à 6 mois après dix ans d’ancienneté dans le secteur privé) et la relative sécurité découlant du niveau des allocations chômage (16 293 couronnes par mois, soit 2185 euros, montant imposable débouchant sur un taux de couverture moyen du précédant salaire de l’ordre de 60%) (1). Le troisième et dernier pilier (la flexicurité est en effet souvent présentée, de manière réductrice, comme un modèle reposant sur trois piliers, au risque de passer à côté de certaines autres caractéristiques pourtant incontournables telles que la place accordée à la formation continue ou encore le rôle joué par les partenaires sociaux), le système d’activation des demandeurs d’emploi, est quant à lui beaucoup moins connu.

Introduit dans les années 90, il a néanmoins contribué à parfaire un modèle internationalement reconnu. Le principe de ce “troisième pilier” est de s’assurer, à travers le suivi individuel conjointement réalisé par la caisse d’assurance-chômage et par le jobcenter, que le demandeur d’emploi, dans le cas où la situation économique est particulièrement dégradée, ne se contente pas, une fois passé un certain temps au chômage, de satisfaire à la norme de l’envoi de deux candidatures par semaine. L’idée est de renforcer ses chances, à travers un processus dit d’activation (“aktivering”), de profiter d’un retournement de conjoncture sur le marché de l’emploi.

Concrètement, un demandeur d’emploi a le droit/le devoir de suivre un processus d’activation après au plus tard 9 mois passés au chômage (6 mois pour les moins de 30 ans et les plus de 60 ans, 13 semaines pour les nouveaux diplômés). L’activation peut prendre trois formes différentes: un stage en entreprise, un emploi aidé ou une formation.

– Les stages peuvent être effectués dans le public comme dans le privé pour une durée variant de 4 à 13 semaines.

– Les emplois aidés (“job med løntilskud”) ont une durée plus longue (de 26 à 52 semaines) et sont dans un premier temps proposés dans le secteur public pour les jeunes diplômés. Le demandeur d’emploi bénéficiant de ce dispositif continue de percevoir son allocation chômage (ou l’aide sociale de remplacement versée par la commune) dans le public ou un salaire correspondant à celui défini dans le cadre des conventions collectives dans le privé.  Il est d’autre part tenu de poursuivre sa recherche d’emploi, même si la durée hebdomadaire de l’emploi aidé peut aller jusqu’à 30 heures par semaine. Les entreprises ou institutions proposant des emplois aidés percoivent une indemnité horaire versée par l’Etat variant du simple au double selon qu’ils se déroulent dans le privé ou dans le public.

– Les formations ne peuvent en aucun cas excéder 6 semaines. Il s’agit de répondre au manque de compétences du demandeur d’emploi dans des domaines clés (rédaction de CV et de lettres de motivation, développement des compétences informatiques…).

Le dispositif d’activation des demandeurs d’emploi est, depuis son introduction, controversé. Au-delà de son coût élevé (540 millions d’euros en 2008 avec un nombre de personnes activées de l’ordre de 40 000 au cours de la même année, 50 000 en 2009), une part significative de ceux en ayant bénéficié doute de son utilité, surtout dans le cadre du suivi de certains cursus ou formations (2). La crainte est aujourd’hui que la récente réforme  du financement des allocations chômage n’accentue les doutes exprimés puisque les communes se verront davantage refinancées par l’Etat lorsqu’elles auront proposé une activation aux demandeurs d’emploi dont elles ont la charge.

Mis en place dans un contexte économique particulièrement difficile (pic de chômage de 12,5% en 1993), le troisième pilier du modèle de flexicurité a accompagné la marche du Danemark vers le plein emploi (taux de chômage de 1,6% au moment de l’apparition de la crise actuelle). Les quelques études disponibles sur le sujet se gardent bien de quantifier son impact. Mais il est souvent souligné que la “peur” d’être activé incite le demandeur d’emploi à faire tout son possible pour sortir du chômage avant l’échéance.

Les difficultés liées à la mesure de l’efficacité du modèle de flexicurité danois ne sont d’ailleurs pas nouvelles. Il est de la même manière particulièrement épineux d’établir un lien de causalité entre la flexibilité qui caractérise le modèle et les résultats obtenus en termes d’emploi.

Mais l’essentiel n’est pas là. Le principe d’activation à la base de la politique active de l’emploi à la danoise vise avant tout à ne pas laisser le demandeur d’emploi en plan en veillant à ce que la période passée au chômage ne porte pas atteinte à son employabilité. Couplé au niveau des allocations chômage, il contribue à rendre la moins traumatisante possible la période passée sans emploi. Dans le contexte actuel, ce n’est déjà pas si mal…

(1) www.lo.dk/Englishversion/News/PeriodsofNoticeontheDanishLabourMarket.aspx

(2) “Ledige dumper aktivering” LO Ugebrevet A4, numéro 39, 16 novembre 2009 http://www.ugebreveta4.dk/2009/200939/Baggrundoganalyse/Ledige_dumper_aktivering.aspx

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Le Danemark et la réforme des jobcenter: acte II

A007711_54_27Tirer parti de la reprise, aussi limitée soit-elle. C’est l’objectif affiché par l’ensemble des gouvernements de la planète. A ce jeu-là, le Danemark est conscient qu’il souffre de certains handicaps de taille: évolutions démographiques défavorables, niveau excessivement élevé des salaires, productivité du travail en berne, poursuite de la baisse des prix sur le marché de l’immobilier…Mais le pays dispose aussi d’atouts singuliers. Il sera en premier lieu épargné par la nécessité de faire face à un endettement dont le niveau constitue désormais un véritable boulet pour la quasi-totalité des économies développées (1). La tenue de la COP15 à Copenhague représente ensuite une formidable opportunité pour les entreprises danoises de renforcer leurs positions en termes d’exportations de technologies vertes. Le nouvel exercice de prospective est bel et bien lancé avec la tenue, la semaine dernière, de la première réunion de la structure informelle de prospective chargée de libérer la croissance (2). La simplification du fonctionnement des jobcenter danois prendra enfin prochainement une nouvelle dimension, contribuant ainsi à renforcer l’efficacité du modèle de flexicurité.

La première étape du renforcement de l’efficacité du service à l’emploi a été constituée par la récente (et discrète) entrée en vigueur de la communalisation des jobcenter, qui confie leur gestion aux seules communes et qui introduit un système de refinancement des allocations chômage supposé les inciter au résultat (3). La deuxième étape interviendra à la fin du 1er trimestre 2010, à travers l’introduction d’un système simplifié de placement des demandeurs d’emploi (4).

Les 91 jobcenter vont en effet remplacer le modèle de placement actuel, basé sur le classement des demandeurs d’emploi en pas moins de 5 catégories, par un modèle n’en comprenant plus que 3. Précisions importantes, les droits et devoirs des demandeurs d’emploi resteront inchangés, de même que les attributions des caisses d’assurance-chômage en ce qui concerne leur accompagnement (entretien initial de préparation au CV, conseils à la recherche d’emploi et entretiens bilan tous les 3 mois).

Le placement des demandeurs d’emploi en trois catégories s’appliquera de plus à l’ensemble des bénéficiaires d’une allocation (y compris l’allocation maladie), alors que le modèle en cinq catégories qui prévalait jusqu’à présent n’était valable que pour les bénéficiaires de l’allocation chômage standard (“dagpenge”), de l’aide sociale de remplacement versée par les communes (“kontanthjælp”) et d’une autre allocation spécifique de montant très réduit (“starthjælp”).

image

Les critères à la base du placement actuel des demandeurs d’emploi en cinq catégories étant interprétés de manière différente d’un jobcenter à l’autre, la réforme prévoit de rendre beaucoup plus objectifs ceux justifiant ce même placement en seulement trois catégories. Appartiendront ainsi à la catégorie 1 les demandeurs d’emploi jugés prêts à accepter une offre d’emploi  susceptible de les faire réintégrer le marché du travail dans un délai maximum de trois mois. Appartiendront à la catégorie 2 ceux qui ne répondent pas au critère pour entrer dans la catégorie 1 mais qui sont en mesure de suivre un processus d’activation. Appartiendront à la catégorie 3 tous les autres demandeurs d’emploi, à savoir ceux encore trop éloignés du marché du travail.

Le nouveau mode de placement des demandeurs d’emploi a donc l’avantage de rendre plus transparent le nombre de personnes en mesure de revenir sur le marché du travail, y compris celles en arrêt maladie. Il permet également de renforcer sensiblement les chances de parvenir à une égalité de traitement des demandeurs d’emploi au sein des 91 jobcenter.

Le véritable but de la réforme est d’adapter l’effort accompli en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi au défi du manque de main-d’oeuvre à moyen terme, en sachant que le Danemark est contraint de tendre vers une expansion du marché du travail pour pérenniser le financement de son Etat-providence.

image Prochaine étape de la réorganisation du modèle de flexicurité, le lancement, qui semble aujourd’hui difficilement évitable, d’une réflexion sur la manière d’inverser la désaffection des Danois pour les caisses d’assurance-chômage. Une désaffection qui se traduit aujourd’hui par le fait que près de 70 000 personnes, faute d’assurance chômage, se retrouvent sans aucune couverture (car elles ne sont pas éligibles à l’aide de remplacement versée par les communes). Une réflexion qui pourrait par exemple déboucher sur une baisse du montant de la cotisation annuelle à une caisse d’assurance-chômage (650 euros en moyenne).

La remise à plat du fonctionnement des jobcenter est critiquable (et critiquée), mais elle a le mérite d’être applicable et de concourir à une incontestable rationalisation de l’effort en termes d’emploi, ce qui est déjà beaucoup en comparaison avec la désormais  bien (trop) célèbre fusion ANPE-Unedic…

(1) Les dernières prévisions gouvernementales indiquent que la dette publique atteindrait 38,3% du PIB en 2009 et 42,3% en 2010 http://fm.dk/Publikationer/2009/1839-OER%20Aug%2009.aspx

(2) http://oem.dk/graphics/oem/nyheder/AndreNyheder/Danmark%20styrket%20ud%20af%20krisen.pdf

(3) L’Etat va ainsi continuer à financer à 100% le système d’allocation-chômage tout au long de l’année 2009, mais ce financement intégral ne sera assuré qu’au cours des 18 premières semaines à partir de 2010 et seulement 4 semaines à partir de 2013. Une fois passées ces 4 semaines, l’Etat refinancera les allocations chômage versées par les communes à hauteur de 75% lorsque ces dernières proposeront un programme d’activation aux demandeurs d’emploi, à hauteur de 50% si ce n’est pas le cas.

(4)http://www.ams.dk/Reformer-og-indsatser/Udvikling-og-forsog/ny-matchmodel.aspx

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Le rapport final de la commission emploi et le « forum de la croissance » ou les deux boussoles de l’économie danoise

SPM_A0562La stabilisation de la situation économique aidant, l’heure est à la relance des exercices de prospective. La plupart des économistes étant visiblement incapables de prévoir le déclenchement de crises comme celle que nous traversons, il serait facile de remettre en cause la pertinence de la mise au point d’un “plan économie 2015” et encore plus d’une “France 2025” d’autant plus énigmatique que l’échéance est éloignée (1). La vérité est pourtant que de tels exercices, à condition de rester basés sur des projections de moyen terme (une décennie au plus), sont indispensables. En supprimant en 1992 les plans quinquennaux (dans le cadre du Commissariat au Plan), la France s’est privée d’un instrument précieux. Avec les conséquences fâcheuses que nous connaissons tous: une gestion des affaires au jour le jour, qui nous empêche notamment de saisir que la série de déficits budgétaires constatée depuis trente ans ne peut se poursuivre indéfiniment.

En rendant ses conclusions le 20 août dernier, la commission emploi ne rentre pas à proprement parler dans la catégorie des exercices de planning stratégique. Elle offre néanmoins au Danemark les clés de l’expansion de son marché du travail, seule voie possible pour assurer la soutenabilité des finances publiques et donc du niveau d’Etat-providence à moyen terme, dès lors que la piste de l’augmentation des prélèvements obligatoires est écartée (2). Autrement dit, la mise en oeuvre des recommandations de la commission emploi constituent la condition sans laquelle tout exercice de prospective un tant soit peu ambitieux est voué à l’échec. Parmi ces recommandations:

La suppression progressive du dispositif de préretraite. Créé en 1979 pour faire face à la montée du chômage, ce dispositif, ouvert aux personnes ayant entre 60 et 65 ans, est un luxe que le Danemark ne peut plus se payer. En dépit des nombreux durcissement dont il a fait l’objet, un individu en bonne santée (deux tiers des bénéficiaires seraient ainsi capables de poursuivre une activité professionnelle) peut ainsi percevoir 832 000 couronnes danoises (environ 110 000 euros) entre 60 et 65 ans de la part de l’Etat danois sans aucune autre obligation que d’en reverser une partie au titre de l’impôt sur le revenu.

Le raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage. Aujourd’hui fixée à 4 ans, elle est une des plus élevées au sein de l’OCDE. La commission emploi préconise ainsi un système flexible ou la durée de perception oscillerait entre 2 et 3 ans en fonction de la conjoncture sur le marché de l’emploi. Afin d’inciter davantage de gens à s’assurer contre le chômage, le montant de la cotisation à une caisse d’assurance-chômage serait de plus divisé par deux.

L’octroi d’un “bonus” de 10 000 couronnes (1350 euros) aux étudiants obtenant leur licence trois ans après le baccalauréat. Une manière d’abaisser l’âge moyen de fin d’études, qui atteint 28 ans au Danemark. Un bonus qui vient donc s’ajouter à l’allocation étudiante (SU), versée en principe pendant jusqu’à 70 mois et  fixée à 2574 couronnes (345 euros) dans le cas où l’étudiant vit chez ses parents, à 5177 couronnes (695 euros) lorsqu’il dispose de son propre logement (revenu imposable) (3).

La mise en place d’une alternative à l’octroi d’une pension d’invalidité permanente. Il est en effet contre-productif de constater qu’une partie des quelques 240 000 bénéficiaires de la pension d’invalidité voient leurs capacités s’améliorer sensiblement, au point parfois de pouvoir reprendre une activité professionnelle.

Le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée, à travers l’assouplissement des règles entourant la délivrance de permis de travail, est également citée par la commission emploi. Son impact serait toutefois marginal en termes de contribution au financement de l’Etat-providence.

Mises en oeuvre dans leur totalité, les 44 propositions de la commission emploi permettrait d’apporter 27 milliards de couronnes (3,6 milliards d’euros) supplémentaires par an à l’Etat danois. Un montant presque deux fois plus élevé que le manque de financement actuel, estimé à 14 milliards de couronnes (1,9 milliard d’euros). Seul problème, la situation tendue sur le marché de l’emploi (taux de chômage officiel de 3,7% en juillet, 5,9% selon Eurostat), qui ne se prête donc pas à l’adoption de telles réformes. Le gouvernement entend donc se donner du répit jusqu’à 2011, année des prochaines élections parlementaires.

Un répit mis à profit pour donner naissance à une nouvelle forme d’exercice de prospective: le “Forum de la croissance”, dont les membres viennent d’être nommés (4). Ce dernier remplace ainsi le Conseil de la mondialisation, à l’origine de la fameuse “stratégie mondialisation” de 2006 (5). L’objectif est de préparer l’économie danoise à une série de défis: renforcement de la compétitivité du pays, soutenabilité des finances publiques, expansion du marché du travail, adaptation du système éducatif à la mondialisation, croissance verte…

L’idée d’un “Forum de la croissance” est intéressante à plus d’un titre. Elle se distingue à de nombreux égards de la mise en place dans notre pays d’une énième commission chargée de définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt national (6).

Dans sa composition tout d’abord, puisque tous les secteurs qui comptent sont représentés (par contraste, il est difficile de ne pas remarquer en France l’absence de tout représentant du monde syndical ou de tout entrepreneur…) avec un clair penchant vers le monde de l’entreprise dans un cas (Danemark) contre une claire surreprésentation de fonctionnaires d’Etat dans l’autre (France). L’occasion de souligner qu’aussi brillants que soient nos énarques, ils n’ont pas toujours le sens des réalités. Sans compter que les deux personnalités chargées de présider la commission sur l’emprunt sont deux “vieux grognards” qui ne sont certainement pas les mieux placés pour offrir une vision d’avenir…

Dans son fonctionnement ensuite: le “Forum de la croissance” ne rendra pas de rapport. Composé de personnalités aux orientations politiques très variées, son but est de tester les idées et propositions de chacun des intervenants.

La France est donc plus que jamais prisonnière de ses vieux shémas de pensée. L’élection, en 2007, du locataire actuel de l’Elysée, est d’autant plus regrettable qu’elle n’a fait qu’accentuer les traits culturels et les habitudes néfastes à la base des difficultés rencontrées par notre pays. Le plus longtemps nous éviterons de nous regarder dans le miroir, plus dure sera la chute…

(1) https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/10/05/france-2025-versus-danemark-2015/

(2) http://www.amkom.dk/media/22520/2k_pixi_velfaerd_kraever_arbejde.pdf

(3) http://www.su.dk/SU/satserSU/videregaaende/Sider/default.aspx

(4) http://stm.dk/_p_12918.html

(5) http://www.globalisering.dk/page.dsp?page=259

(6) http://www.liberation.fr/politiques/0101587131-la-composition-de-la-commission-sur-l-emprunt

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Une rentrée sociale délicate en France et au Danemark

SPM_A0502Après la crise financière et la crise économique, que beaucoup estiment désormais (mais doit-on y croire?) surmontées, reste à faire face à la crise sociale, symbolisée par l’inévitable poursuite, dès la rentrée, de la hausse du chômage dans nos deux pays. Une perspective à laquelle la France et le Danemark ne sont pas préparés de la même manière, alors que l’écart constaté en termes de taux de chômage est à la base non négligeable (selon les statistiques fournies par Eurostat, le taux de chômage était au mois de juin de 9,4% en France contre 6,2% au Danemark) (1).

Au-delà des difficultés actuellement rencontrées sur le front de l’emploi, l’entrée en vigueur, depuis le 1er août, de la communalisation des jobcenter, dont les communes danoises héritent désormais entièrement de la gestion (cette dernière était jusqu’ici avant tout assurée par des employés d’Etat, chargés de s’occuper de l’accompagnement des demandeurs d’emplois assurés contre le chômage, des employés des communes s’occupant seulement de ceux non-assurés), peut être jugée risquée. Adoptée, d’une manière surprenante, sans aucune concertation, cette réforme est en effet critiquée pour plusieurs raisons:

– Les 14 jobcenter “pilotes” mis en place en 2007 et uniquement composés d’employés des communes, auraient, selon certaines études, des résultats inférieurs à ceux administrés par des employés des communes et du secteur étatique.

– Il est craint que les communes se recentrent de manière trop marquée sur “leurs” demandeurs d’emplois et “leurs” entreprises, contribuant ainsi à affaiblir significativement la coopération inter-géographique actuelle et à créer 91 marchés de l’emploi de taille trop réduite.

– Les communes pourraient éviter d’accueillir sur leur sol des entreprises jugées sensibles aux variations conjoncturelles.

– Le terme de communalisation des jobcenter va de pair avec un contrôle accru de la part de l’Etat de l’ensemble du système. En confiant progressivement le financement des allocations chômage aux communes, leur rôle s’accroît au détriment des caisses-d’assurance chômage dont une bonne partie est contrôlée par les organisations syndicales.

– Les communes étant désormais tenues de financer les allocations chômage, elles seraient incitées, en cas de crise, à “couper” sur certains autres budgets ayant trait à l’Etat-providence.

En maintenant les effectifs, le nombre de demandeurs d’emploi par agent reste toutefois encore sous la barre des 40, contre 90 dans le cadre de Pôle Emploi (2). La stricte séparation entre aide à la recherche d’emploi et indemnisation du chômage est maintenue, de même que les prérogatives des caisses d’assurance-chômage en termes d’accompagnement des chômeurs. L’entrée en vigueur de la réforme s’est effectué en douceur, aucun incident notable n’ayant été relevé. Le timing de cette réforme est enfin critiquable, mais elle a le mérite de s’inscrire dans la logique de la réforme des collectivités territoriales de janvier 2007, qui vise à rationaliser l’organisation administrative du pays en faisant des communes l’acteur incontournable pour le citoyen danois.

Difficile de trouver de quelconques motifs de satisfaction en ce qui concerne Pôle Emploi. L’organisme issu de la fusion ANPE-Unedic est aujourd’hui plus que jamais le symbole de la présidence Sarkozy: beaucoup d’activisme pour rien ou si peu. Il faut dire que vouloir fusionner deux organismes, l’un du public, l’autre du privé, aux cultures de travail différentes, représentait déjà un véritable défi. Le problème est que cette réforme, à l’inverse de ce qui se passe au Danemark, est totalement déconnectée de celle à venir des collectivités territoriales (marquée par la création d’un nouvel échelon administratif!) et que la conjoncture actuelle sur le marché du travail la transforme en véritable cauchemar. Privatisation rampante, comme l’illustre la décision prise cet été de confier à des opérateurs du privé la gestion du dossier de 320 000 demandeurs d’emploi, carences dans la formation des agents en termes d’indemnisation des chômeurs (à quand une simplification du système?), disparités salariales entre agents, suppression du suivi mensuel des chômeurs…La liste des manquements est longue.

Au-delà de la situation prévalant sur le marché du travail, que le gouvernement danois anticipe dégradée jusqu’au moins la fin de l’année 2010 (pas d’admission de la sorte dans notre pays…), il est intéressant de constater l’ampleur des différences dans les mesures prises par nos pays respectifs afin de faire face aux conséquences sociales de la crise, notamment en termes de soutien au pouvoir d’achat.

Les Danois bénéficient pourtant de conditions initiales plus favorables. Même si la part de la main-d’oeuvre qui s’assure contre le chômage tend à baisser ces dernières années, elle atteint tout de même 70%. Autrement dit, 70% des Danois sont en mesure de percevoir, en cas de chômage, une allocation d’un peu plus de 2000 euros par mois équivalente, à peu de choses près (après impôts), au salaire médian dans notre pays

Surtout, le gouvernement danois a adopté des mesures allant dans le sens d’un renforcement sensible du pouvoir d’achat, à travers l’autorisation donnée aux Danois de recourir à une partie de leur épargne-retraite (cadeau de 2000 euros  par individu en moyenne) et la réforme de la fiscalité, qui entrera en vigueur au 1er janvier. Résultat: une croissance attendue du revenu disponible de ménages de l’ordre de 4,4% en 2010. Sans compter les évolutions salariales, qui ne connaissent pas la crise au sein du secteur public, suite à la conclusion, l’année dernière, de nouvelles conventions collectives pour la période 2008-2011.

Evolution des salaires au sein du secteur privé (vert), du secteur étatique (bleu) et des communes et des régions (rouge)

image Source: Danmarks Statistik

Par contraste, le soutien à la consommation n’est clairement pas une priorité du locataire actuel de l’Elysée. En comptant les allègements d’impôt sur le revenu accordés aux classes moyennes et aux classes les plus défavorisées ainsi que les quelques primes consenties, on arrive à près de 14 milliards d’euros entre 2009 et 2010 dans notre pays (3). En ajoutant les sommes mises à disposition des ménages danois au titre du dispositif d’épargne-retraite et le sous-financement initial de la réforme de la fiscalité, on arrive à environ 8 milliards d’euros au Danemark. Rappelons que le pays est douze fois plus petit…

Résultat, les représentants de l’Etat français, bien aidés en cela par des relais utiles au sein du monde de l’entreprise, n’ont pas d’autre choix que de recourir à de grossières manipulations afin de convaincre que la rentrée scolaire ne coûte décidément pas cher au panier de la ménagère (4). Et quand ce n’est pas le monde de l’entreprise, c’est au tour de certains médias de devenir des organes de propagande gouvernementale. Le Figaro relevait ainsi récemment que le revenu médian s’est accru, en France, de 2,1% entre 2006 et 2007, mais conjointement à une hausse plus marquée du nombre d’individus vivant sous le seuil de pauvreté. Ce qui ne l’empêchait pas  d’intituler l’article en question “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré”…(5).

Le Danemark est aujourd’hui confronté à de sérieux défis ayant trait au financement  à moyen terme de son Etat-providence. Ces défis sont toutefois bien identifiés et la population en est bien informée, notamment sur la base des conclusions, rendues cette semaine, par la commission emploi (6). Par contraste (encore une fois!), une enquête Eurobaromètre soulignait, quelque temps avant le déclenchement de la crise actuelle, la méconnaissance dont fait l’objet la notion d’Etat-providence par une bonne partie des Français (7). La question est donc la suivante: comment parvenir à sauvegarder les vestiges d’un monde visiblement oublié?

A plus court terme, les prévisions de déficit budgétaire pour 2010 (-4,9%) suscitent un véritable émoi au Danemark. Il est impensable de le creuser davantage, même si la dette publique reste pour le moment sous la barre des 40% du PIB. Les différences s’accentuent donc avec la France, qui fait aujourd’hui, en dépit d’une situation plus dégradée, le pari d’un emprunt national lorsque les premiers signes de faillite (l’état lamentable et honteux de nos prisons pour ne citer qu’un exemple) apparaissent. Un avenir pas si lointain nous dira lequel de nos deux pays a fait les bons choix…

(1) Les autorités danoises avancent le chiffre de 3,8%, la différence constatée avec Eurostat s’expliquant par le fait que les personnes non-assurées contre le chômage (dont le nombre a quelque peu augmenté ces dernières années) et qui n’ont pas droit à l’allocation, conditionnelle, de remplacement versée par les communes, ne sont, en cas de perte d’emploi, pas comptabilisées dans les statistiques officielles.

(2) “L’incroyable gâchis Pôle Emploi” Capital, août 2009 http://www.capital.fr/le-magazine/magazine-n-215

(3) “Le pouvoir d’achat progresse malgré la crise” Le Monde, 18 août 2009 http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/08/18/le-pouvoir-d-achat-des-francais-resiste-a-la-crise_1229490_0.html

(4) “Intermarché fait étalage de sa mise en scène UMP” Libération, 20 août 2009 http://www.liberation.fr/politiques/0101586155-intermarche-fait-etalage-de-sa-mise-en-scene-ump

(5) “Le niveau de vie des Français s’est sensiblement amélioré” Le Figaro, 6 août 2009 http://www.lefigaro.fr/economie/2009/08/06/04001-20090806ARTFIG00267-le-niveau-de-vie-des-francais-s-est-sensiblement-ameliore-.php

(6) http://www.amkom.dk/endelig-rapport.aspx

(7) Eurobaromètre 67, printemps 2007, page 12 http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/eb/eb67/eb67_fr_nat.pdf

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Les progrès de l’intégration des étrangers au Danemark

SPM_A0101Confronté plus tardivement que la plupart de ses partenaires européens au phénomène de l’immigration, le Danemark n’a logiquement jamais bénéficié d’une très bonne réputation en termes d’intégration. La présence du parti nationaliste au sein de la coalition parlementaire au pouvoir depuis 2001 a évidemment eu tendance à crisper parfois inutilement les débats, la meilleure illustration étant sans doute donnée par la mise en oeuvre, en 2002, de la fameuse “règle des 24 ans” (1).

Pourtant, les progrès réalisés depuis une quinzaine d’années sont indéniables. Ils sont logiquement passés par l’ouverture sans cesse plus marquée du marché du travail aux étrangers. Un rapport de DA (Confédération des Employeurs Danois), publié en 2008, indiquait ainsi qu’au moins 250 000 étrangers étaient présents sur le marché du travail au cours de l’année précédente, soit 9% de la population active (2). Une évolution positive confirmée par les données disponibles en termes de taux d’emploi (77,4% au niveau national en 2008) (3).

Evolution du taux d’emploi des étrangers sur la période 1997-2008

% 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Etrangers occidentaux 59,4 60,3 61,7 62,1 63,0 63,2 62,0 60,6 61,4 62,5 64,0 64,9
Etrangers non-occidentaux 34,7 37,6 41,2 42,8 44,2 45,5 45,2 45,1 46,3 49,1 53,4 56,0

Différence entre l’évolution du taux d’emploi des étrangers et l’évolution du taux d’emploi des Danois sur la période 1996-2006 (4)

image Source: International Migration Outlook, OCDE Sopemi 2008 et DI

Selon DI (Conféderation des Entreprises Danoises), l’évolution positive constatée en termes de taux d’emploi résulte de la conjonction de plusieurs facteurs:

– Le marché du travail a été marqué à partir du milieu des années 90 par le durcissement de certaines règles (mise en place du troisième pilier du modèle de flexicurité, à savoir l’accent mis sur l’activation des chômeurs, raccourcissement de la durée de perception des allocations chômage…).

– L’accent mis sur le thème de l’intégration par l’ensemble des entreprises danoises, notamment dans le secteur privé (5).

– L’atteinte progressive du plein emploi, illustrée par un taux de chômage de seulement 1,6% au cours de l’été 2008.

Les préoccupations en termes de taux d’emploi se retrouvent également au niveau local. La politique ciblée en faveur des quartiers défavorisés menée par la commune de Copenhague est ainsi basée sur un « Baromètre de l’intégration » (http://www3.kk.dk/integrationsbarometer.aspx) permettant d’effectuer tous les six mois un bilan de la situation au sein de chaque quartier défavorisé de la capitale en ce qui concerne une batterie d’indicateurs, dont le taux d’emploi.

Bien que la crise économique en réduise l’urgence immédiate (le taux de chômage atteignait 3,5% au mois de mai selon les données officielles danoises, 5,7% selon Eurostat), le recours accru à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée reste incontournable à moyen-long terme afin de parvenir à maintenir le niveau actuel d’Etat-Providence. Certaines projections indiquent  en effet que la main-d’oeuvre totale sera réduite de 340 000 personnes à l’horizon 2040, le nombre de retraités augmentant lui de 480 000 personnes…(6)

Part des étrangers et descendants (16-64 ans) dans la population (7)

imageSource: Danmarks Statistik et projections DREAM

D’où la décision prise par le Maire de Copenhague, Ritt Bjerregaard, de mettre sur pied, en janvier 2008, un groupe de réflexion, “Tænketanken om Fremtidens Arbejdskraft” (groupe de réflexion sur la main-d’oeuvre du futur), chargé de formuler des propositions destinées à attirer davantage de main-d’oeuvre étrangère qualifiée dans la capitale danoise (8). Les travaux de ce groupe de réflexion ont pour le moment débouché sur plusieurs pistes. Parmi elles:

– L’ouverture, effective depuis le mois de mai 2009, du CPH International Service (http://www.kk.dk/sitecore/content/Subsites/ThinkInCph/SubsiteFrontpage.aspx), département spécialisé dans l’aide, proposée en anglais, aux travailleurs, chercheurs et étudiants désirant s’installer dans la capitale.

– Un organisme nommé Copenhagen Partner sera chargé d’attirer de la main-d’oeuvre étrangère qualifiée et d’aider les personnes concernées à s’établir dans le pays. L’organisme fonctionnera comme un réseau au sein duquel les étrangers pourront échanger leurs expériences entre eux et rencontrer des Danois.  Copenhagen Partner collaborera avec les portails déjà existants au niveau national, à savoir Work in Denmark (http://www.workindenmark.dk), Life in Denmark (http://www.lifein.dk), Expat in Denmark (www.expatindenmark.com), ainsi qu’avec les organismes Wonderful Copenhagen (http://www.visitcopenhagen.dk) et Copenhagen Capacity (http://www.copcap.com).

– Le développement des possibilités d’accès à des sources d’information locale en anglais. Un nouveau service d’information viendra ainsi prochainement compléter ceux déjà existants aujourd’hui: Copenhagen Post (http://www.cphpost.dk) et la version internet en anglais des journaux Politiken (http://politiken.dk/newsinenglish) et Jyllands-Posten (http://jp.dk/uknews). La télévision et la radio seraient également concernées: TV2 Lorry proposerait une version avec sous-titres en anglais, Københavns Radio des extraits traduits dans la même langue sur internet.

– L’augmentation du nombre de places disponibles dans les écoles internationales au sein desquelles l’enseignement est effectué principalement en anglais, augmentation requierant également un changement au niveau législatif. Le manque de places, évalué aujourd’hui à 350 au niveau national, découragerait en effet certains étrangers de s’installer dans la capitale.

Population vivant au Danemark par origine (9) En bleu foncé: Danois En gris foncé: étrangers non-occidentaux en gris clair: étrangers occidentaux en bleu clair: descendants d’étrangers non-occidentaux en rouge: descendants d’étrangers occidentaux (1er janvier 2009)

image

Etrangers et descendants par origine (10) En bleu foncé: non-occidentaux, en gris: UE à 15 en bleu clair: nouveaux Etats membres de l’UE en bleu foncé: région nordique hors UE en rouge: divers pays occidentaux (1er janvier 2009)

image

Les nationalités les plus représentées au Danemark au 1er janvier 2009 (11)

Turquie 58 191
Allemagne 30 385
Irak 28 917
Pologne 27 198
Liban 23 563

Le ralentissement marqué de l’économie danoise, dès 2007, et la crise actuelle auraient pu remettre en cause le  processus d’intégration des étrangers sur le marché du travail. Il semble pourtant que ce ne soit pas le cas. Le “baromètre de l’intégration” indique par exemple que le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux au sein de la commune de Copenhague a poursuivi sa progression entre août 2008 et février 2009, atteignant désormais 62,3%, les femmes étant les principales bénéficiaires de cette évolution (12). Encore un petit effort et le taux d’emploi des étrangers non-occidentaux atteindra dans la capitale danoise le niveau de ce qu’il est pour l’ensemble de la population dans notre pays…

(1) Un étranger hors UE peut obtenir un permis de résidence sur la base des règles en vigueur en termes de regroupement familial dans le cas où son/sa partenaire est danois(e) ou bénéficie d’un permis de résidence illimité depuis au moins 3 ans. A certaines conditions toutefois: les deux partenaires doivent notamment avoir au minimum 24 ans, doivent prouver qu’ils ont des liens plus forts avec le Danemark qu’avec tout autre pays. Celui ou celle vivant déjà dans le pays doit de plus déposer une garantie d’un peu plus de 8000 euros afin de couvrir tout ou partie de l’éventuelle aide sociale versée par la commune à la personne étrangère. http://www.nyidanmark.dk/da-dk/Ophold/familiesammenfoering/aegtefaeller/

(2) Arbjedsmarkedsrapport 2007, DA, http://www.da.dk/bilag/Sammenfatning%20_%20web.pdf

(3) Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(4) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(5) “Virksomheders sociale engagement Årbog 2008” SFI, décembre 2008 http://sfi.net.dynamicweb.dk/Default.aspx?ID=2093&Action=1&NewsId=1401

(6) “Hvis vi vil tiltrække fremtidens arbejdskraft” Politiken, 8 juillet 2009 http://politiken.dk/debat/kroniker/article747928.ece

(7) “Rekord stort fremgang for integrationen i Danmark”, DI, juin 2009 http://di.dk/SiteCollectionDocuments/Indsigt/Rekordstor%20fremgang%20for%20integrationen%20i%20Danmark.pdf

(8) http://www.kk.dk/cphtaenketanken.aspx

(9) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(10) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(11) “Tal og fakta befolkningsstatistik om indvandrere og efterkommere” Ministère de l’Intégration, juillet 2009 http://www.nyidanmark.dk/NR/rdonlyres/1515B0D4-92A1-451F-905C-8AC5A595C9EB/0/tal_fakta_juni2009_revideret_090709.pdf

(12) “Integrationsbarometer viser fremgang” Commune de Copenhague, 10 juillet 2009 http://www.kk.dk/Nyheder/2009/Juli/IntegrationsbarometerViserFremgang.aspx

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TVA sociale: le cas danois

SPM_A0024La décision, annoncée par le locataire actuel de l’Elysée lors de la réunion du Congrès du 22 juin, de recourir à un emprunt national est lourde de conséquence. Elle reflète le décalage de plus en plus flagrant entre le discours de la majorité actuelle et la réalité de ses actes. « Moi, je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite. Je suis à la tête d’un État en déficit chronique. Je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Moi, je dois ramener l’équilibre à la fin du quinquennat, sinon on ne bâtira plus rien » déclarait en 2007 François Fillon (1). De même, Nicolas Sarkozy appelait encore récemment à une concertation plus étroite au niveau européen afin de lutter contre la crise. Pour finalement prendre l’exact contre-pied de la politique suivie par une Allemagne déterminée à mettre de l’ordre dans ses finances publiques (2).

Il est très difficile de penser que le recours à cette mesure ne serve en fait qu’à dégager des marges de manœuvre utiles dans la perspective des présidentielles de 2012…La raison est qu’il faudra bien un jour stopper cette spirale de l’endettement : les banques ont prêté avec démesure, contraignant l’Etat, pourtant déjà lourdement endetté, à leur prêter à son tour, et c’est désormais le particulier français, prêtant déjà à EDF, qui vient boucler la boucle !

On avance souvent l’exemple du Japon, dont la dette publique dépasse les 200% du PIB, pour minimiser l’impact de l’endettement croissant de notre pays. Mais sans jamais se poser la question de savoir à partir de quel seuil d’endettement les marges de croissance se réduisent. L’économie japonaise n’est-elle pas en quasi-stagnation depuis les années 90 ?

Constatant la dégradation des comptes publics, Philippe Séguin, Président de la Cour des Comptes, jugeait cette semaine « trompeuse » la perception selon laquelle « « la France s’en tirerait mieux » que ses voisins, ajoutant que « les lendemains risquent d’y être pire qu’ailleurs » (3). Raison de plus pour faire du concept de dette soutenable une priorité…Car il existe une alternative à la « fuite en avant » proposée aujourd’hui par la tête de l’exécutif : conjointement à l’adoption d’une ambitieuse réforme des collectivités locales, susceptible de freiner les dépenses publiques, la refonte intégrale du système fiscal, refonte passant notamment par l’introduction de la TVA sociale.

Le seul véritable exemple de TVA sociale est offert par le Danemark, puisque l’Allemagne a finalement affecté les 2/3 du relèvement de 3 points (de 16 à 19%) du taux de TVA intervenu au 1er janvier 2007 à la réduction de son déficit budgétaire.

Le cas danois, constitué par le relèvement, en 1987, de trois points (de 22 à 25%) du taux de TVA moyennant la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, doit être analysé en prenant compte des particularités suivantes :

– Le contexte économique spécifique de 1987. L’introduction de la TVA sociale s’inscrivait dans le cadre d’une politique, initiée en 1986 (« kartoffelkur »), visant à refroidir la demande intérieure et à rétablir l’équilibre de la balance des paiements (4). La quasi suppression des charges sociales pesant sur les entreprises a donc été accompagnée par toute une série de mesures (freinage de la dépense publique, réduction du taux applicable à la déductibilité des intérêts d’emprunts, réduction de la durée de perception des allocations chômage…).

– La philosophie du système fiscal danois, dont notre pays est contraint de suivre certaines des caractéristiques avant toute introduction de la TVA sociale. Parmi elles, le rôle redistributif prépondérant joué par l’impôt sur le revenu, première source incontestée de recettes pour l’Etat danois, et le nombre très limité de niches fiscales. Rappelons également la suppression (par les socio-démocrates !) de l’ISF en 1997, impôt jugé inefficace…

Répartition attendue des recettes fiscales en 2010 (Ministère des Impôts)

Impôt sur le revenu: 52%, TVA: 23%

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– La manière dont est perçue la TVA. Son caractère proportionnel et uniforme (il existe très peu d’exemptions au taux de 25%) est accepté par la population tant que l’impôt sur le revenu occupe la première place en termes de redistribution.

– L’introduction de la TVA sociale est allée de pair avec l’engagement pris par les syndicats de modération des revendications salariales au cours des années qui ont suivi. En dépit de la quasi-suppression des charges sociales pesant sur les entreprises, le coût du travail est en effet depuis longtemps plus élevé au Danemark en raison du niveau des salaires.

L’héritage de Poul Schlüter, Premier Ministre danois de 1982 à 1993, est controversé. Suite à la « kartoffelkur », la balance des paiements est redevenue positive en 1990, pour la première fois depuis plus de 20 ans. Le taux d’inflation, qui excédait 10% en 1982, fut divisé par cinq dix ans après. Le déficit budgétaire fut quant à lui ramené de 9,1 à 2,6% sur la même période. Afin d’éviter l’emballement de l’économie, l’objectif de refroidissement la demande interne a toutefois conduit à une forte poussée du chômage, dont le pic fut atteint en 1993 (12,4%), qui a à son tour contribué au creusement de la dette publique, cette dernière dépassant à la même date la barre de 80% du PIB.

Il existe toutefois aujourd’hui un relatif consensus au Danemark sur le fait que les résultats obtenus par la suite, tant en termes de chômage (baisse de 12,4 à 5,2% du taux de chômage sous l’ère Poul Nyrup Rasmussen entre 1993 et 2001, atteinte du plein emploi sous l’ère Anders Fogh Rasmussen) qu’en termes de réduction de la dette publique (27% du PIB fin 2007), n’auraient pu être atteints sans la résolution préalable des problèmes rencontrés en termes de compétitivité. De nombreux économistes indiquent également que les effets collatéraux d’une telle réforme auraient été plus limités si elle avait été mise en oeuvre plus tôt.

De l’introduction de la TVA sociale, réalisée dans un contexte spécifique mais dont certains des éléments ne vont pas sans rappeler la situation économique prévalant aujourd’hui dans notre pays (déséquilibre des comptes extérieurs et des comptes publics), peuvent être tirés les constats suivants:

1) La compétitivité des entreprises danoises n’a jamais été démentie depuis son introduction, malgré le niveau élevé des salaires. Sur l’année 2007, le coût du travail moyen dans le secteur privé était de 36 euros par heure. Seulement 4% de ce montant était constitué de charges hors salaire (5). Les exportations représentaient avant la crise 35% du PIB, le pays affichant des excédents commerciaux et des excédents de la balance des paiements réguliers.

Evolution du solde de la balance des paiements

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Evolution du solde de la balance commerciale (Danmarks Statistik)

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2) L’introduction de la TVA sociale a permis de mener une réflexion plus large sur la manière de développer la compétitivité des entreprises. Il convient en effet une nouvelle fois de souligner que l’adaptation aux défis posés par la mondialisation est également passée par l’approfondissement de la politique de formation continue, condition indispensable de la spécialisation de la main d’œuvre sur des productions à plus haute valeur ajoutée.

3) D’autre part, l’introduction de la TVA sociale a eu le mérite de clarifier le débat sur les délocalisations. Elle permet donc, dans une certaine mesure, d’expliquer le pragmatisme danois sur un thème toujours très sensible dans notre pays, puisqu’elle a débouché sur la quasi-suppression de toute distorsion fiscale dans le coût de production entre les biens produits au Danemark et ceux produits à l’étranger.

4) L’introduction de la TVA sociale a été suivie, à partir du milieu des années 90, par une remarquable série d’excédents budgétaires que seule la crise actuelle est venue remettre en cause.

Evolution du solde public (Ministère des Finances)

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Pour résumer, le principe de TVA sociale ne peut être mis en oeuvre dans notre pays sans une réforme préalable du système fiscal, qui doit intégrer davantage d’éléments de justice sociale, et sans le lancement d’une politique globale en faveur de la compétitivité. Ajoutons qu’une coordination au niveau européen serait bien évidemment souhaitable. Jean Arthuis avance par exemple que la TVA sociale aurait le mérite de mettre un terme au débat sur le projet de Directive Européenne sur les services (6). Ouvrons également les yeux sur notre niveau d’endettement, qui nous contraint à financer notre protection sociale par des produits et services conçus à l’étranger…Rappelons enfin qu’il s’agit de réduire les charges pesant sur les entreprises, pas  de parvenir, comme au Danemark, à leur quasi-suppression.

Creuser davantage les déficits en affirmant que chaque euro d’endettement supplémentaire sera affecté à des priorités nationales, c’est reconnaître implicitement que la dérive des finances publiques n’a été jusqu’ici que le résultat d’un immense gâchis…Certes, la TVA sociale pourrait momentanément ralentir la consommation. Mais comme l’affirmait cette semaine Philippe Séguin, une dégradation encore plus marquée des comptes publics expose la France à plusieurs risques dont “un risque économique” marqué par la remontée du taux d’épargne des ménages.

Le Danemark a souvent eu recours à l’arme fiscale en temps de crise. En 1987, en instaurant la TVA sociale, ou encore aujourd’hui, à travers la réforme adoptée dans le cadre du “paquet de printemps 2.0”, qui débouche sur des changements d’une ampleur inégalée. Qu’est-ce qui nous empêche de faire de même?

(1) « Requinqué, Fillon s’offre une journée en Corse » Le Figaro, 22 septembre 2007 http://www.lefigaro.fr/politique/20070922.FIG000000937_requinque_fillon_s_offre_une_journee_en_corse.html

(2) « L’Europe divisée sur les hausses d’impôt » le Figaro, 26 juin 2009 http://www.lefigaro.fr/impots/2009/06/26/05003-20090626ARTFIG00253-l-europe-divisee-sur-les-hausses-d-impots-.php

(3) « La Cour des Comptes s’inquiète du risque d’emballement de la dette », Le Monde, 24 juin 2009 http://www.lemonde.fr/economie/article/2009/06/24/la-cour-des-comptes-s-inquiete-du-risque-d-emballement-de-la-dette_1210595_3234.html#xtor=RSS-3208 Philippe Séguin précise par ailleurs que la France est le quatrième Etat le plus endetté de la zone euro et que ses dépenses publiques (plus de 52% du PIB) sont supérieures de 9 points à celles de l’Allemagne.

(4) Outre le fort déficit de la balance des paiements, l’économie danoise était caractérisée en 1986 par un taux de croissance proche de 5% et une consommation privée en hausse de 5,6%.

(5) Donnée Danmark Statistiks http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2008/NR480.pdf Les employeurs contribuent de plus au système de retraite complémentaire professionnelle (dispositifs de retraite apparus dans le cadre de conventions collectives couvrant 85% du marché du travail danois). Le montant versé chaque mois, dont les 2/3 sont à la charge de l’employeur, peut être considéré comme un élément de salaire différé. Le montant à la charge de l’employeur est variable mais équivaut en moyenne à 10% du salaire. Il faut également noter que les entreprises danoises ne contribuent pas au financement du système d’assurance-chômage.

(6) “TVA sociale et plombier polonais” http://www.jeanarthuis-blog.fr/index.php?sujet_id=2588

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La sauvegarde de l’Etat-providence: le défi numéro un pour l’économie danoise

SPM_A0033La publication la semaine dernière des dernières prévisions économiques du Ministère des Finances danois ne laisse plus de place au doute: le Danemark n’est pas moins affecté par la crise que ne le sont les autres Etats membres de l’UE (1). Les prévisions gouvernementales tablent en effet désormais sur un recul du PIB compris entre 2,5 et 3,5% en 2009 après celui de 1,1% enregistré en 2008. Seule éclaircie dans le contexte actuel, la perspective d’une légère reprise pouvant atteindre, dans le meileur des cas, 1% en 2010. Parmi les autres indicateurs économiques:

2009 2010
Taux de chômage 3,6% 5%
Solde public (% du PIB) -1,3% -3,3%
Dette publique (% du PIB) 36,1% 38,8%
Exportations -7,25% +1,25%
Revenu disponible des ménages +4,5% +2%
Consommation privée -1,25% +2,5%
Solde balance des paiements (% du PIB) 1% 0,75%

Une dégradation marquée de la situation qui ne saurait éclipser le fait que le pays a tout de même la chance de pouvoir profiter de la politique d’assainissement des finances publiques menée sous l’ère Anders Fogh Rasmussen. Comme le rappelait cette semaine le quotidien Børsen, le Danemark a tiré parti des marges de manoeuvre dont il disposait au moment de l’éclatement de la crise pour mener une politique budgétaire expansionniste caractérisée notamment par le sous-financement initial de la réforme de la fiscalité ou par l’autorisation donnée aux Danois de recourir à une partie de leur épargne-retraite (2). D’où la croissance historique du revenu disponible des ménages en 2009 et le redémarrage espéré de la consommation privée qui pourrait en résulter en 2010. Le moins que l’on puisse dire est que certains pays n’ont pas la chance d’être dans la même situation, la France étant par exemple désormais contrainte de mener une politique de rigueur susceptible de ralentir la sortie de crise…

Dans ce contexte, le véritable défi pour l’économie danoise, au-delà de la crise actuelle, est constitué par la conservation à moyen terme d’un niveau d’Etat-Providence proche de celui constaté aujourd’hui en dépit d’évolutions démographiques défavorables. Le problème étant que le financement de cet Etat-Providence se heurte à deux contraintes majeures:

1) La disparition progressive des recettes liées de l’extraction du gaz et du pétrole, recettes dont l’impact est souvent exagéré, sans toutefois être négligeable (3).

2008 2009 2010 2011 2012
Pétrole  (millions de m3) 16,4 15,0 15,7 15,2 14,1
Gaz (milliards de Nm3) 8,6 8,6 8,2 7,2 6,1

Le graphique ci-dessous montre en effet qu’à l’exception des années 2003 et 2004, les recettes liées à l’extraction du pétrole et du gaz en Mer du Nord (bleu foncé) n’ont jamais représenté plus de la moitié  des excédents budgétaires réalisés au cours de la période 1999-2007 (4).

image

La disparition progressive de ces précieuses recettes est inévitable. Les premières à être épuisées seront celles de gaz. Mærsk estime en effet que les réserves actuelles seront taries d’ici un horizon de 10 à 12 ans (5). Les réserves pétrolières s’épuiseront un peu plus tard, mais ne pourront être remplacées par celles situées au Groenland puisque le statut d’autonomie renforcée dont il bénéficie à partir du 21 juin 2009 stipule que l’ensemble des ressources en hydrocarbures lui appartiendront à 100% (moyennant il est vrai la déduction de la moitié de ces éventuelles ressources du montant de subventions accordées aujourd’hui par le Danemark au Groenland).

2) L’impératif, conformément à la philosophie entourant le “plan économie 2015”, d’accroître le nombre de personnes présentes sur le marché du travail afin de compenser les effets du vieillissement de la population. Un impératif renforcé par la crise actuelle, qui tend à contracter la main-d’oeuvre totale (certains sont en effet incités, du fait de la crise, à quitter prématurément du marché du travail). Un impératif qui s’impose de lui-même, puisque les deux autres voies possibles pour assurer la pérennité des finances publiques à moyen terme, à savoir l’augmentation de la pression fiscale et la réduction du niveau des prestations, semblent inconcevables. La première en raison d’un taux de prélèvements obligatoires déjà élevé, estimé à 46,6% en 2009, la deuxième se heurtant au renforcement constant des attentes des citoyens danois vis-à-vis de leur Etat-providence.

Afin de sauvegarder son modèle, le Danemark est donc “condamné” à une fuite en avant permanente en termes d’expansion du marché du travail, et ce en dépit de la première place qu’il occupe déjà au sein de l’UE en termes de taux d’emploi (78% en 2008). Un objectif atteignable si l’on considère que ce même taux d’emploi avait dépassé les 80% au cours des années 80. Mais un objectif qui passe par une série de réformes impopulaires que la commission sur l’emploi devrait néanmoins proposer de mettre en oeuvre lors de la présentation de ses conclusions le 20 août prochain…

Il s’agit de réduire le nombre de personnes exclues aujourd’hui du marché du travail, ce qu’Anders Fogh Rasmussen n’a atteint que bien trop partiellement malgré les conditions très favorables constatées ces dernières années sur le front de l’emploi. Les chiffres sont connus: la population active danoise comptait fin 2008 légèrement plus de 2,8 millions d’individus, alors que 768 800 personnes âgées de 16 à 64 ans bénéficiaient au même moment d’un revenu de transfert de la part de l’Etat ou des communes (6).

48% des individus cités précédemment sont soit en préretraite (près de 140 000 personnes concernées), soit en pension d’invalidité (235 000). D’où les propositions, incontournables, d’élever sans attendre (contrairement aux dispositions prises dans le cadre de l’Etat-providence de 2006, dispositions selon lesquelles il n’y aurait pas de changement en la matière avant…2019) l’âge à partir duquel un individu peut partir en préretraite (60 ans aujourd’hui) et de ne plus accorder des pensions d’invalidité que sur une base temporaire. Parmi les autres pistes envisageables: l’éventuelle réduction de la durée de perception des allocations chômage (4 ans aujourd’hui), la lutte accrue contre les arrêts maladie, l’instauration d’une allocation étudiante modulable en fonction du temps mis à terminer ses études, sans oublier le recours à la main-d’oeuvre étrangère qualifiée.

Le contexte politique (les prochaines élections sont en principe programmées à l’automne 2011) n’est pas favorable à l’adoption de vastes réformes. Le Danemark a néanmoins déjà démontré à maintes reprises sa capacité à se remettre en cause au niveau économique. La dégradation des finances publiques est une occasion que le gouvernement serait bien inspiré de saisir pour convaincre les Danois de la nécessité de réformer le fonctionnement du marché du travail.  C’est à ce prix et à ce prix seulement que le Danemark évitera de “rentrer dans le rang”.

(1) Økonomisk Redegørelse Maj 2009, Ministère des Finances http://fm.dk/Publikationer/2009/~/media/Files/Publikationer/2009/OER%20maj%2009/OER_maj_09_web.ashx

(2) “Regeringen kunne have gjort mere” Editorial de Børsen, 27 mai 2009

(3) “Opdatering af Energistyrelsens 5års prognose for dansk olie- og gasproduktion” Energistyrelsen, novembre 2008 http://193.88.185.141/Graphics/Olie_Gas/Prognoser/produktionsprognoser/5aarsprognose-olie_gas_nov08.pdf

(4) Source: Energistyrelsen http://www.ens.dk/da-DK/UndergrundOgForsyning/Olie_og_gas/felter_produktion/Oekonomi/betydning/statindtaegt/Sider/Forside.aspx

(5) “Mærsk: Gas i Nordsøen 10-12 år endnu” Jyllands-Posten, 29 mai 2009 http://epn.dk/brancher/energi/olie/article1708514.ece

(6) “768 800 på offentlige forsørgelse blandt 16-64-årige” Danmarks Statistik, 25 mai 2009 http://www.dst.dk/pukora/epub/Nyt/2009/NR237.pdf A noter que sur ces 768 800 personnes, un peu plus de 80 000 sont bien présentes sur le marché du travail mais appartienent à la catégorie des emplois aidés.


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Le secret derrière la flexicurité

SP_A0680Alors que le locataire actuel de l’Elysée, fasciné par les Etats-Unis, s’entête, d’une manière incompréhensible, à courir derrière un “modèle” que la crise est pourtant venu renverser, le monde académique américain s’intéresse lui de près au fonctionnement du modèle danois de flexicurité (1). Certes, depuis le niveau historiquement bas atteint durant l’été 2008 (1,6%), le taux de chômage est au Danemark, comme partout ailleurs, reparti à la hausse, mais son niveau actuel (2,5% en février) reste largement enviable comparé aux autres économies européennes (2). Sans compter que le chiffre définitif du taux d’emploi sur l’année 2008 (77,4%) confirme la première place occupée par le pays au sein de l’UE (3).

Sur le point de publier un ouvrage sobrement intitulé “Flexicurity”, le Professeur Charles Sabel, de la prestigieuse Université de Columbia, énumérait il y a quelques jours dans la presse danoise les piliers sur lesquels reposent le modèle danois de marché du travail. Au-delà de ceux communément avancés (facilités de licenciement, filet de sécurité constitué par les allocations chômage, formation continue…), figurait de manière fort intéressante le concept de responsabilité individuelle, sans lequel tout début de compréhension globale des mécanismes sous-tendant le modèle reste largement hors de portée.

A la question de savoir en quoi la flexicurité constitue une véritable force motrice susceptible de guider l’évolution d’une société, le professeur Sabel répondait de la manière suivante: “Le coeur de la notion de flexicurité est la sécurité de l’employabilité, pas la sécurité de l’emploi. Chaque individu est incité à développer ses compétences et sa carrière professionnelle en allant d’un emploi à un autre, plutôt que de grimper dans la hiérarchie au sein d’une entreprise donnée, cette dernière voie pouvant devenir source de dépendance. La responsabilité donnée à chacun de développer ses compétences contribue à créer une robuste sécurité en termes d’employabilité. Le besoin de constamment développer ses compétences pousse l’individu à rechercher les emplois les plus  qualifiés et les plus épanouissants, ce qui contraint les entreprises à se concentrer sur les tâches les plus exigeantes en termes de développement, favorisant ainsi une innovation déterminante pour l’atteinte de leur succès sur tel ou tel marché”.

Beau changement de perspective en effet de ne jamais considérer l’emploi qu’on occupe comme une fin mais comme un tremplin…Un concept de responsabilité individuelle résultat d’une longue maturation institutionnelle qui se retrouve également par exemple dans le caractère volontaire de l’adhésion à une caisse d’assurance-chômage.

A la question de savoir si le modèle est exportable, le Professeur Sabel répondait de la manière suivante: “La flexicurité est exportable dans d’autres pays. Pas nécessairement sous la forme précise qu’elle prend au Danemark, mais les principes et la logique qui le sous-tendent peuvent certainement être utilisés ailleurs. Les nouvelles idées ont souvent été présentées comme culturellement uniques. Les Américains ont également prétendu, dans un premier temps, qu’il était impossible d’utiliser la méthode “lean” aux Etats-Unis, qu’ils étaient d’une nature bien trop individualiste pour cela, contrairement aux Japonais. Pourtant, cette méthode est aujourd’hui partout utilisée” (4).

Ces réflexions viendraient-elles élever le niveau des débats dans notre pays? Aux dernières nouvelles, le locataire actuel de l’Elysée promettait, la main sur le coeur, de sauver le site Caterpillar de Grenoble d’une fermeture pourtant inéluctable. Et Henri Guaino, son conseiller très spécial, de déclarer qu’il ne s’agissait pas de “paroles en l’air”, même si l’Etat ne peut pas “tout sauver” (5). Comment mieux exprimer, par une phrase disant tout et son contraire, que le gouvernement est prisonnier de shémas de pensée le condamnant à continuer de “pédaler dans la semoule” dans le domaine de l’emploi?

Heureusement, certains ne perdent pas le Nord et continuent de se concentrer sur ce qui marche. A ce propos, le professeur Sabel souligne que de nombreuses études doivent encore être menées pour prétendre percer le secret derrière la flexicurité. Et qu’à ce jeu-là, les Danois ne sont pas, selon lui, les mieux placés, n’ayant pas nécessairement le recul pour présenter, à l’aide de concepts intelligibles, un modèle qu’ils éprouvent tous les jours…

L’article se termine de cette manière: “Nous avons eu de nombreux modèles au cours des dernières décennies. Le modèle allemand, suédois, japonais, finlandais et le modèle américain. Ces modèles sont en train de fusionner. Mais nulle part ailleurs les choses ne réussissent mieux qu’au Danemark. Je pense par conséquent que le modèle danois de flexicurité sera le modèle de référence dans le cadre des débats de société au cours des dix ou quinze prochaines années. Après cela, d’autres finiront par apporter de nouvelles idées et de nouvelles solutions”. Espérons que d’ici-là, la France aura au moins rattrapé son train de retard…

(1) “Hemmeligheden bag den danske model” Berlingske Nyhedsmagasin, numéro 12, semaine du 27 mars au 2 avril 2009. http://www.business.dk/article/20090327/nyhedsmagasin/90326096/

(2) Donnée Danmarks Statistik http://dst.dk/Statistik/seneste/Arbejdsmarked/Ledighed.aspx

(3) Donnée Danmarks Statistik http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1280

(4) Pour de plus amples informations sur le concept de “Lean”, consulter le lien suivant: http://fr.wikipedia.org/wiki/Lean

(5) “L’Elysée préoccupé par une radicalisation des mouvements sociaux”, Le Monde, 3 avril 2009 http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-38921002@7-37,0.html

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Les dangereuses mutations de la flexicurité danoise

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Au Danemark comme ailleurs, la dégradation de la situation économique s’accompagne d’une inéluctable hausse du nombre de demandeurs d’emploi. Le taux de chômage est ainsi passé de 1,6% durant l’été dernier à 2,1% en décembre 2008. Mais comme nous l’avons vu dans un de mes précédents articles, intitulé “Le Danemark dans l’ère post-chômage?”, la véritable problématique de long terme reste celle du manque de main-d’oeuvre.

Pour y faire face, la flexicurité danoise va devoir s’adapter. Une adaptation loin d’être favorable à ceux qui se retrouveront au chômage une fois les traces de la crise actuelle effacées. Une adaptation qui comporte en fait un risque de taille: celui de dénaturer un modèle pourtant reconnu à travers le monde.

Le modèle danois de flexicurité est en effet marqué par plusieurs évolutions préoccupantes:

1) L’affaiblissement du volet sécurité. Les allocations chômage restent relativement généreuses (environ 2050€/mois) mais pour encore combien de temps? Leur taux de couverture du salaire moyen ne cesse en effet de baisser: entre 50 et 60% aujourd’hui, soit 25 pts de moins que dans les années 80!. La croyance, pour le moins répandue, qu’elles couvrent 90% de l’ancien salaire est donc sans fondement. Seuls 15% des demandeurs d’emploi membres d’une caisse d’assurance chômage bénéficient aujourd’hui d’une couverture de ce niveau (1).

Certes, cet affaiblissement profite aux plus défavorisés (depuis 1991 existe un dispositif  retirant 0,3 points de pourcentage à l’ajustement entre allocation chômage et salaire moyen, ces 0,3 points étant affectés à des projets à forte dimension sociale), mais il n’empêche qu’une comparaison avec des pays comme la France, l’Allemagne, la Norvège ou encore les Pays-Bas indique que le plafond d’allocation est plus élevé chez ces derniers.

Autre tendance mise en lumière par la crise économique actuelle, le fait que 30% des Danois ne sont pas membres d’une caisse d’assurance chômage (l’adhésion est volontaire). 30% soit 10 pts de plus qu’en 1995…(2). Autrement dit, pas d’allocation chômage pour cette catégorie de population en cas de licenciement. Pire, l’allocation de remplacement versée par les communes, d’un montant en moyenne 40% inférieur, est strictement conditionnée, ce que semble ignorer bon nombre de Danois…

Finalement, en quoi consistera le modèle de flexicurité lorsque son volet sécurité ne reposera finalement plus que sur une durée de perception des allocations chômage toujours fixée à 4 ans? Le Danemark devrait-il s’aligner sur la Suède, qui va, à partir de 2010, rendre obligatoire l’adhésion à une caisse d’assurance-chômage?

2) La décentralisation intégrale des jobcenters. Pour tout observateur averti du marché du travail danois, cette décentralisation est singulière. Parce qu’elle n’a fait l’objet d’aucune négociation et d’aucune consultation des partenaires sociaux. Un fait surprenant lorsque l’on sait que toutes les réformes font au Danemark l’objet de négociations avec l’ensemble des formations politiques et des acteurs du monde économique et débouchent souvent sur un consensus…

Basée, d’ici le 1er août 2009, sur un désengagement de l’Etat de la gestion des jobcenters (et donc du financement des allocations chômage) confiée aux seules communes, cette évolution suscite d’ores et déjà des inquiétudes. A long terme, il s’agit pour les partenaires sociaux de s’assurer que les prérogatives aujourd’hui accordées aux caisses d’assurance-chômage en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi ne leur soient pas retirées. Que la stricte séparation, aujourd’hui gravée dans le marbre, entre indemnisation du chômage et la partie de l’accompagnement du demandeur d’emploi assurée par le jobcenter ne soit pas remise en cause. Mais comment en être convaincu lorsque le gouvernement justifie la réforme actuelle par une rationalisation à la britannique (aujourd’hui suivie en France…) de l’effort en termes d’emploi?

3) Les menaces pesant sur le système de négociation collective. On l’oublie trop souvent mais le modèle danois de marché de l’emploi ne repose pas uniquement sur les deux contractions qui sont à la base du terme de flexicurité. La flexicurité, c’est aussi un système de négociation collective qui a fait ses preuves. Or ce système est aujourd’hui soumis à des pressions. Tout d’abord parce que le taux de syndicalisation suit les mêmes évolutions à la baisse que le nombre de personnes membres d’une caisse d’assurance chômage (bien que l’adhésion à l’un n’implique pas nécessairement l’adhésion à l’autre), mais aussi parce que les dernières négociations ayant entouré le renouvellement des conventions collectives du secteur public pour la période 2008-2011 suggèrent des évolutions n’allant pas toujours dans le bon sens.

Le système repose en effet sur un dispositif de régulation, entré en vigueur au 1er octobre 1984, garantissant que les progressions obtenues par le secteur public et le secteur privé sont similaires en termes de salaires, mais aussi en termes d’avantages divers (retraites, congés payés, indemnités maladie, congés maternité…). Depuis 1987, l’alignement de ces augmentations est ainsi opéré durant la durée de validité de la convention collective à hauteur de 80%.

Premier problème, les négociations ayant eu lieu en 2008 ont montré qu’une partie encore limitée mais croissante des avantages sont négociés en dehors du cadre de régulation, certaines voix, heureusement minoritaires, s’étant même fait entendre en faveur de son abrogation. Bref, une tentative à peine voilée de remettre en cause un système basé sur la solidarité…

L’implication précoce et inédite de deux partis politiques (parti nationaliste et sociaux-démocrates) lors des dernières négociations est également de nature à dénaturer un système basé sur l’autorégulation…

Le manque de main-d’œuvre placera ensuite certaines professions (notamment les infirmières) en position de force lors des futures négociations. Des divisions catégorielles qui ne risquent pas d’être atténuées après l’accord donné récemment par le gouvernement sur le principe de l’instauration d’une commission sur les salaires dont les travaux sont censés servir de base au renouvellement des conventions collectives en 2011. D’où le risque de déboucher sur une foire d’empoigne tant les sujets abordés sont vastes (parité, différences de salaires  entre privé et public…).

Dernier point, l’expiration, au 1er mai 2009, de l’accord (« Østaftalen ») passé avec les pays récemment entrés dans l’Union Européenne. Une expiration qui signifie que les ressortissants de ces pays pourront, à partir de cette date, venir librement travailler dans le pays. Comment peut-on garantir que les nouveaux arrivants connaîtront bien leurs droits et seront effectivement couverts par des conventions collectives?

4) La concurrence en termes d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Craignant déjà qu’on leur retire le rôle important qu’elles jouent aujourd’hui en termes d’accompagnement des demandeurs d’emploi, les caisses d’assurance-chômage doivent depuis peu faire face à une concurrence inattendue en ce qui concerne le volet indemnisation. Elles proposent en effet, au-delà de l’assurance-chômage de base en vigueur aujourd’hui (cotisation volontaire d’un montant proche de 650€/an en moyenne donnant donc lieu en cas de chômage à une allocation d’environ 2050€/mois), une assurance complémentaire permettant de toucher jusqu’à 4000€/mois en plus de l’allocation chômage de base. C’est sur ce segment de l’assurance complémentaire qu’elles doivent désormais faire face à une offre concurrente dont le financement est assuré de manière totalement privée en dehors du cadre traditionnel de caisses d’assurance-chômage (3). L’enjeu est donc d’évaluer les conséquences de ce début de privatisation sur le système…

5) La mise entre parenthèses de la formation continue? Dans une situation de manque de main-d’œuvre comme celle vécue en 2006 et 2007, maintenir une politique de formation continue qui soit ambitieuse est un exercice difficile. L’expérience a en effet montré que le demandeur d’emploi était bien souvent poussé vers l’activité sans véritable accompagnement en termes de formation ou de réflexion spécifique sur ses qualifications. Le risque étant bien entendu que faute d’une véritable politique de formation continue, le modèle ne puisse s’adapter aussi bien qu’il ne l’a fait ces dernières années aux évolutions rapides induites par la mondialisation…

Les défis de long terme auxquels le modèle danois de flexicurité doit faire face sont donc nombreux. Connaissant les facultés d’adaptation des Danois et leur légendaire capacité à négocier, on peut raisonnablement penser que des solutions seront trouvées à ces évolutions préoccupantes. La vigilance s’impose toutefois: à quoi bon tendre vers le modèle danois de flexicurité au niveau européen si celle-ci se transforme peu à peu en un mirage ?

(1) “Danske dagpenge i bund i forhold til nabolande”, LO Ugebrev, 27 octobre 2010. http://www.ugebreveta4.dk/2008/200836/Baggrundoganalyse/Danske_dagpenge_i_bund_i_forhold_til_nabolande.aspx

(2) “Danskerne dropper a-kassen”, Børsen, 21 janvier 2009

(3) Consulter le site http://www.flexlonsikring.dk/Sider/Default.aspx. C’est le syndicat Frie Funktionærer (https://www.f-f.dk/da-DK/Sider/forside.aspx) qui possède la compagnie d’assurance proposant cette assurance complémentaire (FF Forsikring A/S).

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Etat-providence danois: une révolution silencieuse?

CPH Xmas 08 (6)

Affirmer que l’avenir de l’Etat-providence constitue le débat central traversant aujourd’hui la société danoise serait une exagération. La crise mobilise en effet toutes les énergies au vu d’évolutions et de prévisions de plus en plus négatives.

Après une année 2008 marquée par une croissance proche de 0%, le PIB devrait ainsi reculer de 0,2% en 2009 si l’on en croit les hypothèses, jugées optimistes, du gouvernement. L’excédent budgétaire de 3% constaté en 2008 devrait également disparaître entièrement en 2009. Dans le meilleur des cas, un doublement du taux de chômage est attendu d’ici la fin 2010 (1,9% en novembre 2008). Plus grave, le chapitre crise financière n’est pas terminé, comme l’illustrent les négociations actuelles entourant un second plan d’aide à un secteur bancaire dont l’ampleur des pertes en 2008 pourraient égaler les profits record réalisés l’année précédente.

Restent heureusement quelques évolutions positives comme celle entourant le pouvoir d’achat: sous l’effet des hausses salariales obtenues lors des négociations entourant le renouvellement des conventions collectives (12,8% en moyenne sur la période 2008-2011) et des baisses de l’impôt sur le revenu de 2008 et 2009, le revenu disponible brut des ménages devrait croître sensiblement et pourrait relancer la consommation à partir de 2010 (sans compter la réforme de la fiscalité en préparation). De même, la couronne danoise est stabilisée, une situation qui contraste fortement avec celle rencontrée en Suède et en Norvège.

Pourtant, la question de l’avenir de l’Etat-providence a bien été relancée au cours de la semaine dans la presse danoise. Une nouvelle preuve de la capacité du Danemark à se projeter dans le futur. Car comme l’a justement fait remarquer Anders Fogh Rasmussen, la crise actuelle doit être combattue par des réformes de long terme, dans la mesure où elle nous force à changer le mode de fonctionnement de nos sociétés. Une résolution bien éloignée de la “vision” associée à la nomination d’un ministre de la relance dénué de tout objectif au-delà de 2010 et dont le seul souhait est de nous en mettre plein la vue en assurant que 428 milliards d’€ ont été injectés dans l’économie…(1).

Mais quels sont donc les éléments qui font douter certains de la pérénnité de l’Etat-providence danois, notamment caractérisé par un secteur public rassemblant 28,5% de la main-d’oeuvre totale? (2)

1) 850 000 Danois (sur une population active de près de 2,9 millions) sont désormais couverts par une assurance santé privée (souvent contractée par l’employeur comme avantage) permettant dans certains cas de passer outre les listes d’attente dans les hôpitaux.

2) 13% des enfants allant à l’école primaire poursuivent leur scolarité dans une école privée.

3) 1,1 million de Danois cotisent à un dispositif de retraite privé en plus de celui de retraite complémentaire professionnelle dont ils bénéficient à travers leur emploi.

4) La deuxième phase de la réforme des collectivités territoriales prévoit une réduction du nombre d’hôpitaux.

5) La réforme de la police, initiée début 2007, n’a visiblement pas les effets escomptés, même si le gouvernement avait prévenu que le nouveau mode d’organisation adopté ne donnerait sa pleine mesure qu’à partir de 2011. En attendant, les cas relayés par la presse où le citoyen danois appelle en vain la police, incapable répondre en raison du manque d’effectifs, se multiplient, contraignant le gouvernement, dans le cadre de la loi de finances 2009, à augmenter en urgence les effectifs…

6) Le niveau des allocations chômage, un des piliers du modèle de flexicurité, est de moins en moins généreux (environ 2040€ par mois imposables, soit entre 50 et 60% du salaire moyen).

7) Malgré la crise et l’inévitable remontée du chômage qui va avec, le secteur public a besoin de bras, notamment dans le secteur de la santé.

Les exemples sont nombreux et tendent effectivement à aboutir à la conclusion que l’Etat-providence danois est en danger, malgré les quelque 6 milliards d’€ supplémentaires de consommation publique constatés depuis l’arrivée du libéral Anders Fogh Rasmussen au pouvoir en 2001. On peut en tous les cas remarquer que le gouvernement danois s’est efforcé au cours des dernières années de promouvoir le concept du libre choix afin de faire face au renforcement des attentes des citoyens, un renforcement des attentes découlant de la hausse du niveau de vie.

Mais l’affaiblissement de l’Etat-providence danois ne s’arrête pas là: pour relancer l’économie, le gouvernement compte en effet poursuivre l’allègement de l’imposition des revenus issus du travail. Un objectif nécessaire au vu record mondial détenu en termes d’imposition marginale (63%!) et au vu du nombre record de Danois se situant dans la tranche d’imposition supérieure (40% de la main-d’oeuvre!), mais qui ne saurait être mené trop loin…

A l’heure où notre secteur hospitalier souffre visiblement de certaines carences (problèmes d’organisation liés à l’introduction des 35 heures, manque de personnel…), que le nombre de pauvres ne cesse d’augmenter (et parmi eux certains ayant pourtant un emploi…), pour ne citer que ces deux exemples, une réflexion sur le niveau d’Etat-providence que nous souhaitons avoir dans notre pays est incontournable. Une réflexion qui s’inscrit pleinement dans le projet de société humaniste souhaité par le Mouvement Démocrate…

(1) “Devedjan avance un total de 428 milliards d’euros injectés dans l’économie” Le Point, 6 janvier 2009 http://www.lepoint.fr/actualites-politique/devedjian-avance-un-total-de-428-milliards-d-euros-injectes-dans/917/0/304565

(2) Certains d’entre eux sont cités dans l’article suivant: “Dansk velfærd under afvikling”, Berlingske Tidende, 9 janvier 2009 http://www.berlingske.dk/article/20090108/danmark/701080114/

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Un cruel manque de pédagogie

CPH Xmas 08 (1)

Parmi les nombreux maux dont souffre aujourd’hui notre pays, le manque de pédagogie entourant les grands enjeux auxquels il est confronté occupe une place de choix. Un manque à la base de “la France qui tombe” depuis une bonne trentaine d’années.

Un manque pour le moins dangereux lorsque le locataire actuel de l’Elysée conduit dans les faits notre pays en monarque “éclairé” alors qu’il n’est au mieux qu’un bon improvisateur. Avec les conséquences que l’on connait: intialement programmé en 2010, le retour à l’équilibre du budget, une première fois repoussé à 2012 au début de la présidence française de l’UE, est désormais annoncé pour 2014 si l’on en croit (!) les récentes déclarations de François Fillon (1). 2014, soit deux ans après les prochaines élections présidentielles: une échéance bien pratique pour éviter de rendre des comptes sur un enjeu aussi crucial et oser prétendre à la place, lors des voeux du Nouvel An, que “nous allons sortir renforcés de cette crise” (2).

Mais rassurons-nous, le gouvernement a pris la mesure du problème: le Conseil pour la diffusion de la culture économique (CODICE), mis en place par le Ministère de l’Economie en septembre 2006, vient de lancer un site internet de pédagogie de l’économie (www.kezeco.fr), avec un objectif précis: “Apporter en toute indépendance des clés à nos compatriotes pour les aider à mieux assumer leur citoyenneté économique” (3). Le tout sur la base de sondages menés en 2006 et montrant “la connaissance limitée que les Français ont des indicateurs économiques se rapportant à leur vie quotidienne” (4).

Soigné dans sa présentation, le site offre ainsi différentes rubriques censées remédier à nos manquements de citoyens: des dossiers clés sur l’histoire économique, des dossiers clés classés par grands thèmes (fiscalité, pouvoir d’achat, chômage…), la possibilité de s’identifier à des personnages fictifs ayant des attentes et des intérêts particuliers (étudiant, retraité, chef d’entreprise…) et les chiffres incontournables de l’économie française (déficits, taux de chômage…). Bref tous les ingrédients pour nous faire accéder à un autre niveau de responsabilité. Une analyse plus poussée de cette initiative appelle toutefois les remarques suivantes:

1) Si “apporter en toute indépendance des clés à nos compatriotes pour les aider à mieux assumer leur citoyenneté économique” constitue une priorité du gouvernement, comment expliquer alors le peu de publicité fait à ce site internet? Combien d’entre vous en ont en effet entendu parler?

2) D’un point de vue méthodologique, le lancement du site repose sur le fait les Français n’ont qu’une “connaissance limitée” des grands indicateurs économiques (taux de chômage, taux de croissance…). Mais a t-on réellement besoin de les connaître sur le bout des doigts pour raisonner et formuler des solutions?

Un exemple: pas besoin de connaître le taux de chômage exact ni l’ampleur de la hausse du nombre de demandeurs d’emploi au mois de novembre (à savoir 64 000!) pour percevoir que quelque chose ne tourne pas rond dans ce domaine. Le vrai exercice de pédagogie consiste plutôt à expliquer pourquoi la dégradation des chiffres de l’emploi est plus marquée en France que chez la plupart de nos partenaires européens et pourquoi le taux de chômage est depuis des années systématiquement plus élevé chez nous que chez eux…

3) En dehors de quelques chiffres et, crise financière oblige, de très succintes références faites à l’étranger, point d’analyses sur la manière dont les choses fonctionnent au-delà de nos frontières…Autrement dit, volonté affichée de poursuivre notre marche en avant en aveugle. Au vu de l’excellente santé de notre “modèle” social, pourquoi en effet prendre la peine de nous comparer aux autres?

Un exemple: lors des négociations relatives à l’assurance chômage qui ont eu lieu pendant les fêtes, on aurait aimé que le gouvernement nous explique, par souci pédagogique, pourquoi moins de 50% des chômeurs touchent effectivement l’allocation chômage…En nous comparant au Danemark, on aurait alors compris que si le système d’assurance chômage qui y prévaut est très éloigné du nôtre (le montant de la cotisation d’adhésion volontaire à une caisse d’assurance chômage peut varier d’une caisse à l’autre mais est le même pour tous au sein d’une même caisse, tout comme le montant de l’allocation chômage) et donc difficile à copier, il repose également sur une plus grande simplicité dont nous aurions intérêt à nous inspirer. Un objectif qui n’a visiblement pas été entièrement atteint lors des négociations mentionnées précédemment puisque les partenaires sociaux avancent des chiffres allant du simple au triple lorsqu’il s’agit d’évaluer les conséquences de l’accord trouvé en termes de nombre de chômeurs supplémentaires pouvant désormais bénéficier d’une allocation chômage…

4) Par “apporter en toute indépendance des clés à nos compatriotes pour les aider à mieux assumer leur citoyenneté économique”, comprendre que nous, citoyens, avons besoin d’être “éduqués”. Mais que nos dirigeants, eux, très bien formés et ayant le sens des responsabilités, n’ont rien à nous expliquer. Poursuivons donc également cette relation infantilisante, elle nous mènera loin…

Un exemple: en tant que citoyens, nous sommes, nous dit-on, tenus de connaître le taux de chômage exact qui prévaut dans notre pays. Également le taux de croissance pour 2009, qui restera, par le plus grand des miracles, positif (peut-être même 0,5%!) grâce au plan de relance de 26 milliards d’€ adopté récemment par notre gouvernement. Or, ce dernier n’a visiblement pas fait l’effort pédagogique de nous expliquer que cette somme ne représente pas 1,3% du PIB comme annoncé officiellement mais en fait 0,65% puisqu’elle sera dépensée en deux ans…Si le Ministère des Finances devient dans les faits une véritable agence de communication, comment peut-on encore croire qu’il nous prépare aux grands défis auxquels notre pays est confronté?

Je formule donc un voeu pour 2009: que nous sortions enfin de cet aveuglement collectif et que nos dirigeants renoncent à une gestion des dossiers marquée par le court-termisme. Un premier exercice de pédagogie serait d’admettre qu’au vu de la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre pays, la moindre des choses que notre gouvernement puisse faire est d’appeler à l’unité nationale et à l’implication de toutes les formations politiques à l’élaboration d’une stratégie de sortie de crise. Plutôt que de tenter de débaucher individuellement, pour assouvir ses intérêts propres, au PS et au MoDem…

(1) “Fillon repousse à 2014 l’équilibre des finances”, Le Figaro, 10 décembre 2008 http://www.lefigaro.fr/economie/2008/12/10/04001-20081210ARTFIG00323-fillon-repousse-a-l-equilibre-des-finances-.php

(2) “La crise nous oblige à changer plus vite et plus profondément”, Le Monde, 31 décembre 2008 http://www.lemonde.fr/politique/article/2008/12/31/nicolas-sarkozy-la-crise-nous-oblige-a-changer-plus-vite-et-plus-profondement_1136827_823448.html#ens_id=1136794

(3) “Réorganisation du Conseil de diffusion de la culture économique”, Site du Premier Ministre, 15 octobre 2008 http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/croissance_847/reorganisation_conseil_diffusion_culture_61371.html

(4) “Information: mieux diffuser la culture économique”, Vie Publique, 13 septembre 2006 http://www.vie-publique.fr/actualite/alaune/information-mieux-diffuser-culture-economique.html

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La décentralisation intégrale des jobcenters danois

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Attendue pour la semaine prochaine, l’adoption de la Loi de Finances 2009 ne sera sans doute commentée qu’à travers le prisme de la crise financière. Sous pression, le gouvernement danois a finalement consenti 2 milliards d’€ de dépenses supplémentaires. Mais la principale mesure annoncée est d’une toute autre nature. Elle concerne l’évolution du modèle de flexicurité à travers la “communalisation” intégrale, à compter du 1er août 2009, de la gestion des jobcenters issus de la réforme des collectivités territoriales.

Cette dernière, entrée en vigueur au 1er janvier 2007, avait débouché sur la mise en place de 91 jobcenters réunissant pour la première fois en un même lieu des employés des communes, chargés du suivi des demandeurs d’emploi non assurés contre le chômage, et des employés d’Etat, chargés, en coopération avec les caisses d’assurance chômage, du suivi de ceux (la grande majorité) assurés contre la perte de leur emploi. 14 des 91 jobcenters avaient alors été désignés comme des jobcenters “pilotes” dans la mesure où leur gestion avait été confiée aux seules communes concernées.

La décision du gouvernement d’attribuer la responsabilité de la gestion de tous les jobcenters aux seuls employés des communes et de désengager l’Etat du financement des allocations chômage n’est donc pas vraiment une surprise (1). Mais une fois n’est pas coûtume, elle n’a fait l’objet d’aucune négociation, devançant les pourparlers prévus à ce sujet avec les partenaires sociaux en 2010. Un empressement qui s’explique par l’ampleur des défis à venir en termes d’emploi mais aussi par l’échec récent des négociations entourant l’assurance chômage.

Le gouvernement souhaitait en effet abaisser la durée de perception des allocations chômage de 4 à 2 ans mais a été contraint de faire marche arrière au vu de la compensation sous forme d’une hausse des allocations chômage demandée par les partenaires sociaux et par certains partis politiques. Imposer dès 2009 une décentralisation intégrale de la gestion des jobcenters est donc une manière pour le gouvernement de garder l’initiative dans le domaine de l’emploi et de faire évoluer le modèle de flexicurité avant les incertitudes liées à la publication, d’ici juin 2009, des conclusions de la commission sur l’emploi (2).

La décision du gouvernement est basée sur deux principes. Celui de proximité du service, à la base d’une réforme des collectivités territoriales de 2007 qui avait renforcé les prérogatives des communes, et celui de rationalisation, puisque les jobcenters disposeront désormais d’une direction unique et d’un seul système administratif et informatique. Le gouvernement insiste également sur le fait que les communes étant désormais tenues de financer les allocations chômage, elles sont clairement incitées à faire de leur mieux afin de réduire le nombre de demandeurs d’emploi (3).

Bien que le gouvernement promette une supervision régionale et étatique renforcée de l’ensemble du système de l’emploi, les syndicats s’opposent aujourd’hui à ce projet, soulignant les inégalités constatées au sein des 98 communes danoises (en dépit d’un système de redistribution des communes riches vers les communes les plus pauvres) et le risque qu’en cas de hausse du chômage, certains postes budgétaires clés doivent en subir les conséquences.

Mais ce que craignent vraiment les syndicats, c’est que cette décision ouvre la voie à une remise en cause des responsabilités aujourd’hui assumées par les caisses d’assurance chômage en termes de suivi des demandeurs d’emploi. Des responsabilités pourtant élargies par l’accord sur l’Etat-Providence de 2006.

Ces évènements amènent les remarques suivantes:

Il semble encore une fois nécessaire de préciser que dans le contexte danois, il est hors de question de tendre vers une fusion entre jobcenters et caisses d’assurance chômage, au motif que les premiers doivent exclusivement se concentrer sur le suivi des chômeurs. Le moins que l’on puisse dire est que ce choix s’est jusqu’ici avéré judicieux…

La fusion ANPE-Unedic ne pouvait pas intervenir à un plus mauvais moment. La mise en place des jobcenters danois au 1er janvier 2007 a ainsi donné lieu à une période de flottement, heureusement sans grande conséquence au vu du contexte favorable constaté alors sur le marché de l’emploi. Il n’en va pas de même dans notre pays, Pôle Emploi étant loin d’être opérationnel et devant faire face à une forte montée du nombre de chômeurs, ce qui n’augure rien de bon…

Le mouvement de grève vécu au sein de l’ANPE début décembre doit être soutenu par le Mouvement Démocrate. Vouloir fusionner une institution publique (ANPE) avec des organismes privés (Assedic) est une folie illustrant une fois de plus le vide sidéral de la pensée de dirigeants obnubilés par leurs désirs de grandeur. Si la France est aujourd’hui en déliquescence, elle le doit à une floppée de politiciens qui ne jouent que sur les apparences: le logo Pôle Emploi est peut-être clinquant, suggérant un zeste de dynamisme, mais derrière, c’est le vide…Un projet qui ne va pas sans rappeler certaines autres annonces de façade comme le lancement de l’Union pour la Méditerranée ou plus récemment la création, superflue et contraire à la logique de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP), d’un poste de ministre de la relance…

La complexité de la fusion est illustrée par le blog “La fusion ANPE-Unedic pour les nuls”, tenu par des employés des deux organismes. A titre d’exemple, l’extrait suivant, symbole de l’arbre qui cache la forêt: “Voilà quelques semaines, le directeur régional de l’antenne bourguignonne de l’assurance-chômage a convoqué les syndicats à la table des négociations. Objet de la réunion : l’accord local relatif aux trente-cinq heures, qui prévoit la fermeture des Assédic lors des ponts. Le hic ? Vendredi 2 janvier, alors que les bureaux des Assédic seront fermés, les agences de l’ANPE ouvriront leurs portes, service public oblige. Un décalage du plus mauvais effet, au moment où les deux organismes viendront juste d’être fusionnés” (4). Pour un premier jour, ça commence bien!

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Evolutions en termes de flexicurité, annonce d’une réforme en profondeur de la fiscalité…Le Danemark, pas moins touché par la crise financière que ses partenaires européens, continue d’avancer, loin du bourbier représenté par une fusion des activités de placement des chômeurs et de leur indemnisation. L’occasion d’appeler une nouvelle fois à de vraies réformes structurelles dans notre pays…

(1) Les communes assurent déjà une partie du financement de l’allocation appelée kontanthjælp, octroyée sous conditions à ceux non assurés contre le chômage.

(2) Des conclusions préliminaires ont été présentées fin septembre 2008. Consulter le site de la Commission sur l’Emploi (en danois): http://www.amkom.dk/nyheder/arbejdsmarkedskommissionen-fremlaegger-delrapporten-”arbejde-vaekst-og-velfaerd”-d-29-september-2008.aspx

(3) Le texte relatif à la communalisation de la gestion des jobcenters est disponible sur le site du Ministère de l’Emploi (en danois): www.bm.dk   

(4) “Les cernes sous les yeux de Christian Charpy en disent long”, 21 novembre 2008. http://www.lafusionpourlesnuls.com/

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Le plan emploi ou l’échec programmé d’un gouvernement

IMG_0328 Présenté au cours de la semaine par Nicolas Sarkozy, le plan emploi, destiné en partie à faire face à la remontée du chômage induite par la crise financière, était l’occasion de faire le point sur la logique qui sous-tend aujourd’hui l’action du gouvernement dans ce domaine. Un plan caractérisé par le recours à de vieilles recettes, la formulation de promesses infondées, la présentation tendancieuse des expériences vécues au Danemark dans le but de convaincre de l’efficacité d’une orientation par avance décidée (fusion ANPE-Unedic)…Un bilan consternant.

Les vieilles recettes ou une politique sans inspiration

Comme le faisait remarquer cette semaine André Zylberberg, Directeur de recherche au CNRS et membre de l’Ecole d’économie de Paris, à propos des 100 000 contrats aidés supplémentaires promis par le gouvernement, “C’est le retour à un traitement social du chômage bête et méchant comme on ne pouvait plus l’imaginer. Toutes les études montrent que cela ne marche pas et la plupart de nos voisins ont abandonné ce type de mesures artificielles et déconnectées du marché de l’emploi” (1).

Mais peut-on vraiment parler de 100 000 contrats supplémentaires? On peut en douter en parcourant le blog Déchiffrages, citant Raymond Soubie, Conseiller du Président pour les affaires sociales: “Avec les mesures annoncées hier, le nombre des contrats aidés de l’économie française sera le même nombre que celui qu’on a enregistré en 2006 et en 2007. Simplement, les projets de budget envisageaient une baisse énorme des contrats aidés ; et il est apparu qu’en situation de stabilisation ou de hausse prévisible du chômage, il n’était pas logique de le faire. Donc la mesure n’est pas un retour en force du traitement social du chômage” (2).

Autrement dit, un immobilisme pur et dur que le PS, avec de prétendues contre-propositions (réintroduction de 350 000 emplois jeunes), ne fait que conforter (3). Un immobilisme qui prend racine dans l’incapacité de nos dirigeants à se défaire de certains modes de pensée et à prendre en compte le fait qu’il existe un monde au-delà de nos frontières. Pour preuve, la déclaration suivante de Nicolas Sarkozy à propos de l’instauration d’une véritable sécurité sociale professionnelle: “Nous devons aller plus loin parce que notre droit du travail est supposé l’un des plus protecteurs du monde, mais nous sommes depuis longtemps le pays où le sentiment d’insécurité de l’emploi est le plus élevé” (4).

Un commentaire qui appelle les questions suivantes: désirons-nous vraiment un marché du travail dont le fonctionnement serait basé sur le principe de sécurité de l’emploi, autrement dit sur un principe affaiblissant le dynamisme de notre société?  Ne serait-il pas souhaitable de se battre pour la mise en place d’un modèle basé sur des allocations chômage d’un niveau suffisant pour ne pas faire du chômage une expérience plus traumatisante qu’elle ne doit l’être, sur une formation continue qui ne soit pas uniquement réservée à une élite et sur un réel accompagnement des demandeurs d’emploi, bref sur des principes favorisant au contraire une certaine mobilité?

Les promesses du gouvernement ou l’art de prendre des vessies pour des lanternes

La fusion ANPE-Unedic parviendra peut-être à améliorer le fonctionnement des services publics de l’emploi. Mais elle ne saurait suffire à résoudre les problèmes posés par l’accompagnement des chômeurs et par l’inadéquation entre offre et demande d’emploi. Dans ce contexte, l’avalanche de promesses faites par le gouvernement n’est pas sérieuse.

Au moment de la présentation de cette réforme, Christine Lagarde assurait de son efficacité: «Cette fusion doit nous permettre de ramener le taux de chômage à 5% avant la fin du quinquennat et nous rapprocher d’un taux d’emploi de 70%» (5). Et Laurent Wauquiez, au mois d’octobre 2008, de renchérir: « à l’horizon de trois ans, la France doit bénéficier du service public de l’emploi le plus moderne et le plus efficace d’Europe » (6). Une question s’impose: nous promettra-t-on le plein emploi la prochaine fois que de nouvelles mesures seront présentées dans ce domaine?

Le guichet unique danois ou la déformation d’un modèle

Pour convaincre de l’efficacité de la fusion ANPE-Unedic, rien de plus de simple que de prendre le meilleur élève de la classe, à savoir le Danemark, de prétendre en étudier le modèle et de le présenter de telle manière qu’il s’accorde avec vos intentions…C’est ce que fait le rapport Besson, intitulé “Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni” et publié en juillet 2008.

Page 15 on peut y lire l’analyse suivante: “En 2007, dans le cadre d’une vaste réorganisation administrative (Strukturreform), le nombre de communes a été réduit à 98. Dans chacune de ces municipalités, un jobcenter regroupe désormais l’agence locale de l’emploi, en charge des prestations d’assurance et le bureau municipal qui gérait auparavant l’allocation d’assistance. Ce “guichet unique” constitue le lieu d’accueil unique de l’ensemble des demandeurs d’emploi de la commune pour les activités de suivi et de placement. Les caisses d’assurance-chômage et les bureaux communaux continuent de verser les allocations, mais les demandeurs d’emploi ont très peu de contacts avec ces organismes” (7).

Page 18, le rapport enfonce le clou: “Depuis la réforme de 2007, le demandeur d’emploi s’adresse exclusivement au jobcenter de sa commune de résidence pour toutes les démarches relatives au suivi et au placement. Ce jobcenter regroupe en un même lieu les équipes en charge des bénéficiaires de l’assurance-chômage (Agence Nationale de l’Emploi) et de l’assistance (bureau communal)”.

Des propos pour le moins étranges lorsqu’il apparaît qu’en réalité le suivi des chômeurs est certes uniquement assuré par le jobcenter dans le cas où le demandeur d’emploi n’est pas assuré contre le chômage mais qu’il est partagé avec les caisses d’assurance-chômage, lorsque le demandeur d’emploi est assuré contre le chômage, en sachant que 73% de la main-d’oeuvre totale se trouve aujourd’hui dans cette catégorie…Ajoutons que les caisses d’assurance-chômage, avec lesquelles les demandeurs d’emplois n’auraient soit disant que “très peu de contacts”, ont vu leur rôle en termes de suivi des chômeurs renforcé par l’accord sur l’Etat-Providence de 2006, preuve que l’efficacité du modèle danois repose aujourd’hui plus que jamais sur une dualité que l’on tente de nous dissimuler…

Preuve de ce partage des responsabilités en termes de suivi des chômeurs, le texte de l’accord lui-même: “Les caisses d’assurance-chômage sont un acteur central de la politique de l’emploi en raison de la connaissance approfondie qu’elles ont des profils et des possibilités d’emploi de leurs membres. Cette situation leur donne de bonnes chances de faire correspondre l’offre et la demande. Le rôle des caisses d’assurance-chômage est donc renforcé dans une série de domaines de sorte que leurs ressources soit mieux utilisées qu’elles ne le sont aujourd’hui” (8).

Til forsiden

Parmi les responsabilités qui leur sont confiées:

– 1er contact avec tous les demandeurs d’emploi assurés contre le chômage. Entretien centré sur le CV du demandeur d’emploi. Les caisses d’assurance-chômage sont tenues, dans un délai d’un mois, de faire un tour d’horizon individuel des possibilités d’emploi, de réaliser un examen de compétences et de fournir une aide à la rédaction du CV.

– Propositions d’emploi

– Entretien de disponibilité avec le demandeur d’emploi (tous les 3 mois) afin de vérifier que ce dernier recherche effectivement du travail.

(1) “On a rien appris de nos erreurs” Libération, 29 octobre 2008. http://www.liberation.fr/economie/0101165501-on-n-a-rien-appris-de-nos-erreurs

(2) “Des contrats aidés en nombre égal quoique moins nombreux” Blog Déchiffrages, 30 octobre 2008. http://dechiffrages.blog.lemonde.fr/2008/10/30/des-contrats-aides-en-nombre-egal-quoique-moins-nombreux/

(3) “Le contre plan emploi dépassé du PS” Blog Les dessous du social, 31 octobre. http://blog.lefigaro.fr/social/2008/10/le-ps-sait-comment-sauver-lemp.html

(4) “Emploi: Sarkozy prêt à lever les tabous” Le Figaro, 29 octobre 2008. http://www.lefigaro.fr/economie/2008/10/29/04001-20081029ARTFIG00334-emploi-sarkozy-pret-a-lever-les-tabous-.php

(5) “La fusion ANPE-Unedic effective dans six mois ou un an”, La Tribune, 2 octobre 2007: http://www.latribune.fr/info/La-fusion-ANPE-Unedic–effective-dans-six-mois-ou-un-an—selon-Christine-Lagarde-~-ID7DFE03B60E1CE0CBC125736800307C76-$RSS=1

(6) “Pôle Emploi, le service public de l’emploi” Site du Premier Ministre, 17 octobre 2008. http://www.premier-ministre.gouv.fr/chantiers/travail_859/pole_emploi_service_public_61387.html

(7) “Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni” Rapport Besson, juillet 2008 pages 15 et 18. www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000461/

(8) “Aftale om fremtidens velstand og velfærd og investeringer i fremtiden” Accord sur l’Etat-Providence, juin 2006, page 42. www.fm.dk/db/filarkiv/15159/velfaerdsaftale.pdf

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Ouvrir les portes de la négociation collective (1)

IMG_0250Produit d’un processus historique singulier (compromis de 1899), le système danois de négociation collective est donc inimitable (1). Pourtant, à l’heure où des notions telles que la solidarité ou l’intérêt général sont battues en brèche dans notre pays, condamnant ce dernier à un inévitable déclin, il serait utile de puiser notre inspiration dans certains principes qui le sous-tendent.

Après tout, la démarche initiée au niveau politique par le Mouvement Démocrate (dépassement du clivage droite/gauche) n’a de chances de réussir que si elle parvient à être traduite dans la sphère économique et sociale, à travers l’obtention de consensus dont l’absence explique en grande partie l’impossibilité de réformer en profondeur notre pays.

Les principales caractéristiques du modèle danois de négociation collective:

1) Les conventions collectives, en principe renégociées tous les 3 ou 4 ans, sont la source de droit la plus importante du marché du travail danois. Elles n’ont toutefois pas valeur de loi: les 37 heures ne sont qu’une norme, tandis qu’à l’exception du secteur de l’industrie, il n’y a pas de salaire minimum. Les conventions collectives couvrent 85% des personnes présentes sur le marché du travail (100% dans le secteur public et 77% dans le privé).

2) Le système repose sur un taux de syndicalisation élevé (75%) qui explique son degré élevé d’autorégulation (2). Ce dernier a tendance à s’effriter (il était de 84% en 1995), ce qui est regrettable lorsque les conventions collectives sont négociées à un niveau de plus en plus décentralisé (à noter toutefois que ce même taux n’était “que” de 60% dans les années 60).

3) Le secteur public fait l’objet de négociations centralisées. Outre la signature d’accords cadre annuels entre l’Etat, l’Association des Communes (KL) et l’organe représentant les régions (Danske Regioner), qui ne laisse à ces dernières qu’une marge de manoeuvre limitée lorsqu’elles arrivent à la table des négociations, l’Etat a vu ses prérogatives renforcées suite à l’entrée en vigueur de la réforme des collectivités territoriales en janvier 2007 (les représentants de l’Etat au niveau des régions disposant d’un droit de véto). La tendance est en revanche clairement à la décentralisation en ce qui concerne le secteur privé, de plus en plus de conventions collectives étant négociées au niveau local (entreprise).

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4) Le recours à la grève est limité. Il n’est ainsi possible que durant la période de renégociation des conventions collectives. Les organisations syndicales disposent du droit de grève, les organisations patronales du lockout (leur annonce devant être faite quatre semaines à l’avance). Durant la grève, les salariés percoivent une allocation équivalente au montant de l’allocation chômage de la part de leurs syndicats respectifs (environ 95€ par jour), tandis que lorsque les employeurs ont recours au lockout, tous les employés du secteur concerné se voient refuser l’accès à leur lieu de travail (les syndicats versant alors également une allocation aux salariés non-grévistes).

5) Deux instances incontournables sont issues de la loi: le médiateur et le Tribunal du Travail. L’institution du médiateur est issue de la loi sur la conciliation de 1910: 3 médiateurs (un pour le secteur public, un pour le secteur privé et un pour le secteur agricole) sont nommés par le ministère de l’Emploi sur la base d’une proposition émise par le Tribunal du Travail. Les médiateurs interviennent une fois un préavis de grève déposé et disposent de certains pouvoirs, notamment celui de repousser par deux fois (deux fois 14 jours) l’éventualité d’un conflit ou encore celui de présenter un texte de compromis. Le Tribunal du Travail traite des affaires relatives aux éventuelles infraction entourant les conventions collectives. Les juges qui le composent sont également nommés par le ministère de l’Emploi après consultation des partenaires sociaux.

6) Un dispositif de régulation vient garantir un certain degré d’alignement des salaires et des autres avantages du secteur public sur le secteur privé. Depuis 1987, les salaires du public sont ainsi alignés à hauteur de 80% de la hausse conclue dans le secteur privé. Ce dispositif de régulation est incontournable dans le système danois de négociation collective dans la mesure où il condamne toute stratégie individuelle trop marquée de la part d’une organisation syndicale (tout avantage salarial plus élevé obtenu par une organisation étant réduit par l’ajustement automatique des salaires du public sur ceux du privé). L’existence de ce dispositif explique l’échec de la récente grève des infirmières à la fin du printemps 2008.

Quel est le premier enseignement à tirer des principales caractéristiques du modèle danois? Qu’au delà des explications culturelles avancées habituellement (le danois est d’un tempérament calme, ouvert à la discussion tandis que les latins sont enflammés et ne parviennent pas à négocier), l’obtention de compromis et le recours relativement limité à la grève qui en découle s’expliquent par l’existence de règles singulières et partagées par l’ensemble des parties prenantes. Il ne tient donc qu’à nous d’en adopter qui vont dans le même sens.  A suivre…

(1) Le compromis de septembre 1899 a mis fin à un conflit entre travailleurs et patronat et a permis d’établir les bases du système de négociation collective au Danemark.

(2) Adhérer à un syndicat « traditionnel » coûte en moyenne entre 50 et 55€ par mois (déductible d’impôt). Des syndicats dits « jaunes » ont toutefois vu le jour ces dernières années, proposant des tarifs préférentiels (10€ par mois). Le terme fait référence au mouvement syndicaliste jaune en France au début du vingtième siècle: les “jaunes” étaient les non-grévistes.

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Le Danemark dans l’ère post-chômage?

IMG_0227En affirmant récemment, d’une manière bien maladroite, que l’économie danoise tirerait bénéfice d’un taux de chômage plus élevé, Niels Bernstein, Directeur de la Banque Nationale, traduisait bien la situation de l’emploi inédite à laquelle le Danemark semble devoir s’habituer: le manque de main-d’oeuvre (1).

Trois données viennent illustrer ce constat: un taux de chômage de seulement 1,6%, un nombre d’offres d’emplois non pourvues estimé à 39 000 et surtout l’exigence, formulée par la commission sur l’emploi, d’accroître la main-d’oeuvre de 50 à 100 000 personnes afin de parvenir à maintenir le niveau actuel d’Etat-Providence à l’horizon 2015.

Le fort ralentissement économique qui prévaut à l’heure actuelle (le taux de croissance ne pourra excéder 1% cette année et ne devrait atteindre que 0,5% en 2009) ne saurait remettre en cause le manque de main-d’oeuvre à moyen-long terme, même si les économistes prédisent logiquement une légère remontée du chômage d’ici la fin de l’année.

L’équation semble en tous les cas difficile à résoudre. Le recours à la main-d’oeuvre étrangère devrait être quelque peu facilité par la liberté totale donnée aux ressortissants des nouveaux pays membres de l’UE de venir travailler au Danemark à partir du 1er mai 2009 mais également limité pour des raisons politiques (présence du parti nationaliste danois dans la coalition parlementaire au pouvoir). Le dispositif de préretraite, considéré comme un droit qu’aucun gouvernement ne semble pouvoir remettre en cause (qui rassemble aujourd’hui 146 000 personnes) a de plus déjà fait l’objet d’un durcissement dans le cadre de l’accord sur l’Etat-Providence de 2006 (l’âge pour en bénéficier doit en effet passer de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022)…Une chose reste certaine: le taux d’emploi des 55-59 ans atteignant le même niveau, pour le moins élevé, que la moyenne nationale (environ 77%), tout accroissement significatif de la main-d’oeuvre passe par l’élévation du taux d’emploi des 60-64 ans (40,5%) (2).

Dans ce contexte, outre les entreprises danoises, dont la compétitivité prix est affectée par la hausse des salaires résultant du manque de main-d’oeuvre, les caisses d’assurance chômage perdent des membres (150 000 depuis 2000), également victimes de la baisse du taux de couverture des allocations chômage par rapport au salaire moyen (environ 60%). Tenues de regrouper au moins 10 000 membres pour poursuivre leurs activités, elles n’ont d’autre choix que d’élargir leur offre de services et de multiplier les avantages liés à une adhésion. La caisse d’assurance chômage CA a-kasse vient ainsi de lancer une campagne dans ce sens (3). Parmi les avantages proposés, en plus de frais d’adhésion déjà parmi les moins élevés du marché (50€ par mois):

– 50% de réduction sur deux des plus grands quotidiens du pays (Jyllands-Posten et Politiken).

– Des rencontres gratuites avec les conseillers de la caisse d’assurance chômage (conseil personnalisé, coaching, préparation à des entretiens d’embauche, participation à des formations/cours…).

– Des rencontres gratuites dites de networking avec des membres de la caisse d’assurance chômage appartenant à un même secteur d’activité.

– Une analyse gratuite de personnalité/profil.

– Un entretien gratuit avec un bureau de recrutement.

– Des réductions allant jusqu’à 50% sur les prix de formations proposées par des intervenants extérieurs dans les domaines de la communication, du développement personnel, du marketing, de l’économie, de la vente ou de l’informatique.

– Des réductions sur les livres.

– Des prix réduits dans le domaine des banques et des assurances (taux d’intérêts attractifs, commissions réduites, assurance complémentaire contre le chômage qui peut, dans certains cas, venir compléter de plus de 4 000€ les quelques 2 040€ correspondant au plafond actuel des allocations chômage.

CA a-kasse

Selon Christian Friis, Directeur de CA a-kasse, le but de cet activisme est clair: “L’idée est de proposer une aide lorsque nos membres en ont besoin. Stress, problèmes avec la direction, développement des compétences trop limité…Il y a des choses qui partent de rien mais qui peuvent déboucher sur la perte d’emploi. Nous proposons notre aide afin de remédier immédiatement aux problèmes, de sorte que nos membres puissent relever les défis auxquels ils sont confrontés et aller plus loin dans leur carrière sans passer par la case chômage” (4). Preuve s’il en est que le Danemark est entré dans une nouvelle ère…

Le marché du travail danois étant l’un des plus flexibles et des plus efficaces au monde, il n’est pas étonnant de le voir arriver parmi les premiers dans cette situation inédite,  favorisée par un vieillissement de la population auquel aucun pays européen n’échappe et dont une des autres conséquences est l’accroissement de la pression sur les quelques milliers de chômeurs restants (44 000 au mois d’août). La baisse de la durée de perception des allocations chômage de 4 à 2 ou 2 ans et demi est ainsi acquise pour 2009 alors qu’elle était encore d’une dizaine d’années à la fin des années 90.

Les politiques mises en oeuvre au Danemark envers les séniors sont aujourd’hui cruciales et doivent donc être suivies attentivement dans notre pays, en ayant bien à l’esprit que cette catégorie de population constitue l’axe essentiel de la préservation de nos Etats-Providence. Avec un taux d’emploi des 55-64 ans de seulement 38% (contre environ 60% au Danemark), nous avons en effet tout intérêt à nous inspirer au plus vite des pratiques danoises dans ce domaine.

(1) “Bernsteins bommert” Berlingske Tidende, 12 juin 2008.

http://www.berlingske.dk/article/20080612/ledere/706120028/

(2) Données Danmarks Statistik, www.dst.dk

http://www.statistikbanken.dk/statbank5a/default.asp?w=1024

(3) CA a-kasse compte aujourd’hui 31 000 membres, la plupart diplômés en économie. www.ca.dk

(4) “A-kasse vil stoppe flugt med rabatter” Berlingske Tidende, 5 septembre 2008.

http://www.business.dk/article/20080904/karriere/709040044/

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La flexicurité ne fait plus recette…en France

IMG_0300Encensé dans d’innombrables rapports et articles au cours de ces dernières années, le modèle danois de flexicurité est aujourd’hui superbement ignoré dans notre pays alors que le taux de chômage au Danemark n’a jamais été aussi bas (1,6%). D’un côté le gouvernement actuel fait mine de s’en inspirer mais en prend au final l’exact contrepied (fusion ANPE/Unedic, offre raisonnable d’emploi…), de l’autre le PS refuse d’en débattre (1).

3 raisons peuvent être avancées pour expliquer ce constat:

1) Etant donné qu’il est impossible, pour d’évidentes raisons historiques et culturelles, d’importer le modèle clé en main, autant le mettre de côté…Doit-on pourtant rappeler que tous les membres de l’UE se sont mis d’accord, fin 2007, sur huit principes communs de flexicurité?

2) Le modèle danois de marché de l’emploi est surfait: il n’y a qu’à consulter l’ouvrage de Jean-Luc Mélenchon (« En quête de gauche », paru en 2007) pour s’en convaincre…Ou du moins le document anonyme qui circule sur le net et auquel il a largement eu recours pour parvenir à ce constat (2). En cause le nombre de personnes bénéficiant de dispositifs qui les exclueraient opportunément du marché de l’emploi et donc éventuellement des statistiques du chômage. Avec des données remontant à 2004, donc ne prenant aucunement compte de la baisse significative de 67% du nombre de chômeurs entre 2003 et 2007…

Qu’en est-il réellement? Au mois d’août 2008, selon le Ministère de l’Emploi, 242 000 personnes bénéficiaient d’une pension d’invalidité, 145 000 personnes d’une préretraite (et dont on estime que les deux tiers pourraient travailler) et 92 000 personnes étaient en arrêt maladie (chiffre deux fois supérieur au nombre de chômeurs). Si l’on ajoute les dispositifs secondaires restant ainsi que les demandeurs d’emploi en activation (stages, formations…), ce sont au final environ 700 000 personnes (soit près de 20% de la population en âge de travailler) qui sont exclues du marché du travail (3).

Les limites du modèle sont certes ici touchées du doigt (surtout que ce chiffre est resté stable en dépit du manque de main-d’oeuvre qui prévaut depuis 2006-2007), mais une comparaison des taux d’emploi de nos deux pays pour 2007 débouche sur une conclusion sans appel: 64,3% pour la France, 77,1% au Danemark…De plus, peut-on vraiment comparer le nombre de préretraités dans nos pays respectifs lorsque les deux systèmes sont différents et que l’âge pour en bénéficier n’est pas le même? Doit-on rappeler qu’au Danemark l’âge légal de la retraite est de 65 ans?

3) Le modèle reste quoi qu’on en dise méconnu. Pour preuve, les nombreuses annonces selon lesquelles la fusion ANPE/Unedic contribuerait à nous rapprocher de la flexicurité danoise…(4). Un fait en complète contradiction avec les déclarations de Xavier Bertrand sur le lancement d’une initiative publique de la part de la Commission Européenne « afin de favoriser l’adhésion à ces principes et de sensibiliser les citoyens à la flexicurité, à la logique qui la sous-tend, à ses principales composantes et à ses conséquences. »…(5).

Le modèle danois est souvent réduit à un système mélangeant une dose de flexibilité (souhaitable pour les entreprises) et de sécurité (de généreuses allocations chômage). Une approche bien pratique qui permet de parler de flexicurité « à la francaise » lorsque des « réformettes » effleurent ces deux notions. Mais pas de quoi expliquer la baisse du taux de chômage de 12,8% en 1993 à 1,6% aujourd’hui…

Certains réfutent, peut-être à juste titre, ce dernier chiffre: en prenant en compte tous les bénéficiaires des allocations chômage, on parvient en effet à un taux de chômage « officieux » d’environ 5% (6). Mais l’essentiel n’est-il pas ailleurs? Plus que l’efficacité brute du modèle, ce sont en effet les principes qui sont à sa base dont il est nécessaire de s’inspirer.

1) Des allocations chômage relativement généreuses dont la durée de perception n’a de cesse de baisser (10 ans dans les années 90, sans doute 2 ans en 2009) et qui, couplées avec des règles souples d’embauche et de licenciement, expliquent la forte mobilité de la main-d’oeuvre et le dynamisme du marché du travail qui en découle.

2) Une formation continue qui favorise l’adaptation du modèle aux impératifs de la mondialisation, ce qui est préférable à une protection improductive de secteurs de toute manière condamnés à la délocalisation (pas étonnant d’ailleurs que le débat soit inexistant sur ce thème, les danois en étant les champions nordiques).

Rappelons que la formation continue est un droit (les conventions collectives prévoient un minimum de deux semaines par an et par employé): le droit à une mobilité choisie, le droit de changer de secteur d’activité, le droit de devenir polyvalent et de s’épanouir sur le marché du travail. Rappelons également que 500 000 emplois restent non pourvus en France, un constat résultant également de l’inadéquation entre les qualifications des demandeurs et les offres proposées.

3) Un réel suivi des chômeurs, plutôt que la tentative, vouée à l’échec, d’approfondir la définition d’une offre « raisonnable » d’emploi pour le moins « irraisonnable » financièrement (7). C’est en tous les cas ce suivi des chômeurs qui semble être le facteur déterminant de la baisse du taux de chômage ces 15 dernières années.

4) Un taux d’emploi élevé, notamment pour les femmes et les séniors. N’est-il pas temps d’analyser les raisons d’une situation souhaitable car créatrice de valeur et susceptible d’assurer la pérennité des finances publiques?

Finalement, la question est la suivante: voulons-nous, en termes d’emploi, suivre le « modèle » britannique, comme privilégié par le gouvernement actuel (basé sur des outils comme le détecteur de mensonge), ou tendre vers les principes rationnels du modèle danois? Au Mouvement Démocrate de faire le bon choix…

(1) « Lors du séminaire de préparation à la présidentielle (16 décembre), le créateur du blog « Gonordisk » s’est fait vivement renvoyer dans ses cordes par la direction du PS (blog militant) », 31 juillet 2008 http://www.gonordisk.net/article-10570966.html

(2) http://travail-chomage.site.voila.fr/danois/dk_merite.htm

(3) Konjuktur og Arbejdsmarked Uge 32, 4-8 août 2008, page 5

http://www.bm.dk/graphics/Dokumenter/Uge-reviews/2008/Konjunktur_og_arbejdsmarked_uge_32.pdf

(4) Jean-Luc Bérard, Directeur Général de l’Unedic, « Ramener la durée moyenne du chômage à trois mois », Les Echos, 6 décembre 2007 http://archives.lesechos.fr/archives/2007/lesechos.fr/12/06/300224330.htm ou encore Bernard Brunhes, Spécialiste des relations sociales, Cabinet BPI « Les nouvelles mesures antichômage seront-elles efficaces? » Capital page 76, juillet 2008.

(5) « La mission européenne pour la flexicurité présentée aux partenaires sociaux », Ministère du Travail, des Relations Sociales, de la Famille et de la Solidarité », 12 février 2008.

http://www.travail.gouv.fr/actualite-presse/communiques/mission-europeenne-pour-flexicurite-presentee-aux-partenaires-sociaux.html

(6) Chiffre avancé par le CEPOS, groupe de réflexion danois d’orientation libérale. www.cepos.dk

(7) Rapport Besson « Accompagner vers l’emploi: les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni », juillet 2008. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000461/0000.pdf

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Des allocations chômage relativement généreuses

IMG_0203Les réformes en cours dans notre pays dans le domaine de l’emploi rendent tout débat sur le niveau des allocations chômage inévitable. A ce propos, deux propositions formulées par Nicolas Sarkozy durant la dernière campagne présidentielle méritent le détour : « Comme souvent en France, en matière de chômage ou en matière de minima sociaux, on indemnise chichement, mais longtemps. Alors qu’il faudrait indemniser fortement, mais brièvement pour que chacun soit incité à reprendre rapidement un emploi », ou encore: « Je propose que l’allocation chômage ne puisse pas être inférieure au salaire minimum, mais que nul ne puisse refuser plus de trois offres d’emploi correspondant à ses compétences » (1).

Outre que l’on est passé depuis lors à deux offres d’emploi accompagnées de l’adjectif « raisonnable », qui sacrifient dans certains cas les conditions salariales de retour à l’emploi sur l’autel de la baisse du nombre de chômeurs, force est de constater que la philosophie du discours semble être tombée aux oubliettes. Pour preuve, l’augmentation des allocations chômage au 1er juillet 2008 (+2,5%), finalement inférieure à celle du coût de la vie…

Une présentation succincte du système danois s’impose : l’adhésion à une des 29 caisses d’assurance chômage est facultative et coûte en moyenne 650€ par an (déductible d’impôt). Ces caisses ont un statut privé et sont agréées par l’Etat. Depuis une réforme intervenue en 2002, certaines d’entre elles exercent une activité interprofessionnelle et couvrent donc plus qu’un métier ou une branche, ce qui a affaibli (mais pas pour autant remis en cause) la gestion dont elles font traditionnellement l’objet par les syndicats. L’adhésion à une caisse d’assurance chômage n’implique pas nécessairement d’adhésion à un syndicat (en moyenne 650€ par an, également déductible d’impôt). Enfin, tous les membres d’une caisse d’assurance chômage peuvent, s’ils le désirent, cotiser à hauteur de 660€ par an (montant fixe) pendant 30 ans (déductible d’impôt) à un dispositif de préretraite ouvert aux personnes de 60 à 64 ans (2).

Selon les chiffres du Ministère de l’Emploi, 77% de la population active était  membre d’une caisse d’assurance chômage en juin 2008 (72% étant effectivement assurés contre le chômage, la différence correspondant aux personnes en préretraite) (3).

Une fois les conditions de perception des allocations remplies (être membre d’une caisse depuis au moins un an, avoir travaillé pendant une période minimale au cours des trois années précédant le début du chômage…), les travailleurs salariés assurés à plein temps touchent une allocation plafonnée en pourcentage (90% du salaire antérieur) et en montant : 95€ par jour, 470€ par semaine, 2040€ par mois ou encore 24500€ par an (4). Il n’existe pas de salaire minimum légal au Danemark, mais ces allocations s’approchent indéniablement des salaires les plus bas pratiqués.

Comme tout revenu au Danemark, ces allocations sont toutefois soumises à l’impôt. Un rapide calcul révèle qu’une personne seule vivant à Copenhague dispose au final d’environ 17400€ en cas de chômage  pendant un an (la durée moyenne de chômage est aujourd’hui de 3 mois) (5). Un élément vient de plus relativiser la générosité des allocations chômage danoise : la baisse constante de leur taux de couverture du salaire précédemment perçu. Le plafond de 90% ne vaut plus que pour une infime partie de la main-d’œuvre, LO, la principale confédération syndicale danoise, ayant souligné que ces allocations ont été réduites de 25% par rapport au revenu moyen depuis les années 80 (6). Le taux de couverture moyen tourne donc aujourd’hui autour de 60%.

Une partie du décrochage s’explique par l’existence, depuis 1991, d’un dispositif retirant 0,3 points de pourcentage à l’ajustement entre allocation chômage et salaire moyen, ces 0,3 points étant affectés à des projets à forte dimension sociale (handicap, exclusion, intégration…).

En dehors du fait que l’indemnisation du chômage au Danemark correspond (correspondait ?) à l’idéal dépeint par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle (d’autant plus qu’au Danemark la réduction de la durée de perception de 4 à 2 ans semble désormais acquise pour 2009), quelles autres remarques peut-on tirer de l’expérience danoise dans ce domaine ?

– Les allocations chômage danoises, bien que moins généreuses que ce qui est souvent avancé, ne sont pas dégressives et offrent tout de même un bon filet de sécurité. Dès lors, il ne faut pas s’étonner qu’en dépit d’une situation de l’emploi florissante, 14,2% de la population active ait été à un moment donné touchée par le chômage en 2007 (7). Leur niveau est donc à n’en pas douter à la base de la forte mobilité de la main-d’oeuvre, les danois changeant en moyenne d’emploi tous les trois ou quatre ans. Ce dynamisme n’est-il pas préférable à la peur qui existe en France de perdre son emploi et à l’immobilisme qui en découle ?

– Le système danois est basé sur un plafonnement plus strict (2040€ par mois) qu’en France (jusqu’à 5640€ par mois!) mais il est au final plus juste socialement.

– Depuis les années 80, la baisse du taux de couverture des allocations par rapport au revenu moyen s’est effectuée à l’avantage des plus défavorisés.

– Les allocations chômage sont financées par les cotisations des membres (1/3) et l’impôt sur le revenu (2/3). Les employeurs ne contribuent donc pas au régime d’assurance chômage.

– Depuis l’accord sur l’Etat-Providence de 2006, les caisses d’assurance chômage ont hérité de davantage de responsabilités dans l’accompagnement des chômeurs (entretiens relatifs aux CV, conseils, entretien bilan après treize semaines de chômage, possibilité de proposer un emploi). Si l’indemnisation du chômage est du ressort exclusif des caisses d’assurance chômage, l’effort en termes d’accompagnement des chômeurs est donc partagé avec les jobcenters (comme quoi la solution du « guichet unique » n’est pas nécessairement la panacée…).

– Force est de constater le niveau de satisfaction élevé des demandeurs d’emploi vis-à-vis de leurs caisses respectives (85%), un niveau d’ailleurs égal à celui constaté en 2001 lors de l’arrivée au pouvoir de la coalition libérale…

N’est-il donc pas temps 1) de simplifier les règles entourant notre système d’assurance chômage et 2) de mettre en pratique ce que préconisait Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle lorsque l’on sait que l’assurance chômage indemnise aujourd’hui  de toute manière moins de 50% des chômeurs?

(1) Discours de Nantes du 15 mars 2007 et de Charleville-Mézières du 18 décembre 2006 http://www.u-m-p.org/propositions/index.php?id=allocations_chomage

(2) Pour toute information relative aux caisses d’assurance chômage, Arbjedsmarkedsdirektoratet (Agence Nationale du Travail), Benchmarking af a-kasserne 2007.

http://www.adir.dk/graphics/informationsprodukter/rapporter/2007/12_benchmarking_a-kasserne_2007/pdf/benchmarking_a-kasserne_2007.pdf

Pour la cotisation préretraite, consulter http://www.ca.dk/efterloen/3100.html

(3) ”Konjunktur og Arbejdsmarked Uge 26”, 23-27 juin 2008, www.bm.dk/sw27381.asp

(4) Ministère de l’Emploi, http://www.bm.dk/sw23340.asp A noter qu’en cas de non-assurance contre le chômage, le montant de l’allocation , versée par la commune et remboursée en partie par l’Etat, dépend de la situation familiale et financière. Elle est donc d’un montant 20 à 40% inférieur.

(5) Ministère des Impôts, www.tastselv.skat.dk

(6) ”Dagpengesystemet: en analyse af dagpengesystemets dækning”, LO, janvier 2006 http://www.lo.dk/upload/LO/Documents/D/Dagpengesystemet,%20en%20analyse.PDF

(7) Danmarks Statistik http://www.dst.dk/Statistik/Nyt/Emneopdelt.aspx?psi=204

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Offre raisonnable d’emploi: le Danemark mis hors jeu

Mid july 08 (13)Récemment adopté par l’Assemblée Nationale, le texte de loi sur les « droits et devoirs des demandeurs d’emploi » a coïncidé avec la publication du rapport « Accompagner vers l’emploi : les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni », rédigé par les services d’Eric Besson, Secrétaire d’Etat chargé de la Prospective, de l’Evaluation des Politiques Publiques et du Développement de l’Economie Numérique (1).

D’une qualité indéniable, ce rapport met toutefois le Danemark hors jeu lorsqu’il s’agit d’opérer une comparaison avec la France en termes d’emploi « convenable ». Il faut en chercher la raison dans l’annexe 1 : « La notion d’emploi convenable a été abandonnée en 2003. Dans la pratique, les agents du service public de l’emploi utilisent cependant certains critères d’appréciation qui sont liés à : la nature de l’emploi, le temps de trajet que l’emploi exige, etc… » (2). Difficile de faire mieux pour botter en touche…

Que s’est-il donc passé en matière d’emploi au Danemark en 2003 ? Réponse : la mise en oeuvre d’un plan, intitulé « Plus nombreux au travail », adopté fin 2002 à une écrasante majorité incluant deux des trois grands partis d’opposition (au moment de la rentrée parlementaire et pas en plein été…), et basé sur l’idée qu’il existe une réserve importante de main-d’œuvre parmi les demandeurs d’emploi dans laquelle il faut « puiser » afin de contribuer à pérenniser l’Etat-Providence danois.

Outre un suivi plus strict des demandeurs d’emploi, ce plan s’est traduit par la fin d’une distinction scabreuse entre une « offre d’emploi convenable », que le chômeur était tenu d’accepter au cours des trois premiers mois de chômage, et une « offre d’emploi raisonnable », à laquelle il devait également répondre positivement une fois passé ce délai (3).

Cette dernière n’a toutefois pas disparu, l’accord de 2002 stipulant que le demandeur d’emploi se doit d’accepter un « emploi raisonnable dès le premier jour au chômage » (4). Sa définition est volontairement large : elle correspond à « un emploi que l’on est en mesure d’occuper », y compris un emploi dans un domaine autre que celui dans lequel une personne a pu auparavant être employée (5). Preuve qu’elle existe encore aujourd’hui, bien que d’une manière voilée, les brochures d’information de l’Agence Nationale du  Travail mentionnent qu’un chômeur peut refuser un emploi proposé dans le cas où ce dernier ne serait pas « raisonnable », ce qui veut donc dire que l’offre proposée doit être « raisonnable » et que l’interprétation de cet adjectif est souple (6).

Le refus d’en donner une définition plus précise résulte de l’atteinte d’un équilibre entre droits et devoirs des demandeurs d’emploi, cet équilibre se traduisant par la diffusion de valeurs telles que la confiance et la responsabilité qui permettent à leur tour un peu de souplesse dans son application : le devoir d’acceptation d’un emploi est contrebalancé par l’assurance implicite donnée que ce dernier correspond autant que faire se peut aux précédents secteurs d’emploi et aux qualifications des personnes concernées. Des refus valables restent de plus possibles (raisons de santé, garde d’enfant(s), maternité…).

A de nombreux égards, le Danemark applique des règles plus strictes qu’en France. Il faut en effet accepter la premier emploi proposé (contre la possibilité de le refuser en France), se tenir prêt, in fine, à accepter un emploi dans un autre secteur (ce qui semble exclu dans le texte de loi adopté la semaine dernière dans notre pays), et consentir à passer jusqu’à trois heures dans les transports au cours des trois premiers mois de chômage, voire plus par la suite (contre une heure de transport en commun ou une distance de 30 kilomètres chez nous).

Mais c’est sans compter la relative générosité des allocations chômage au Danemark (notamment en ce qui concerne les bas salaires) et les conditions salariales désormais dégradées entourant l’acceptation d’une offre de travail dans notre pays (après trois mois, le demandeur d’emploi doit accepter un emploi rémunéré à 95% de son salaire antérieur, au-delà de six mois à 80%). Des conditions qui vont finalement contribuer à augmenter le nombre de travailleurs pauvres au nom de la réduction du nombre d’inscrits à l’ANPE (pardon, à France Emploi). Une perspective étonnante pour un président élu sur la promesse d’augmenter le pouvoir d’achat…(7).

En résumé, le texte de loi adopté récemment à l’Assemblée prend donc le contrepied de ce qui se pratique au Danemark, dans le sens où, au lieu de faire preuve de souplesse vis-à-vis de la notion d’emploi « raisonnable », il vise à approfondir sa définition. Si l’on ajoute qu’il ignore les recommandations émises par la DARES selon lesquelles l’inadéquation de la formation ou de l’expérience des personnes concernées avec les offres d’emploi proposées constitue le frein principal au retour à l’emploi et qu’il néglige le fait que l’efficacité du modèle danois de flexicurité repose notamment sur la formation continue (on ne peut que déplorer une nouvelle fois l’absence de marges de manoeuvre budgétaires dans notre pays), il est permis de douter du résultat…

(1)Rapport Besson : « Accompagner vers l’emploi : les exemples de l’Allemagne, du Danemark et du Royaume-Uni », juillet 2008. http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000461/0000.pdf

Le texte de loi voté à l’Assemblée:http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta/ta0184.asp

(2) Annexe 1, page 41.

(3)http://fm.dk/Publikationer/2007/Mod%20nye%20maal%20Danmark%202015/4%20Flere%20i%20arbejde.aspx

(4)L’accord « Plus nombreux au travail » (en danois) www.bm.dk/graphics/dokumenter/temaer/det%20danske%20arbejdsmarked/flere%20i%20arbejde/endelig_aftaletekst.pdf

(5)Arbejdsdirektoratet (Agence Nationale du Travail) ”Om at stå til rådighed”, février 2008. http://www.adir.dk

(6)Arbejdsdirektoratet (Agence Nationale du Travail) “Om at være selvforskyldt ledig”, mars 2007. http://www.adir.dk

(7)http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1203 Pour éviter un dumping social, l’acceptation de l’offre d’emploi est basée sur le critère flou du « salaire normalement pratiqué dans la région et dans la profession »…

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