Archives mensuelles : octobre 2008

Ouvrir les portes de la négociation collective (2)

August 2007 298Le système danois de négociation collective est bien rodé. Il n’empêche que certaines conventions collectives sont plus difficiles à mettre en place que d’autres. A ce propos, si la grève a été évitée de justesse dans le secteur privé en 2007, il n’en a pas été de même pour le secteur public au cours d’un printemps 2008 marqué par un conflit de huit semaines du personnel de la santé.

Les difficultés rencontrées ne sont pas dues au hasard. Après la période faste (2004-2007) de croissance économique, tous les syndicats désiraient en récolter les fruits à l’aube d’un ralentissement justement annoncé pour la fin 2007 (1). De même, l’implication précoce et inhabituelle de certains partis politiques dans le processus de négociation et les quelques “maladresses” du gouvernement (réforme des collectivités territoriales de janvier 2007 qui renforce les pouvoirs de l’Etat dans le processus de négociation entourant le secteur public, présentation, en août 2007, de la réforme de la qualité dans le secteur public, promesses de baisse d’impôt durant les législatives anticipées de novembre 2007, interprétées par les syndicats comme étant convertibles en hausses salariales…) n’ont fait qu’hâtiser les revendications (2)

Avantages consentis dans le cadre du secteur privé (industrie): (3)

– Création d’un fonds de développement des compétences. Les employeurs y versent 70€ par salarié et par an durant la période d’application de la présente convention collective. Ce fonds est utilisé pour financer les salaires pendant les deux semaines de formation continue garanties aux salariés depuis les conventions collectives signées au début des années 90.

Renforcement du statut des syndicats et des représentants syndicaux au sein des entreprises. Les représentants du personnel peuvent désormais percevoir entre 1000 et 4000€ par an en fonction du nombre de salariés qu’ils représentent (financé par un fonds alimenté et géré par les partenaires sociaux et non par l’employeur).

– Introduction d’un compte de libre choix composé d’un montant correspondant à cinq journées de congés extraordinaires négociés dans le cadre de précédentes conventions, incluant les jours fériés et 1% du salaire versé pendant la période d’application de la présente convention. Chaque salarié peut choisir sous quelle forme il souhaite percevoir le montant ainsi constitué: augmentation salariale, augmentation de la contribution à la retraite professionnelle complémentaire, temps libre…

– Congé parental de 3 semaines pour les pères. Cotisations retraite maintenues pour les mères en congé maternité.

– Cotisations à la retraite professionnelle complémentaire portées  de 10.8% aujourd’hui à 11,1% au 1er juillet 2008 et à 12% au 1er avril 2009 (4)

– Augmentation du salaire minimum (seulement valable dans l’industrie) de 13,17€ au 1er mars 2007 à 13,51€ au 1er mars 2008 et à 13,85€ au 1er mars 2009. Les heures supplémentaires sont augmentées de 3% par an.

Avantages consentis dans le cadre du secteur public (agents de l’Etat): (5)

– Augmentation des salaires de 12,8% sur 3 ans.

– Les congés parentaux passent de 12 à 18 semaines (6 semaines pour les mères, 6 pour les pères et 6 à partager).

– Deux journées d’absence autorisées (contre une jusqu’ici) en cas d’enfant malade.

– Bonus salarial de 2,9 à 3,2% pour les séniors à partir de 2009 en fonction de leur âge et de leur catégorie professionnelle. Bonus convertibles en temps libre ou épargne retraite.

– Cotisations à la retraite professionnelle complémentaire portées de 12,5 à 15% du salaire brut pour les syndicats appartenant à LO, ce dernier pourcentage étant déjà atteint par les autres.

Comparaison des avantages entre le secteur public et le secteur privé:

Secteur public en 2008

Secteur privé en 2007

Congés maternité (payés)

38 semaines

29 semaines

Congés payés

6 semaines

6 semaines

Pause déjeuner payée

2,5 heures par semaine

néant

Congés de présence parentale/congés pour enfant malade

2 jours par an jusqu’à ce que l’enfant ait 8 ans/deuxième jour en cas de maladie

néant

Salaire en cas de maladie (salariés)

Pas de limitation

7,5 semaines en moyenne

Retraite complémentaire professionnelle

12-17,5%

12%

Que conclure des avantages auxquels les salariés danois ont aujourd’hui droit? Qu’à de rares exceptions près (35 heures en France contre 37 au Danemark, mais à quel prix?) la France ne soutient pas la comparaison. Rappelons également que les salaires danois sont également plus élevés d’au moins 50%…(6).

Par exemple, il faut attendre en France d’avoir un troisième enfant pour bénéficier d’un congé maternité (26 semaines) qui s’approche de celui en vigueur dans le privé au Danemark. Heureusement que Bruxelles vient de décider de faire passer le congé minimum au sein de l’UE de 14 à 18 semaines, ce dernier étant aujourd’hui dans notre pays de 16 semaines pour le premier enfant…De même, les salariés danois ont droit à six semaines de congés payés contre cinq en France. Sans compter les retraites complémentaires professionnelles…

Ces différences s’expliquent sans doute en partie par la faiblesse du taux de syndicalisation en France (8%, contre 75% au Danemark), qui ne laisse finalement aux organisations syndicales qu’un seul véritable pouvoir, celui de faire grève. Un taux de syndicalisation qui ne risque d’ailleurs pas de repartir à la hausse tant qu’une réforme de leur mode de financement n’est pas décidée. Au Danemark, la quasi-totalité du financement des syndicats est constitué par les cotisations versées par les membres, une transparence qui renforce la confiance qui leur est accordée et donc leur capacité à négocier (on est loin des dégâts produits par l’affaire UIMM…).

Le manque de main-d’oeuvre qui prévaut au Danemark pousse aujourd’hui le gouvernement à préconiser le “travailler plus”. Cela n’empêche pas les organisations syndicales d’avoir récemment obtenu un nouvel avantage, à savoir l’instauration d’une commission sur les salaires dont la mission principale sera d’étudier les différences salariales sous l’angle de la parité et dont les conclusions serviront de base aux prochaines négociations entourant les conventions collectives du secteur public.

Donc pas d’avancées dans notre pays sans des syndicats forts et responsables. A ce propos, il est nécessaire de souligner que l’adhésion à un syndicat n’est pas obligatoire au Danemark, contrairement à ce qui est souvent avancé dans notre pays. Au-delà de la totale transparence en termes de financement et de la confiance découlant d’un modèle de négociation de plus de 100 ans, la force des organisations syndicales est basée sur l’éventail de services qu’elles proposent: offres d’emploi personnalisées, assistance juridique, conseil personnalisé (comment négocier son salaire/statistiques sur les salaires en vigueur…). A suivre…

(1) Récolter les fruits d’une telle période passait par des exigences salariales élevées (pour certaines organisations allant jusqu’à 15% sur trois ans) et accentuées par le manque de main-d’oeuvre.

(2) La réforme de la qualité dans le secteur public vise notamment à renforcer l’attractivité des postes.

(3) Le secteur de l’industrie fixe traditionnellement le cadre général de négociation pour les autres secteurs. Les conventions collectives conclues en 2007 pour le secteur privé sont valables jusqu’au 1er mars 2010.

(4) Les retraites professionnelles complémentaires ont été introduites au début des années 90. Les cotisations sont versées aux 2/3 par l’employeur, le tiers restant par l’employé. Elles viennent compléter la pension d’Etat (Folkepension), la retraite complémentaire appelée ATP (versée d’une manière obligatoire par tous ceux en activité) et les éventuelles retraites souscrites à titre privé. Ces quatre dispositifs font du Danemark une référence mondiale en termes de solidité du système de retraite.

(5) La convention collective conclue pour les agents d’Etat est valable jusqu’au 1er avril 2011. Des conventions collectives sont également conclues au niveau régional et communal.

(6) Le salaire brut moyen annuel était en 2003 de 43 577€ au Danemark contre 28 068€ en France. Données Eurostat 2003 http://www.journaldunet.com/management/repere/salaires_europe.shtml

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2009, une année grise

IMG_0211Pas besoin d’être devin pour savoir que l’année 2009 sera, en France comme au Danemark, une année particulièrement difficile. Il importe donc de savoir ce que les responsables politiques ont gardé sous le coude afin de faire face aux perspectives de croissance peu reluisantes qui la caractérisent.

En ce qui concerne le Danemark, la stratégie est simple: faire le dos rond en attendant que les deux commissions sur l’emploi et la fiscalité rendent leurs conclusions courant 2009, avec comme double objectif d’adapter le modèle de flexicurité aux défis contenus dans le plan économie 2015 (notamment le nécessaire accroissement de la main-d’oeuvre) et de réformer l’ensemble de la fiscalité. Ni plus, ni moins. Le tout avec un taux de croissance annoncé de 0,5% pour 2009.

Force est de constater que dans ces deux domaines clés, les pistes de travail dans notre pays semblent beaucoup plus floues, voire quasi inexistantes, (à l’exception de la mise en place de “Pôle Emploi”, agence née de la fusion ANPE/Unedic, dont l’efficacité reste à prouver, ou de la promesse de ne pas augmenter les impôts…). Un vide encore plus inquiétant si l’on prend en compte les récentes déclarations des deux têtes de notre exécutif sur les points suivants:

1) La Loi de Finances 2009

L’optimisme, excessif, des hypothèses contenues dans la Loi de Finances 2008 aurait dû servir d’exemple. Et pourtant…Face aux prévisions de 0,2% de croissance émises par le FMI pour la France en 2009, à la perspective de récession aux Etats-Unis, et aux conséquences, inévitables, de la crise financière sur l’économie réelle, Fillon répondait au cours de la semaine que l’hypothèse initialement retenue dans le projet de Loi de Finances 2009 (1%) était maintenue, car “très, très prudente” (1).

Le motif? “Ce qui compte pour nous, c’est de tenir les dépenses”. “On sera intraitable sur les dépenses” ajoutait-il. Le tout en affirmant par ailleurs ouvertement craindre “une panne de croissance” et “n’être pas sûr de l’atteindre” (l’hypothèse de croissance, en réalité une fourchette de 1 à 1,5%) (2). Des déclarations qui appellent une remarque: le fait de négliger, en formulant une hypothèse de croissance qui pourrait s’avérer cinq à sept fois supérieure à la croissance réelle, la partie “recettes” d’un budget n’est-il pas au moins aussi dangereux que de laisser filer la partie “dépenses”?

2) La réponse concertée de l’UE à la crise économique

Toujours prompt à l’action, comme l’illustre sa volonté de réformer le capitalisme (à quand la suppression des paradis fiscaux?), notre Président s’interrogeait également de la manière suivante: “La crise économique est là. Si l’Europe a su apporter une réponse coordonnée à la crise financière, pourquoi ne ferait-elle pas de même face à la crise économique ?” (3).

Une déclaration étonnante lorsqu’elle débouche sur un appel à une politique de relance que la France ne peut se permettre de mener au vu de l’état de ses finances publiques. Une politique qu’elle aurait soit dit en passant dû pouvoir se permettre de mener si elle avait intégré le sens des critères de Maastricht, adoptés dans l’optique de de mettre tous les pays membres de l’UE à égalité dans ce domaine…

Une déclaration qui se heurte de plus à la cruelle réalité des faits: les disparités constatées, par exemple en termes de finances publiques d’emploi et de fiscalité, font qu’il est toujours impossible de mener une politique concertée d’envergure au niveau européen. Une simple présentation de la situation dans laquelle se trouve le Danemark dans ces trois domaines suffit à montrer qu’une action concertée avec la France, et donc avec les 25 autres pays de l’UE, n’aurait aucun sens:

Etat des finances publiques: solde budgétaire et dette publique (source: Danmarks Statistik)

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Rappelons que la dette publique du Danemark est passée de plus de 80% en 1993 à environ 25% fin 2007 et qu’un excédent budgétaire de 3% est prévu pour 2009, ce qui ouvre la voie à des allègements fiscaux dans le cadre de la commission fiscalité. Notre Président déclarait, fin 2007, que “si l’austérité produisait des résultats, cela se saurait depuis longtemps” (4). Faut-il souligner que la forte “l’austérité” qui prévaut au Danemark depuis 2004  n’a pas empêché l’adoption d’une série de réformes cruciales pour le pays (accord sur l’Etat-Providence, stratégie mondialisation, réforme des collectivtités territoriales, réforme de la qualité dans le secteur public…) et que les recettes pétrolières n’ont jamais dépassé plus de 50% (en 2007) des excédents budgétaires constatés?

Situation de l’emploi: nombre de chômeurs en milliers (source: Danmarks Statistik)

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Concernant la politique de l’emploi menée en France, voir mes deux précédents articles, qui montrent bien qu’il faut être “gonflé” pour appeler à une coordination dans ce domaine:

https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/08/15/la-flexicurite-ne-fait-plus-recetteen-france/

https://courrierdanemark.wordpress.com/2008/07/26/offre-raisonnable-demploi-le-danemark-mis-hors-jeu/

Système fiscal: (source: Ministère danois des Impôts)

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En dépit d’une TVA unique à 25%, c’est bien l’impôt sur le revenu qui constitue la principale source de recettes fiscales de l’Etat danois. Outre une imposition sur les revenus du travail plus élevée qu’en France, tous les revenus, y compris ceux de transfert (allocations chômage, retraite d’Etat…) sont en effet soumis à l’imposition (l’ISF à été supprimé en 1997). Une réforme s’impose aujourd’hui dans la mesure où 50% des personnes travaillant à temps plein se situent dans la tranche supérieure d’imposition et que le taux marginal d’imposition est le plus élevé du monde (63%). L’impôt sur les bénéfices des sociétés a quant à lui été abaissé de 28 à 25% en 2007.

En conclusion, pas de politique économique concertée au niveau de l’UE sans une convergence beaucoup plus marquée de nos économies, les critères de Maastricht et les huit principes communs de flexicurité étant visiblement insuffisants…

(1) “Fillon craint une “panne de croissance” en France en 2009”, Les Echos, 15 octobre 2008. http://www.lesechos.fr/info/france/300301704.htm?xtor=RSS-2059

(2) “Fillon: la crise n’est pas derrière nous”, Le Figaro, 15 octobre 2008. http://www.lefigaro.fr/economie/2008/10/15/04001-20081015ARTFIG00320-fillon-la-crise-n-est-pas-derriere-nous-.php

(3) “L’Europe se mobilise face à la récession” Le Figaro, 17 octobre 2008. http://www.lefigaro.fr/economie/2008/10/17/04001-20081017ARTFIG00447-l-europe-se-mobilise-face-a-la-recession-.php

(4) “Nicolas Sarkozy est augmenté de 172%, et non de 140%” Le Monde, 6 novembre 2007. http://www.lemonde.fr/sarkozy-un-an-a-l-elysee/article/2007/11/06/le-president-de-la-republique-est-augmente-de-172-et-non-de-140_974995_1036775.html

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Crise financière: un plan de sauvetage sauce danoise

Fif and Eva's Birthday Oct 2007 022Petite économie très ouverte sur l’extérieur, le Danemark n’est pas épargné par la crise financière. L’indice C20 (vingt premières valeurs de la bourse de Copenhague) a même davantage chuté depuis janvier (-36%) qu’en Grande-Bretagne (-32%) et qu’aux Etats-Unis (-31%). Depuis janvier, 50 milliards d’euros sont ainsi partis en fumée (1).

Face à la crise, le gouvernement danois a présenté, dimanche 5 octobre, au lendemain du simulacre de rencontre organisée à Paris entre pays dits du G4, un plan de sauvetage adapté à un secteur bancaire marqué par l’existence d’un grand nombre d’établissements de petite taille (environ 150!) (2). Un fonds alimenté à hauteur de 4,7 milliards d’euros (2% du PIB) par l’ensemble des banques proportionnellement à leur taille est ainsi destiné à venir en aide aux établissements en difficulté sur une période de deux ans. Parallèlement à cette mesure, la garantie des dépôts est désormais illimitée pour tous les déposants alors qu’elle était jusqu’ici plafonnée à seulement 40 000 euros. La période d’existence du fonds (jusqu’en septembre 2010) doit être mise à profit pour consolider le secteur, la distribution de dividendes et de stock-options devenant interdite. La Banque Nationale propose quant à elle des facilités de prêts pour les établissements dont le seuil de solvabilité dépasse 8%. Que retenir d’un tel plan de sauvetage?

Danmarks Nationalbank's logo

1) Les banques étant désignées comme les principales responsables de la crise actuelle, il est normal, aux yeux des autorités danoises, qu’elles soient mises à contribution. Dans la tourmente actuelle, le plan est donc basé sur un principe de responsabilité.

2) Les banques alimentent le fonds selon leur taille: les gros établissements danois (Danske Bank, Nordea, Jyske Bank), jugés solides, paient donc pour les petits établissements, aujourd’hui victimes de leurs stratégies agressives. Le plan est donc également basé sur un principe de solidarité.

3) Le plan danois se démarque de celui adopté aux Etats-Unis (plan Paulson) dans la mesure où l’Etat (donc le contribuable), n’interviendra que si les 4,7 milliards du fonds créé s’avèreraient insuffisants. Il évite de plus la discrimination opérée par le plan irlandais puisque la garantie illimitée des dépôts vaut également pour les filiales de banques étrangères installées dans le pays.

4) La garantie apportée par l’Etat dans le cas où le fonds ne parviendrait pas à couvrir les pertes subies par les établissements en difficulté permet à d’autres acteurs du secteur financier d’intervenir et d’atténuer le manque de liquidités. Le fonds de pension ATP, plus gros acteur du secteur financier, dont une des tâches est de gérer la retraite complémentaire des danois, vient ainsi d’annoncer avoir prêté un montant proche de 1,5 milliard d’euros à certains établissements bancaires du pays (3).

5) Encore une fois, le Danemark fait face à la crise en ordre relativement serré. Le plan proposé par le gouvernement a ainsi été adopté au Folketing à une écrasante majorité (4). A quand un large tour de table dans notre pays?

La stratégie solo du Danemark semble en tous les cas confortée par les conclusions de la récente visite d’une délégation du FMI dans le pays, selon lesquelles “Strong initial conditions, sound policies, and solid institutions have put the Danish economy in good position to meet the significant challenges that lie ahead” (5).

Il faut également souligner, outre la mise en oeuvre de ce plan, l’existence d’un deuxième filet de sécurité constitué par l’état des finances publiques. Certes, la crise actuelle pourrait diviser par deux l’excédent budgétaire prévu pour 2008 (3,8% du PIB) en raison d’un manque de rentrées fiscales et de la baisse du prix du pétrole, mais le gouvernement semble pouvoir compter sur des marges de manoeuvres équivalentes aux moyens aujourd’hui mobilisés par le secteur bancaire danois en cas de nouveau coup dur.

Outre la date de sortie de crise, que personne n’est en mesure de prévoir, deux questions restent aujourd’hui en suspens. La première, également valable pour la France, a trait à la difficulté d’élaborer un projet de loi de finances crédible pour 2009. Bien que prudente (0,5%), l’hypothèse de croissance retenue par Lars Løkke Rasmussen, le Ministre danois des Finances, ainsi que la plupart des variables macroéconomiques, vont être prochainement révisées.

La deuxième, qui ne vaut que pour le Danemark, concerne l’Euro. Mis entre parenthèses par le non irlandais au projet de constitution européenne et par la crise actuelle, le référendum sur la question sera sans doute remis sur la table avant la fin de la législature (2011). Il ne faut  toutefois pas surestimer les changements induits par une adoption éventuelle puisque la couronne danoise est attachée à l’Euro dans un serpent de +/- 2,25%. A cet égard, les autres exemptions dont “bénéficie” le Danemark, notamment celles relatives à la justice et à la défense, semblent aujourd’hui plus urgentes à lever puisqu’elles limitent son influence politique.

Billede af den samlede danske seddelserie, hvor alle sedler er opgraderet med flere sikkerhedselementer, bl.a. hologram

(1) « 375 milliarder kroner er pist væk« , Politiken, 11 octobre 2008. http://politiken.dk/erhverv/article581759.ece

(2) « Carré VIP à l’Elysée », Christophe Ginisty«  http://www.ginisty.com/weblog/2008/10/carr-vip-lelyse.html

(3) ATP, Arbejdsmarkedets Tillægspension est une contribition obligatoire versée chaque mois au bénéfice des salariés (2/3 par l’employeur, 1/3 par l’employé). Elle vient en complément de la pension d’Etat (Folkepension), touchée à partir de 65 ans. Le conseil d’administration de l’organisme chargé, entre autres choses, de gérer cette épargne complémentaire, est composé de représentants nommés par l’Etat et par les partenaires sociaux.

(4) Ministère danois de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie, http://oem.dk/sw22877.asp

(5) International Monetary Fund, Denmark 2008 Article IV Consultation, Preliminary Conclusions of the Mission, October 2, 2008 http://www.imf.org/external/np/ms/2008/100208.htm

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France 2025 versus Danemark 2015

Image00001 La crise financière étant le sujet incontournable du moment, une nouvelle est passée inaperçue cette semaine: le lancement du site internet dédié à “France 2025”, exercice ambitieux de prospective (ou de planning stratégique) appelant chaque citoyen à “faire un état des lieux de notre pays” et à formuler des recommandations via un “espace contributions”, le tout complété par les travaux de plusieurs commissions sur huit “sujets majeurs” (1).

Comme l’indiquait le Figaro cette semaine, “Les internautes sont notamment invités à « commenter », « amender » et « exprimer leurs convictions » sur ce travail de prospection commencé en avril et qui s’inspire de projets similaires en Grande-Bretagne et au Danemark” (2).

Comme indiqué dans mon premier article, intitulé “Prospective”, la référence faite au Danemark au moment du lancement de France 2025 pose problème dans la mesure où elle omet de mentionner le véritable fondement de la prospective “à la danoise”, à savoir le “plan économie 2015”, et que l’échéance choisie en France est peu crédible face à celle de nos amis danois.

Que s’est-il passé depuis ce premier constat?

1) La France est entrée en récession “technique” (croissance négative durant deux trimestres consécutifs), alors que les prévisions de croissance pour 2008 étaient les mêmes que pour 2007 (fourchette de 2 à 2,5%).

2) Au Danemark, le seul exercice qui se projette aussi loin que “France 2025”, à savoir l’accord sur l’Etat-Providence de 2006 (marqué notamment par l’élévation de l’âge minimum pour bénéficier du dispositif de préretraite de 60 à 62 ans entre 2019 et 2022 et de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans entre 2024 et 2027) est aujourd’hui dénoncé par la commission sur l’emploi, chargée de trouver les moyens d’accroître significativement la main-d’oeuvre dans le but d’assurer à l’horizon 2015 le même niveau d’Etat-Providence qu’aujourd’hui, malgré le contexte actuel de manque de main-d’oeuvre (3).

Deux évolutions qui jettent de sérieux doutes sur la pertinence de “France 2025” (qui peut ainsi être interprété comme un exercice de fuite en avant) et qui amènent aux interrogations suivantes:

Comment peut-on encore faire croire à des projections réalistes sur plus de 15 ans lorsque le gouvernement actuel s’est révélé incapable d’anticiper ne serait-ce qu’un  semblant de ralentissement économique entre 2007 et 2008?

Comment peut-on insister sur la solidité du projet « France 2025 » lorsque les autorités danoises sont aujourd’hui sommées par la commission sur l’emploi de remettre en cause un accord aussi important que celui sur l’Etat-Providence à peine plus de deux ans après sa signature et ce malgré la prudence dont elles font généralement preuve dans leurs prévisions?

Comment peut-on manipuler les électeurs en assurant que les travaux des différentes commissions mises en place dans le cadre de « France 2025 » seront suivis d’effet lorsque le gouvernement actuel, face à la crise financière, appelle honteusement à faire preuve de “flexibilité dans l’application du Pacte de Stabilité et de Croissance”, ce dernier constituant pourtant le plus grand rempart contre la naviguation à vue des économies européennes à moyen et long terme? (4)

La France en 2025? Pourquoi pas la France en 2050? Voici en tous les cas les prévisions qui me semblent les plus crédibles dans le cas malheureux où François Bayrou ne serait pas élu à la Présidence de la République (5):

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Preuve que l’échéance choisie par les danois est la bonne, il ne se passe pas un jour sans que le plan économie 2015 ne soit cité dans la presse et ne suscite de débats sur les moyens d’atteindre les objectifs qu’il contient. “Gouverner c’est prévoir”, disait Emile de Girardin. J’ajouterais pour ma part ceci: “Gouverner, c’est prévoir ce qui peut être prévu”.

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(1) http://www.france2025.fr/xwiki/bin/view/PresentationProjet/

(2) http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2008/10/01/01011-20081001FILWWW00711-eric-besson-lance-le-site-france-.php

(3) La commission sur l’emploi appelle ainsi, dans ses conclusions préliminaires, à avancer à 2009 la date d’entrée en vigueur des dispositions sur les préretraites et sur les retraites. http://www.amkom.dk

(4) “Le G4 s’engage à porter secours aux établissements financiers européens en difficulté”, Le Monde, 4 octobre 2008 http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/10/04/le-g4-s-engage-a-porter-secours-aux-etablissements-financiers-europeens-en-difficulte_1103179_1101386.html#ens_id=1102984

(5) Blog Coulisses de Bruxelles, 29 septembre 2008. http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2008/09/faillite-franai.html#more

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